Sélection DVD/Blu-ray janvier 2017

De Frantz au remake de Ben-Hur, en passant par Voir du Pays, Moka et La dame de Wildfell Hall, pleins feux sur cinq sorties DVD/Blu-ray du mois dernier. 


Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone
 (Paul Verlaine)

 

Frantz

François Ozon
2016
En Blu-ray et DVD depuis le 18 janvier 2017 chez Francetvdistribution
Onze nominations aux Césars 2017

La Grande Guerre vient de s’achever. Dans la petite ville allemande de Quedlinburg, la jeune Anna (Paula Beer) se rend tous les jours sur la tombe de Frantz, son fiancé, mort sur le front en France. Un jour, elle découvre qu’un jeune homme inconnu, et français (Pierre Niney), l’a précédée…

Avec François Ozon, on ne sait jamais à quoi s’attendre. Manipulateur subtil, provocateur en diable, il n’a pas son pareil pour déstabiliser. Et s’il y a bien deux constantes dans son cinéma, c’est le mensonge et la cruauté, dont il joue à loisir, comme en atteste à nouveau ce Frantz librement inspiré d’une pièce de Maurice Rostand, adaptée par Lubitsch en 1932 (Broken Lullaby). Ce mélodrame à suspense douloureux est mis en scène avec un fétichisme qui confine à l’exercice de style : noir et blanc très léché comme on n’en avait plus vu depuis Le Ruban blanc d’Haneke, passage à la couleur symbolique, détails des costumes, des décors… La beauté du film est saisissante, et la reconstitution de cette période d’après-guerre, où familles et survivants sont aussi meurtris d’un côté comme de l’autre du Rhin, force l’admiration. Mais Ozon ne se contente pas d’un beau mélo mortifère. Un nationalisme nauséabond s’empare du pays vaincu comme vainqueur, et le mensonge devient un mode de survie. Le film, véritablement hanté, et dont l’épilogue est on ne peut plus frustrant, porte bien la griffe de ce retors d’Ozon. On l’absoudra pour l’interprétation de l’actrice allemande Paula Beer, bouleversante dans ce rôle de jeune femme dont la douceur et la droiture contrastent avec l’ambiguïté et la fragilité du personnage campé par Pierre Niney. Une performance qui lui a valu le Prix Marcello Mastroianni (qui récompense les meilleurs espoirs) au festival de Venise dernier.
1 h 53 Avec Ernst Stötzner, Marie Gruber, Anton von Lucke, Cyrielle Clair, Alice de Lencquesaing…
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BANDE-ANNONCE

 

Le Blu-ray propose une image lumineuse et contrastée qui frise la perfection. Idem pour la piste HD-Master Audio 5.1, profonde et immersive, qui met en valeur la musique mélancolique de Philippe Rombi. Scènes inédites, essais des lumières et costumes, projets d’affiches et aperçu de l’équipe du film à Venise, avec le couronnement de Paula Beer, figurent au menu des suppléments.

 

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« Nous, on a vu la guerre. On n’est pas comme tout le monde. »

 

Voir du pays

Delphine Coulin, Muriel Coulin
2016
En DVD depuis le 10 janvier 2017 chez Diaphana
Prix du scénario de la sélection Un certain regard à Cannes 2016

Après une longue mission en Afghanistan, une troupe de jeunes militaires français doit prendre trois jours de repos forcé dans un hôtel de luxe, à Chypre. Avant rejoindre leur famille, ce sas de décompression leur permettra d’évacuer les tensions, entre débriefing avec réalité virtuelle, séances de sport et détente. Parmi eux, Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko), deux amies d’enfance, n’appréhendent pas le séjour de la même manière…

Cinq ans après 17 filles, leur premier et magnifique long-métrage, les sœurs Coulin ont adapté le roman homonyme de l’une d’elles (Delphine), et se penchent sur un thème peu abordé dans le cinéma français et très en phase avec l’actualité : le stress post-traumatique des militaires. De la guerre, on ne verra que des images de jeu vidéo auxquelles sont confrontés ces jeunes soldats traumatisés lors des séances de débriefing qui génèrent des confessions accablantes. Les réalisatrices réussissent parfaitement à montrer le décalage insupportable entre le mal être des protagonistes et l’ambiance festive de cet hôtel cinq étoiles avec vue sur mer turquoise, censé leur faire oublier la guerre à coups de séances d’aquagym, de soirées arrosées et de déhanchements sur le dance-floor. Hélas, peu à peu, le film, aux dialogues trop artificiels, dérive vers une dénonciation du sexisme et de l’omerta en vigueur dans l’armée, et passe un peu à côté de son véritable sujet.
1 h 42 Et avec Ginger Romàn, Karim Leklou, Andreas Konstantinou, Jérémie Laheurte, Alexis Manenti, Sylvain Loreau…
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BANDE-ANNONCE

 

Le programme n’est pas inintéressant (scènes inédites et bouts d’essai des comédiens), mais on regrette l’absence d’une interview des réalisatrices. Le DVD marque des points grâce à son image de toute beauté, lumineuse et contrastée, et à sa piste DD 5.1 très efficace.

 

 

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« Il cache bien son jeu
– Comment ?
– Le lac. Il a l’air calme. Mais il est plus dangereux que ça. »

 

Moka

Frédéric Mermoud
2016
En DVD et Blu-ray depuis le 17 janvier 2017 chez Pyramide Vidéo

Diane (Emmanuelle Devos) a perdu son fils unique, renversé par un chauffard qui a pris la fuite. Devant le manque d’efficacité de la police et la résignation de son époux (Samuel Labarthe), elle décide, pour ne pas flancher, de retrouver elle-même le coupable. Un détective privé la met sur la piste d’une Mercedes couleur moka, et d’une conductrice blonde…

 Librement adapté du roman homonyme de Tatiana De Rosnay, le second long-métrage du Suisse Frédéric Mermoud (après Complices) repose sur Emmanuelle Devos, quasiment de tous les plans et impeccable dans ce rôle de mère dévastée, ambiguë, qui se raccroche à sa quête avec détermination, prête à commettre l’irréparable. Le cinéaste instille un suspense hitchcockien dans cette traque qui emmène entre Lausanne et Evian, lac et montagne. Conçu comme un western contemplatif, Moka laisse la part belle aux éléments pour accentuer la tension et une certaine étrangeté (Frédéric Mermoud a réalisé des épisodes des Revenants…), ce qui confère à ce film de vengeance au titre énigmatique beaucoup de charme. En permanence sur un fil, les comédiens excellent, et on notera les belles prestations de Nathalie Baye, touchante, et Olivier Chantreau, qui campe un voyou très séduisant.
1h 29 Et avec David Clavel, Diane Rouxel, Jean-Philippe Ecoffey…
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BANDE-ANNONCE

 

Bonne qualité technique du DVD. L’image naturelle et contrastée rend justice à la très belle photo signée Irina Lubtchansky et la piste 5.1 est plus que satisfaisante. Le film est suivi d’un entretien instructif avec Frédéric Mermoud, et d’un de ses courts-métrages, en noir et blanc et plutôt amusant, paru en 2007, Le créneau, avec Emmanuelle Devos et Hippolyte Girardot.

 

 

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« Although I maintain that, if she were more perfect, she would be less interesting. »

 

La dame de Wildfell Hall (The Tenant Of Wildfell Hall)

Mike Barker
1996
En DVD depuis le 2 janvier 2017 chez Koba Films

Au petit matin, Mrs Helen Graham (Tara Fitzgerald) s’enfuit de sa somptueuse demeure avec son fils et sa servante et s’installe à des kilomètres de là, à Wildfell Hall, une grande maison lugubre et un peu délabrée. Se faisant passer pour veuve, elle adopte une attitude si réservée et hostile qu’elle suscite la curiosité des habitants du village et notamment de Gilbert Markham (Toby Stephens), séduisant et prospère fermier convoité par une jeune fille du cru…

Cette adaptation par la BBC du second roman d’Anne Brontë a été plébiscitée en Angleterre lors de sa diffusion à la télévision en 1996. Grâce à Koba Films, la France peut enfin découvrir les trois épisodes de cette mini-série réalisée par l’habile Mike Barker, qui a collaboré à Broadchurch, Tunnel, Fargo, ou Versailles. Dans la forme, la série a pris quelques rides, mais elle rend néanmoins justice au livre de la plus jeunes des sœurs Brontë, publié en 1848 et qui avait suscité de nombreuses controverses. Qu’une romancière se permette de décrire avec autant de réalisme la violence conjugale et l’alcoolisme n’était pas du goût de tous les lecteurs de l’époque. Moins romantique que celle de ses sœurs aînées, l’écriture d’Anne Brontë était tout aussi audacieuse, mais plus moraliste et révoltée (The Tenant of Wildfell Hall est d’ailleurs considéré comme l’un des tout premiers romans féministes) et le roman s’attache aussi à décrire la vie et les mœurs de cette société rurale. La mini-série ne verse pas non plus dans le sentimentalisme, et a, elle aussi, quelque chose de brutal. L’héroïne campée par Tara Fitzgerald n’est d’ailleurs pas sympathique d’emblée (l’actrice qui avait refusé tout maquillage, est incroyablement austère). Elle porte en elle les stigmates du calvaire de sa vie conjugale. Il faudra tout l’intérêt que lui porte Gilbert Markham, incarné par l’incontournable et charismatique Toby Stephens, (interprète de Mr Rochester dans la récente mini-série Jane Eyre), pour la ramener à la vie. On peut également saluer la performance de Rupert Graves (l’Inspecteur Lestrade de Sherlock), impressionnant et très convaincant dans le rôle de l’époux débauché, alcoolique et violent.
2 h 39 Et avec James Purefoy, Sarah Badel, Jackson Leach…
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BANDE-ANNONCE

 

 

Pas de bonus autre qu’un bouquet de bandes-annonces de l’éditeur. L’image accuse son âge, mais la définition est soignée et très honorable. On se félicite de la présence d’une piste 2.0 en anglais sous-titrée, de belle facture, d’ailleurs la seule version proposée.

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« You should have stayed away.
-You should have killed me.
– I will. »

 

Ben-Hur

Timur Bekmambetov
2016
En Blu-ray et DVD depuis le 17 janvier 2017 chez Universal

Au début du premier siècle, à Jérusalem, Judah Ben-Hur (Jack Huston), prince de Judée, vit une existence paisible entouré de sa mère, sa sœur Tirzah (Sofia Black-D’Elia), et son frère adoptif Messala (Toby Kebbell), un Romain adopté par sa famille. Les deux jeunes hommes, amateurs de courses de chevaux, sont très amis, même s’ils sont animés d’un esprit de compétition. Mais Messala vit mal sa situation d’orphelin, d’autant que la mère de Judah voit d’un mauvais œil l’amour que Tirzah lui porte. Au grand dam de son frère, Messala décide de rejoindre son peuple, et de s’enrôler dans l’armée de Tibère. Car l’empire de Rome ne cesse de s’étendre…

Non seulement il a fait un flop au box-office, mais c’est peu de dire que ce remake du fameux Ben-Hur a suscité la foudre de la critique à sa sortie. En choisissant de confier les rênes d’un tel projet au cinéaste russe Timur Bekmambetov, cinéaste d’action pas vraiment réputé pour sa finesse (Night Watch, Wanted : choisis ton destin, Abraham Lincoln : chasseur de vampires…), le parti pris des studios Paramount et MGM était manifestement de cibler le public jeune, peu cinéphile, et de donner une nouvelle fraîcheur au roman de Lewis Wallace publié en 1880, déjà à l’origine du classique de William Wyler. Force est de constater que la comparaison est cruelle, car ce Ben-Hur a beau bénéficier d’effets spéciaux high-tech, il n’a jamais le souffle épique de son prédécesseur et apparaît curieusement plus kitsch et aseptisé. En outre, si le scénario de ce nouveau cru fait la part belle à la religion, la manière dont sont abordés le pardon et la rédemption sonne singulièrement faux. Pas facile non plus de résumer une telle œuvre en deux heures (la fresque de Wyler durait trois heures et demie). Cependant, le divertissement est loin d’être honteux. Bien qu’un peu falot, Jack Huston (apprécié des fans de Boardwalk Empire) fait une prestation honorable, notamment dans les scènes d’action, filmées avec une efficacité redoutable et une vitesse fulgurante.
2 h 05 Et avec Morgan Freeman, Rodrigo Santoro, Nazadin Boniadi, Ayelet Zurer, Pilou Asbæk, James Cosmo…
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BANDE-ANNONCE

S’il y a à redire sur le film, le Blu-ray en revanche, est irréprochable. La définition est sublime (le piqué est… piquant !) et la piste HD-Master Audio 7.1 de la version originale décoiffe littéralement (le caisson de basses dans les scènes d’action fait trembler les murs). Côté bonus, on peut découvrir moult featurettes sur la genèse du film (avec des interventions de l’arrière-arrière-petite-fille de l’auteur du livre), les secrets du tournage, le choix des acteurs etc. Sept scènes coupées intéressantes complètent ce programme consistant.