Le vent se lève !… il faut tenter de vivre ! (Paul Valéry, Le cimetière marin)
Le vent se lève (Kaze Tachinu)
Hayao Miyazaki
2013
Au Japon au début du siècle dernier, le jeune Jiro Horikoshi est passionné d’aviation. Il sait qu’il ne sera jamais pilote à cause de sa myopie, mais rêve d’être ingénieur comme son idole, l’Italien Giovanni Caproni, et de créer l’avion parfait. En 1923, à bord du train qui l’emmène à l’université de Tokyo où il est un brillant étudiant en aéronautique, il rencontre la jeune Naoko. Il a juste le temps de tomber amoureux avant que le sol se mette à bouger et que se déclenche le plus terrible tremblement de terre qu’ait connu la région…
Le vers qui entame la dernière strophe du poème Le cimetière marin, de Paul Valéry, revient plusieurs fois dans le film testament d’ Hayao Miyazaki, qui a, à 72 ans, a annoncé qu’il serait son dernier long-métrage. Ce n’est donc pas un hasard si Le vent se lève, également inspiré par le roman homonyme de Tatsuo Hori, se révèle plus sombre, plus pessimiste et plus adulte que ses œuvres précédentes (Ponyo sur la falaise, Le château ambulant). A travers cette évocation romancée de la vie de l’ingénieur Jiro Horikoshi, tristement célèbre pour avoir créé le chasseur Zero, l’avion des kamikazes qui a fait des ravages à Pearl Harbor durant la seconde guerre mondiale, Miyazaki renoue avec son enfance (il est né en 1941) et le souvenir empreint de culpabilité de ses parents (son père travaillait pour l’usine Mitsubishi qui fabriqua l’avion). Adoptant un parti pris qui peut sembler contestable, le cinéaste choisit de faire de l’ingénieur un doux rêveur, un type bien, toujours prêt à aider son prochain, simplement obsédé par son travail et sans aucune conscience politique. Ainsi, c’est en toute innocence qu’il s’acharne à créer un avion performant et léger, qu’il se rend en Allemagne entre les deux guerres pour étudier leur technologie plus avancée, et non pour embrasser les préoccupations guerrières de ses employeurs de l’usine Mistubishi. « La guerre, mais contre qui ? » demande-t-il à de nombreuses reprises. Dans ses rencontres imaginaires avec l’ingénieur Caproni, tous deux parlent d’inventer de beaux avions pour le transport des passagers et s’insurgent contre l’idée d’en faire des engins de guerre. Cruelle ironie ! Le destin de Jiro est scellé par les événements qui s’annoncent et par une situation politique dont il n’a que faire. Il n’est préoccupé que par ses recherches et par son amour pour Naoko, compromis par la maladie de celle-ci (elle souffre de tuberculose, comme la mère de Miyazaki). A travers le prisme du jeune ingénieur, le film feuillette les grandes tragédies du siècle (la Première Guerre mondiale, le tremblement de terre du Kanto qui a partiellement détruit Tokyo, la grande dépression qui a entraîné le pays dans la pauvreté et la misère, la montée du nazisme) et reste pourtant d’une beauté sidérante. Il s’attarde sur des détails immensément humains (les petits gestes entre Naoko et Jiro, l’acharnement de celui-ci à reproduire la perfection de la courbe d’une arête de maquereau sur sa planche à dessin) sur des visions idylliques de la campagne japonaise (la vie d’avant) et sur les images du ciel où se déploie l’imaginaire du jeune ingénieur. Les scènes du séjour à l’hôtel où les tentatives pour faire voler un petit avion de papier déclenchent les fous rires des amoureux sont fabuleuses. Mais elles ne sont que des parenthèses enchantées, bientôt rattrapées par la fatalité. Le ciel, le vent, les machines volantes sont des éléments récurrents et fantastiques du cinéma de Miyazaki (Nausicaä de la Vallée du Vent, Porco Rosso, Le château dans le ciel….). Ici, ils s’inscrivent dans une réalité dont la cruauté revient en pleine visage, avec le souffle du vent.
Merci mille fois Sophie pour ce magnifique blog qui me donne envie de regarder le monde autrement, par cette étonnante fenêtre que tu ouvres sur un cinéma que j’ai oublié d’aller chercher depuis des années… Ca me donne envie, à nouveau, enfin, de sortir voir dehors, voir comment le monde pense
Merci Ona ! C’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire !
Le vent se lève et le temps file… Il faut que je prenne le temps de voir ce film !
Hâte de voir ce film ! j’attends sa programmation au Sirius
J’ai vu cet après-midi « American Bluff » j’ai adoré. Il a sa place sur la liste de mes « films cultes » !!!
Bises
Oui, American Bluff me tente aussi. Tant mieux si ça t’a plu. J’en parlerai sur AFAP 😉
Bises
Bonjour Sophie
J’ai enfin vu « le vent se lève » hier superbe quelles belles émotions !!!
Ce soir je suis allée voir « L’escale » film documentaire de Kaveh Bakhtiari (réalisateur iranien)
« A Athènes, le modeste appartement d’Amir, un immigré iranien, est devenu un lieu de transit pour des migrants qui, comme lui, ont fait le choix de quitter leur pays. Mais la Grèce n’est qu’une escale, tous espèrent rejoindre d’autres pays occidentaux. Ils se retrouvent donc coincés là, chez Amir, dans l’attente de papiers, de contacts et du passeur à qui ils confieront peut-être leur destin… » POIGNANT
Bises
Wow ! Marie, tu es sur tous les fronts 😉 Bises