OSCARS 2015 PALMARÈS

Oscars2015_NeilPatrickHarris_PromoShot

C’est l’année des petites révolutions ! Deux jours après une cérémonie des César plus excitante que prévu, celle des Oscars, présentée par Neil Patrick Harris, s’est, elle aussi, révélée plutôt étonnante. Moins consensuelle que d’habitude, la soirée a été ponctuée par des discours puissants et des déclarations engagées — sur l’égalité des salaires hommes-femmes (et l’égalité des droits tout court), l’injustice faite aux noirs, celle aux immigrés mexicains… — Et pourtant, cette 87eme nuit des Oscars avait débutée par une adorable ode à la famille par J. K. Simmons venu chercher son Oscar du Meilleur second rôle pour Whiplash. Même Lady Gaga a chanté (et bien) La Mélodie du bonheur, c’est tout dire…

 

image

« Who gave this son of a bitch his green card ? » (Qui a donné une carte verte à ce fils de pute ?) Sean Penn annonçant l’Oscar du Meilleur film (Birdman) réalisé par Alejandro González Iñárritu

Ces temps-ci, il n’est pas de cérémonie réussie sans Sean Penn. Deux jours après avoir reçu les hommages du cinéma français sur la scène du Châtelet à Paris, l’acteur-réalisateur a créé un mini-scandale avec cette petite blague à l’encontre de son ami Alejandro González Iñárritu, qui l’avait dirigé en 2003 dans 21 grammes et auquel il s’apprêtait à remettre l’Oscar du Meilleur film. Si le cinéaste mexicain a trouvé la plaisanterie hilarante, le second degré de cette private joke n’a pas été capté par tout le monde et, depuis dimanche soir, Sean Penn est cloué au pilori sur les réseaux sociaux.

oscars-2015-le-triomphe-de-birdman,M200681

Alejandro González Iñárritu, tout à sa joie d’avoir remporté quatre Oscars (Meilleurs film, réalisateur, scénario original et photographie) pour son Birdman, grand vainqueur de la soirée, a saisi la perche tendue par Sean Penn pour appeler à un meilleur traitement des immigrés mexicains aux Etats-Unis.

Birdmankeaton

Birdman, qui a remis en selle l’acteur Michael Keaton (entouré dans le film d’une belle brochette de stars – Edward Norton, Emma Stone, Naomi Watts, Zach Galifianakis…) est une comédie noire et fantasque sur les déboires d’un ex-acteur de films de super-héros qui tente de renouer avec la gloire au théâtre. Le film, qui a fait l’unanimité aux Etats-Unis, sera sur les écrans français dès demain.

 

The-Grand-Budapest-Hotel-Still

Bien lotis au palmarès eux aussi, le merveilleux et lubitschien The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, décroche quatre Oscars (Costumes, direction artistique, maquillage et coiffure, bande-originale), et l’outsider Whiplash, déjà salué, entre autres, à Sundance, Deauville et aux Golden Globes, obtient trois statuettes, pour les Meilleurs second rôle (J.K. Simmons), montage et mixage sonore.

Whiplash_miles-teller-jk-smmons

J.K. Simmons

 

Les acteurs favoris ont eux aussi été couronnés. Six mois après avoir remporté un Prix d’interprétation à Cannes (pour Maps To The Stars) et une distinction aux Golden Globes, Julianne Moore a reçu des mains d’un Matthew McConaughey très barbu l’Oscar de la Meilleure actrice pour Still Alice, dans lequel elle incarne une linguiste atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle a entamé son discours de remerciement ainsi : « J’ai lu un article qui disait que gagner un Oscar pouvait rallonger l’espérance de vie de cinq ans. Si c’est vrai, j’aimerais remercier l’Académie parce que j’ai un mari plus jeune que moi. »

julianne

 

Et comme au cinéma, la maladie paie, Eddie Redmayne a raflé comme prévu l’Oscar du Meilleur acteur pour Une merveilleuse histoire du temps. Il y campe le physicien Stephen Hawking, atteint de la maladie de Charcot. La joie du jeune acteur, très démonstratif sur scène, était rafraîchissante.

65a9b3f03f8bf445678565de7214825c-e1424668519136-1940x1092

 

Patricia Arquette, lauréate de l’Oscar du Meilleur second rôle féminin pour Boyhood, auquel elle a offert sa seule récompense (alors qu’il était l’un des favoris de la compétition) a fait un joli coup d’éclat sur scène. Après les remerciements d’usage, elle s’est lancée dans un plaidoyer en faveur de l’égalité des salaires hommes-femmes qui a fait se lever d’un bond Meryl Streep. Cette dernière a levé le bras en hurlant un « YES ! », applaudi par sa voisine Jennifer Lopez.

PHO604565e4-bb0f-11e4-b15f-308ddfff3221-805x453

Oscars-2015-L-egalite-salariale-Meryl-Streep-est-pour_portrait_w532« A toutes les femmes qui ont enfanté, à tous les contribuables et citoyens de ce pays, nous nous battons pour que chacun jouisse des mêmes droits. Il est temps pour nous les femmes d’obtenir l’égalité salariale et l’égalité des droits aux Etats-Unis. »

 

Autre temps fort de la cérémonie : la superbe prestation de John Legend et Common, entourés d’une chorale, interprétant sur scène « Glory », la chanson de Selma, le film d’Ava DuVernay retraçant la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King en 1964, injustement oublié des nominations cette année. S’en est suivie une standing ovation de la part d’un public en larmes (notamment David Oyelowo et Oprah Winfrey, l’acteur principal et la productrice du film, ainsi que Chris Pine).

87th Annual Academy Awards - Show

En recevant l’Oscar de la Meilleure chanson originale, les deux interprètes ont prononcé chacun un discours percutant. Common a évoqué le pont de Selma, où a eu lieu la marche civique : « L’esprit de ce pont dépasse la race, le genre, l’orientation sexuelle et le statut social. L’esprit de ce pont relie l’enfant du sud de Chicago rêvant d’une vie meilleure à ceux en France qui se lèvent pour la liberté d’expression, à ceux de Hong Kong qui manifestent pour la démocratie. Ce pont a été construit sur de l’espoir, soudé avec de la compassion et élevé avec de l’amour pour tous les êtres humains. »

Et John Legend de conclure : « Nous avons plus d’hommes noirs dans les prisons aujourd’hui qu’au temps de l’esclavage en 1850. »

 

534122237MW00035_87th_Annua

« Tonight we honor Hollywood’s best and whitest…. Sorry, brightest » (Ce soir nous honorons ce qu’Hollywood a de meilleur et de plus blanc… pardon, de plus brillant)

On notera que la soirée a été menée avec classe et professionnalisme, et pour la première fois, par Neil Patrick Harris (bien connu pour son rôle de Barney dans la série How I Met Your Mother), qui a entamé les festivités par un magnifique hommage au cinéma façon broadway, en poussant lui-même la chansonnette (rejoint par Jack Black et Anna Kendrick). Au cours de la soirée, le maître de cérémonie n’a pas omis de faire des allusions piquantes aux critiques récentes envers le manque de diversité dans la sélection des nominés, et s’est même fendu d’une arrivée en slip soulignée de « Acting is a noble profession » en clin d’œil à une séquence de Birdman.

20150223MOMENTS-slide-ATYZ-superJumbo

 

Parmi les autres faits marquants de la soirée, outre la découverte que le colosse Dwayne Johnson a pleuré devant Le Roi Lion (mais qui ne l’a pas fait ?), on retiendra que si Timbuktu s’est hélas fait ravir son trophée du Meilleur film étranger par le Polonais Ida de Pawel Pawlikowski, le compositeur français Alexandre Desplat a enfin reçu son premier Oscar après huit nominations infructueuses. Nommé à la fois pour The Imitation Game et The Grand Budapest Hotel, c’est avec ce dernier qu’il obtient sa statuette amplement méritée.

87th Academy Awards - Press Room - LA

 

The Imitation Game, sur la vie tragique du scientifique homosexuel Alan Turing, en lice pour l’Oscar du Meilleur film, n’est pas reparti bredouille. Le jeune scénariste Graham Moore, a remporté l’Oscar de la Meilleure adaptation et s’est fait remarquer sur scène avec un discours véhément et bouleversant. Il a déclaré qu’à seize ans, lui aussi se sentait différent et avait tenté de se suicider, avant de conclure sur un « Stay weird ! Stay different ! » (Restez bizarre ! Restez différent !) ovationné par toute la salle, et repris, depuis, en force sur les réseaux sociaux.

graham_moore_oscars

 

Les nouveaux héros (Big Hero 6) a décroché l’Oscar du Meilleur film d’animation (Don Hall, l’un des coréalisateurs a qualifié son producteur John Lasseter de « best boss in the world »), et Citizenfour, de Laura Poitras, consacré à l’histoire d’Edward Snowden, celui du Meilleur documentaire.

027467.jpg-c_640_360_x-f_jpg-q_x-xxyxx

citizenfour

 

 

Enfin, Marion Cotillard portait une tenue moins risquée qu’à la soirée des César,

537605207BT00025_87th_Annua

 

 

 

 

 

 

Gwyneth Paltrow, avec sa rose géante sur l’épaule, aurait mérité l’Oscar de la Meilleure poupée Barbie.

537605207PH00514_87th_Annua

 

 

 

Scarlett Johansson celui de la coiffure la plus ratée,

scarlett-johansson-en-atelier-versace-collier-swarovski-172463

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Jared Leto un Oscar christique,

jared-leto-oscars-2015-2-1424654694

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et pour Emma Stone le titre de Miss Congeniality.

Emma stone

Article connexe :
César 2015 Palmarès

THE GRAND BUDAPEST HOTEL

Le génie se faisant plutôt rare ces temps-ci au cinéma, le nouveau film de Wes Anderson ne peut que susciter l’enthousiasme. La virtuosité du cinéaste n’a jamais été aussi éclatante que dans cette œuvre baroque, burlesque, généreuse, nostalgique et profondément humaniste.

 

The Grand Budapest Hotel
 The-Grand-Budapest-Hotel-Still

Wes Anderson
2014
Angleterre — Allemagne

En 1968, le Grand Budapest Hotel, juché au sommet d’une montagne en république de Zubrowka, n’est plus que l’ombre de lui-même. Pourtant, une poignée d’habitués prisent le charme suranné de cet établissement sans pareil. Un jour, pour avoir manifesté de la curiosité au sujet de l’étrange propriétaire des lieux (F. Murray Abraham), un client écrivain (Jude Law) est invité à dîner par ce dernier, qui entreprend de lui raconter la manière dont il a fait l’acquisition de l’établissement. Tout commence en 1930. Le Grand Budapest Hotel était alors un des palaces les plus prestigieux d’Europe, et son concierge, Mr Gustave H. (Ralph Fiennes), était presque plus célèbre que lui…

On peut être insensible au cinéma de Wes Anderson, le juger trop abracadabrant, trop décalé, trop enfantin, trop nostalgique, trop artificiel. J’avoue m’être fermement ennuyée devant A bord du Darjeeling Limited, malgré ses acteurs épatants et ses séduisantes références (alors que j’avais été invraisemblablement touchée par les tribulations du renard malicieux de Fantastic Mr. Fox). Mais l’inventivité, la générosité et l’originalité de l’imaginaire du cinéaste suscitent un respect indéniable. Il faut avoir foi en un tel artiste, qui, film après film, développe ses obsessions et son univers personnel au mépris des modes et des tendances, et a réussi à former autour de lui une famille d’acteurs ô combien judicieuse (Bill Murray, Owen et Luke Wilson, Jason Schwartzman, Adrien Brody, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Edward Norton…). La preuve : son huitième long-métrage, The Grand Budapest Hotel, récompensé au festival de Berlin 2014 du Prix du Jury, frise la perfection. Inspiré par les mémoires de Stefan Zweig autant que par des éléments de la vie réelle du réalisateur, le film narre une aventure rocambolesque de vol de tableau et d’héritage durant l’entre-deux-guerres dans une Mitteleuropa menacée par la montée du nazisme. A cela, se mêle une histoire d’amitié tout aussi improbable entre un concierge sophistiqué à l’extrême et un jeune groom immigré aussi peu loquace que le premier est volubile. Le film propulse dans une boule à neige, et en appelle à Lubitsch, Hergé, Agatha Christie, Hitchcock, et même, via le personnage de tueur incarné par Willem Dafoe, à l’expressionnisme allemand. En digne magicien, Wes Anderson maîtrise tout : les changements d’époque (et avec eux les formats d’image), les techniques d’animation et d’effets spéciaux, les décors kitschissimes (l’hôtel circa 1930 a tout d’un chou à la crème) et le rythme, véritablement trépidant du début à la fin. L’équilibre entre le comique et le drame est remarquable. Et si la mort est souvent présente, l’œuvre n’est en rien morbide, chaque tragédie étant désamorcée en un clin d’œil par un trait d’humour décapant. Trônant sur ce grand huit de l’absurde, Ralph Fiennes est époustouflant de drôlerie, mais son personnage fantasque, à la fois roublard et noble, représentant d’un monde qui se meurt, incarne également l’esprit de résistance, de solidarité et de tolérance face à la barbarie. Un bijou !
Avec Tony Revolori, Mathieu Amalric, Tom Wilkinson, Saoirse Ronan, Tilda Swinton, Jason Schwartzman, Adrien Brody, Jeff Goldblum, Harvey Keitel, Bill Murray, Léa Seydoux, Edward Norton…
1 h 40 min

BANDE-ANNONCE

Meet-the-Cast-of-Characters-of-Wes-Andersons-The-Grand-Budapest-Hotel-0

the-grand-budapest-hotel-international-trailer-0

The-Grand-Budapest-Hotel-la-critique_article_landscape_pm_v8

GHB_7195 20130213.CR2

388813.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

19539015_20131017161309326