BRÈVE RENCONTRE (Brief Encounter)

Un homme et une femme, mariés chacun de leur côté et qui se croisent chaque semaine dans la même gare, tentent de résister à la tentation de l’adultère… Mise en scène avec une subtilité et une délicatesse fabuleuses par David Lean, cette adaptation d’une pièce de Noël Coward est un pur chef-d’œuvre. Redécouvrez-la d’urgence !

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« Tout a commencé un jour quelconque dans l’endroit le plus quelconque du monde : le buffet de la gare de Milford… »

  

BRÈVE RENCONTRE (Brief Encounter)

David Lean
1945
À visionner le 3 mai sur Arte et jusqu’au 1er juin 2021 sur Arte.fr
À dénicher, l’excellent coffret intitulé David Lean – Les premiers chefs-d’œuvre, paru chez Carlotta en 2011.

Au buffet de la gare d’une petite ville de la banlieue de Londres, où elle se rend chaque jeudi pour faire des emplettes et aller au cinéma, Laura (Celia Johnson) rencontre Alec (Trevor Howard), un médecin qui vient aussi le jeudi dans cette même ville, pour visiter ses malades à l’hôpital. À force de se croiser chaque semaine, ils finissent par entretenir une amitié complice. Mais ils sont tous deux mariés et leur relation devient de plus en plus délicate…

Quatrième et dernière collaboration de David Lean et Noël Coward, dramaturge anglais de génie, ce joyau emblématique du cinéma britannique de l’après-guerre est adapté de la pièce en un acte de Coward (Still Life), publiée neuf ans plus tôt. La mise en scène stylisée, subtile et très inspirée insuffle un incroyable romantisme à cette chronique du quotidien d’Anglais ordinaires, dont l’existence banale, orchestrée comme une horloge, bascule soudain dans le chaos. « En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit »aurait déclaré Winston Churchill. La musique lyrique (de Rachmaninov surtout), langage à part entière, traduit judicieusement les émotions des protagonistes. Sublimée par la photo de Robert Krasker (chef opérateur du Troisième homme), cette histoire d’amour contrarié profite également du talent et de la justesse de ses deux interprètes principaux, le très charismatique Trevor Howard, et Celia Johnson (protégée de Noël Coward, qui se consacrera par la suite au théâtre), qui restitue d’un regard les tourments de son personnage. Trois fois nommé aux Oscars en 1946, ce mélodrame aux accents de réalisme poétique reste un chef-d’œuvre absolu.
1 h 26 Et avec Cyril Raymond, Stanley Holloway, Joyce Carey, Everley Gregg…

 

MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN

Illustrant l’adage selon lequel on est toujours prompt à détester ce qu’on a adoré, la sortie du nouveau Dolan a été pour le moins chahutée. Descendue en flammes au festival de Toronto en septembre dernier par la critique, quasi unanime à évoquer le premier faux pas du jeune prodige, cette première production à gros budget (et en anglais) du cinéaste québécois était un ratage annoncé (accumulation de retards, tournage chaotique, montage de quatre heures réduit à deux, toutes les scènes de la star Jessica Chastain coupées — son personnage ayant disparu de la version finale…). Son processus créatif complexe a failli avoir raison de la santé du réalisateur, habitué à gérer des productions plus modestes. Résultat, le film n’a pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis. La France, heureusement, lui a tendu les bras. Verdict.

 

Debout peu importe le prix
Suivre son instinct et ses envies
Les plus essentielles
(Etienne Daho « Le premier jour du reste de ta vie »)

 

Ma vie avec John F. Donovan (The Death And Life Of John F. Donovan)

Xavier Dolan
2018
Dans les salles françaises depuis le 13 mars 2019

Douze ans après la mort prématurée de John F. Donovan (Kit Harington), star surmédiatisée de la télévision américaine, un jeune acteur (Ben Schnetzer) s’apprête à publier la correspondance qu’il avait entretenue, enfant, avec cette icône. A la journaliste plutôt sarcastique (Thandie Newton) qui l’interviewe, il raconte comment cette relation épistolaire a affecté leurs vies respectives…

Si Xavier Dolan n’existait pas, il faudrait l’inventer. Dans une époque gangrenée par le cynisme et la haine ordinaire, la candeur de ce cinéaste de vingt-neuf ans qui se fie à son intime conviction, sans peur du ridicule, a quelque chose de merveilleux. Ne pas aimer Ma vie avec John F. Donovan, c’est ne pas l’aimer lui, Dolan, qui s’y livre avec fougue, se souvient du petit garçon rêveur et passionné qu’il a été, vouant une adoration quasi obsessionnelle à ses idoles du petit écran, seule source de magie dans une existence un peu terne. Le Rupert Turner qui hurle d’extase devant l’épisode de sa série préférée, c’est Dolan gamin, fasciné par la saga Roswell, amoureux de son héros Jason Behr (qui ne l’était pas ?), et qui, à cette époque, écrivait à ses acteurs fétiches (il a récemment dévoilé une lettre restée sans réponse adressée à Leonardo DiCaprio). Alors oui, le film est bourré de défauts, à commencer par les dialogues d’une platitude étonnante (la palme revenant aux échanges entre les personnages incarnés par Thandie Newton et Ben Schnetzer). Ensuite, ce n’est pas tant l’impression de montage amputé qui dérange, mais un désagréable sentiment de déjà-vu (figures maternelles ambivalentes, scène chantée euphorique…). On déplore également la bande-son trop évidente et la superficialité de la dénonciation de l’hypocrisie en vigueur dans le monde du spectacle, qui se traduit par une avalanche de clichés édifiants. Pourtant, la magie opère. Le jeune Jacob Tremblay est ahurissant dans quasiment toutes ses scènes, et Natalie Portman, toute en retenue, est fabuleuse. Qui mieux que l’interprète du Jon Snow de Game of Thrones pouvait incarner une icône adulée, phénomène d’une génération et prisonnière de son image ? Un personnage qui émane un profond sentiment de solitude, rendu palpable par le jeu vibrant de Kit Harington. Et que dire de Susan Sarandon, bouleversante ? De Kathy Bates, impériale ? De Chris Zylka ? D’Amanda Karan ? Chose amusante, dans ce drôle de biopic sur sa propre vie, Dolan anticipe les critiques — la journaliste campée par Thandie Newton fait remarquer – avec méchanceté – que le sujet n’a que peu d’intérêt, que ce sont des malheurs de gosses de riches. Avec ses atours de roman-photo, Ma vie avec John F. Donovan est un film sous influences, celles d’un cinéaste excessif et attachant, façonné par la culture populaire (on notera le clin d’œil à My Own Private Idado) et qui ne craint pas de revendiquer son côté midinette dans un mélodrame à fois fragile et flamboyant (voir l’incroyable scène de retrouvailles sous la pluie). Douglas Sirk aurait adoré.
2h 02 Et avec Sarah Gadon, Emily Hampshire, Jared Keeso, Michael Gambon…

MAL DE PIERRES/UNE VIE ENTRE DEUX OCÉANS

Deux mélodrames éblouissants et romanesques en diable sont à l’affiche depuis début octobre. Tous deux adaptés de best-sellers, ils sont mis en scène par des cinéastes sensibles et intelligents, et transcendés par des acteurs sensationnels. Emotions garanties !

 

« Vous voulez vous marier avec moi ? Vous êtes fou. Je ne vous aimerai jamais. »

  

Mal de pierres

Nicole Garcia
2016 (dans les salles françaises depuis le 19 octobre)
Présenté en compétition au festival de Cannes 2016

En Provence, dans les années 50, Gabrielle (Marion Cotillard) s’ennuie et rêve du grand amour dans la petite exploitation agricole de ses parents. On la dit folle à cause de son caractère excessif et ses attitudes provocantes. Désemparée, sa mère (Brigitte Roüan) finit par convaincre José (Alex Brendemühl), l’un des saisonniers espagnols, de la demander en mariage. Sensible à beauté de Gabrielle, il accepte, même si celle-ci l’avertit qu’elle ne l’aimera jamais. Mais Gabrielle souffre aussi de la « maladie de la pierre », autrement dit de calculs rénaux, qui pourraient l’empêcher de devenir mère. Pour la soigner, José la conduit dans un sanatorium en Suisse. Là, elle va s’éprendre follement d’un beau militaire de retour d’Indochine (Louis Garrel), gravement malade…

Depuis son premier long-métrage, Un week-end sur deux, en 1990, la carrière de réalisatrice de Nicole Garcia s’est révélée un tantinet inégale. Spécialiste des drames passionnels et romanesques, du Fils préféré à Un balcon sur la mer en passant par Place Vendôme ou L’Adversaire, sa sensibilité fait toutefois souvent merveille, tout comme sa maîtrise en matière de direction d’acteurs. Elle signe avec ce très beau Mal de pierres, librement adapté du roman homonyme de l’Italienne Milena Agus, son film le plus fiévreux, sensuel et intense, à l’image de son héroïne incarnée par Marion Cotillard. L’actrice est impressionnante dans ce rôle de femme passionnée, exaltée, frustrée par une vie dictée par les conventions et prise au piège d’un mariage sans amour. Totalement habitée par son personnage farouche, qui semble bouillonner intérieurement comme un animal en cage, elle se jette à corps perdu dans chaque scène. Il y a quelque chose d’organique dans ce mélodrame à la fois âpre et incandescent (la photo de Christophe Beaucarne est magnifique), marqué par les ciels, paysages et minéraux de la Provence et la Suisse. Et lorsque le fantastique s’invite de manière inattendue (un peu maladroitement aussi… ), brouillant la frontière entre le réel et l’imaginaire, c’est pour mieux mettre en relief le pouvoir du fantasme. On saluera les prestations de Louis Garrel, incarnation de la figure romantique par excellence, et de l’acteur hispanique Alex Brendemühl, bouleversant en époux martyr consentant, taiseux, et passionnément amoureux de sa femme.
2 h Et avec Victoire Du Bois, Aloïse Sauvage, Daniel Para, Jihwan Kim, Victor Kilichini…

BANDE-ANNONCE

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« Un jour, tout cela ne sera plus qu’un rêve. Je te le promets. »

  

Une vie entre deux océans (The Light Between Oceans)

THE LIGHT BETWEEN OCEANS

Derek Cianfrance
2016 (dans les salles françaises depuis le 5 octobre)
Présenté en compétition au festival de Venise 2016

Rescapé de la Grande guerre, Tom Sherbourne (Michael Fassbender) veut oublier les horreurs du champ de bataille et accepte le poste vacant de gardien de phare sur la petite île déserte de Janus Rock, ballottée par les océans Austral et Indien au large de la côte ouest de l’Australie. Avant d’embarquer, il fait la connaissance de la jolie Isabel (Alicia Vikander) à qui il promet d’écrire. De lettres en lettres, ils tombent amoureux. Ils se marient. La vie de solitude sur l’île n’effraie pas la jeune femme et les tourtereaux y vivent un bonheur absolu jusqu’à ce qu’Isabel, enceinte, fasse une fausse couche, puis une deuxième. L’amour de Tom ne suffit pas à lui faire oublier son chagrin. Un jour, comme un cadeau du ciel, une embarcation s’échoue sur le rivage avec, à son bord, un homme mort et un bébé bien vivant. Tom veut aussitôt signaler cette découverte, mais son épouse l’implore de se taire afin qu’ils puissent faire passer cet enfant pour le leur…

Lorsque le réalisateur américain de Blue Valentine et du magnifique The Place Beyond The Pines adapte le roman tire-larmes et plébiscité dans le monde entier de l’Australienne Margot L. Stedman, cela donne un mélodrame dans la pure tradition du genre et totalement assumé. Tout est sublime dans ce film déchirant qui en appelle au cinéma de Terrence Malick : les images de l’île battue par les vents et des océans déchaînés remarquablement photographiés par le chef-opérateur Adam Arkapaw (True Detective, Top Of The lake) ; la musique symphonique, tour à tour intime et épique, d’Alexandre Desplat, qui inonde chaque séquence, et les comédiens filmés en plans rapprochés, incroyablement émouvants. Comme dans Mal de pierres, c’est aussi ici l’époux qui sacrifie son âme, son intégrité, par amour pour sa femme. Et plus encore que la très douée Alicia Vikander, Michael Fassbender bouleverse dans la peau de cet homme rongé, torturé par un mensonge qui va, implacablement, le rattraper. Car cet enfant trouvé a bien sûr une mère désespérée qui le pleure (campée par une formidable Rachel Weisz). « Il n’y a ni bons ni méchants. Juste des gens bien qui font des mauvais choix, qui ont des conséquences insoupçonnées. » La morale, les cas de conscience sont des entraves au bonheur. Avec un mysticisme quasi religieux, Derek Cianfrance jongle avec les émotions, ne cherche pas à les éluder non plus, et sa mise en scène, malgré un certain classicisme, n’est jamais pesante. Le dénouement, un tantinet frustrant, rend le film encore plus cruel.
2h 13 Et avec Jack Thompson, Thomas Unger, Bryan Brown, Leon Ford…

BANDE-ANNONCE

THE LIGHT BETWEEN OCEANS


THE LIGHT BETWEEN OCEANS

THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS