A SWEDISH LOVE STORY et LA VALSE DES PANTINS au Studio

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La rentrée est réjouissante au Studio ! Elle démarre par la diffusion de deux films remarquables, dont le méconnu A Swedish Love Story, signé en 1970 par Roy Andersson. Il aura fallu attendre 2008, soit trente-huit ans, pour que ce premier long-métrage du réalisateur suédois primé à Cannes en 2000 pour Les chansons du deuxième étage soit projeté en France, et à l’heure d’aujourd’hui, il ne bénéficie toujours pas d’édition DVD française. Parue un an avant Taking Off, la satire sociale de Milos Forman qui confrontait les ados hippies et leur parents rigides, cette histoire d’amour entre deux jeunes adolescents, contrariée par les conventions sociales et la médiocrité des adultes de leur entourage, n’est pas un conte de fée. Avec le temps, A Swedish Love Story, film naturaliste par excellence, n’a rien perdu de sa cruauté et de sa pertinence, et son charme rétro suscite même une certaine nostalgie (voir BANDE-ANNONCE).

PROGRAMME DU STUDIO

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Egalement au programme du Studio en ce début de saison, La valse des Pantins de Martin Scorsese : un chef-d’œuvre, sous-estimé à sa sortie, qui mérite amplement une redécouverte.

 

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Rupert Pupkin : « Well I’m sorry. I made a mistake !
Jerry Langford : So did Hitler ! »

 

La valse des pantins (The King Of Comedy)

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Martin Scorsese
1982

A New York, Rupert Pupkin (Robert De Niro) un tantinet loser et schizophrène, rêve d’être Jerry Langford (Jerry Lewis), le célèbre animateur de show télévisé, son idole. Un soir, profitant d’une bousculade à la sortie de l’émission, il parvient à l’aborder, mais se fait très vite rembarrer. Rupert n’ayant pas l’intention d’en rester là, les choses vont déraper…

Présenté à Cannes en 1983, ce film de Martin Scorsese, souvent qualifié de « maudit », est l’une des œuvres les plus sous-estimées de sa filmographie. « Dernier film sur la culture » selon Sandra Bernhard, l’incroyable interprète de Masha, La valse des pantins a déstabilisé le public par sa noirceur et son cynisme ainsi que son ton explosif, pas tout à fait politiquement correct. Contrairement à son titre original (The King Of Comedy), cette satire adaptée du scénario de Paul Zimmerman n’a en effet rien d’une comédie hilarante. En fait, elle suscite un véritable malaise, qui la rend d’autant plus intéressante. L’assassinat de John Lennon en 1981 (par un fan) a indubitablement influé sur le cinéaste, et La valse des pantins reste aujourd’hui l’un des films qui dépeint avec le plus de cruauté les dérives de la « fan-attitude ». Alors que Scorsese avait refusé de le porter à l’écran au début des années 70, c’est à Robert De Niro, emballé par le scénario, que l’on doit l’aboutissement du projet. Force est de constater que l’acteur est prodigieux dans ce rôle de loser animé de mauvaises intentions, à l’instar de Jerry Lewis dans un contre-emploi étonnant, et de Sandra Bernhard, terrifiante en fan prédatrice et totalement hystérique. Visionnaire et génial !

BANDE-ANNONCE
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DIAMANTS SUR CANAPÉ et LES FORÇATS DE LA GLOIRE au Studio

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L’été s’annonce chaud pour les cinéphiles havrais ! Le cinéma Le Studio diffuse en juin et juillet une excellente sélection de films rares, réunissant des réalisateurs aussi atypiques que Nicolas Roeg (Walkabout – 1971), Edmund Goulding (Le charlatan – 1947 – avec un immense Tyrone Power), Peter Bogdanovich (La barbe à papaPaper Moon’ – 1973 – avec Ryan O’Neal et sa fille Tatum), Luigi Comencini (Le grand embouteillage – 1979), Pierre Etaix (Pays de Cocagne – 1970) ou Alexander Mackendrick (l’hilarant Whisky à gogo – 1949). Deux chefs-d’œuvre sont également au programme : le cultissime Breakfast At Tiffany’s, ou Diamants sur canapé, de Blake Edwards, dont la rediffusion au cinéma est toujours un événement, et The Story Of G.I. Joe, de William A. Wellman, l’un des meilleurs films de guerre de tous les temps, plus connu en France sous le titre Les forçats de la gloire.

 

PROGRAMME DU STUDIO JUIN-JUILLET 2015

 

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« Hey Dondaro, what town did we take today ?
– San Raviollo.
– Didn’t we take that yesterday ?
– No That was San Something Else-io. »

 

Les forçats de la gloire (The Story Of G.I. Joe)

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William A. Wellman
1945

Bien qu’âgé de 43 ans, le correspondant de guerre Ernie Pyne (Burgess Meredith) rejoint la 18ème compagnie d’infanterie commandée par le lieutenant humaniste Bill Walker (Robert Mitchum), en route pour la Tunisie. La bravoure de ces fantassins lui inspire le plus grand respect. Il les retrouvera quelques mois plus tard en 1943 et 1944 durant la campagne d’Italie, à San Vittorio et lors de la terrible bataille de Monte Cassino…

Paru en 1945, The Story Of G.I. Joe (Les forçats de la gloire) est un double hommage, aux soldats de l’armée de terre (les plus exposés et les plus sacrifiés), et au célèbre correspondant de guerre Ernie Pyne, pétri d’admiration pour ces « enfants de la boue, de la pluie, du gel et du vent, sans lesquels on ne peut gagner une guerre », et qui trouvera la mort en 1945 pendant la guerre du Pacifique. Vétéran de l’armée de l’air lors de la Grande Guerre, qui lui a valu de nombreuses blessures et la Croix de Guerre, le cinéaste William A. Wellman (Lafayette Escadrille, L’ennemi public, La ville abandonnée) s’est fait un point d’honneur à reconstituer cette plongée dans le quotidien des soldats, de la manière la plus authentique possible. Basé sur les chroniques d’Ernie Pyne, qui a généreusement collaboré au film (qu’il ne verra jamais), The Story Of G.I. Joe alterne les scènes de vie entre deux assauts (on assiste même à un mariage de fortune entre un G.I. et une infirmière de la troupe dans les ruines de San Vittorio), et les séquences de combats filmées avec âpreté. Refusant le sentimentalisme, les effets mélodramatiques et spectaculaires, et l’humanisme obtus de certains films antimilitaristes, la vision de Wellman, très fidèle aux convictions de Pyne, dépeint avec honnêteté « ces petits hommes routiniers que la guerre transforme en titans », et pour lesquels la mort est la seule réalité (la plupart des figurants, véritables G.I, perdront la vie dans les combats du Pacifique). Considéré comme un des films de guerre les plus authentiques, The Story Of G.I. Joe, a été salué par quatre nominations aux Oscars en 1946, pour le scénario, la musique et la chanson, ainsi que pour la prestation de Robert Mitchum. Cette nomination à l’Oscar du Meilleur second rôle masculin sera la seule de sa carrière.
Et avec Freddie Steele, Wally Cassell, John R. Reilly, Jimmy Llyod…

Rédigé pour Fnac.com en 2012

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Diamants sur canapé (Breakfast At Tiffany’s)
Blake Edwards
1961

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«  Vous savez, ces jours où vous êtes dans le cirage ?
– Autrement dit le cafard ?
– Non, le cafard, c’est quand on se trouve grosse et qu’il pleut pendant trop longtemps. On est triste, c’est tout. Mais le cirage, c’est horrible. Soudain, on a peur et on ne sait pas de quoi… »

 

Mais qui est vraiment cette Holly Golightly (Audrey Hepburn), adorable call-girl new-yorkaise, qui a le don de ne rien prendre au sérieux ? C’est la question que se pose Paul Varjak (George Peppard), qui vient d’emménager dans l’appartement voisin de la jeune femme. Ce jeune écrivain, plutôt beau gosse, est lui-même entretenu par une quadragénaire fortunée (Patricia Neal). Tout naturellement, il va tomber sous le charme de la personnalité hors du commun de sa mystérieuse voisine…

Comme dans l’irrésistible La Panthère rose, que Blake Edwards allait mettre en scène deux ans plus tard, Diamants sur canapé, plus connu sous titre original Breakfast At Tiffany’s, possède ce grain de folie qui est la marque du cinéaste et atteindra son apothéose dans La Party, en 1968. Son dada : les soirées mondaines extravagantes avec délires à tous les étages. Toujours sublimes, les femmes sont chez lui complètement idiotes ou invraisemblablement spirituelles. Pour Breakfast At Tiffany’s, Blake Edwards a fait sien l’univers de Truman Capote (bien plus cynique) en lui conférant une incroyable fantaisie, tout comme Audrey Hepburn s’est approprié le personnage de Holly Golightly. Capote avait écrit la nouvelle en pensant à Marilyn Monroe. Ironiquement, ce fut une actrice à l’opposé des vamps hollywoodiennes qui rendit son héroïne inoubliable. Audrey Hepburn en fit une call-girl fantasque et romantique (la sexualité présente dans le livre est ici simplement suggérée). Non seulement la comédienne imposa son style en matière de mode (aidée par son ami et complice Hubert de Givenchy), toujours en vogue aujourd’hui, mais elle a révélé un nouveau genre d’actrice, rappelant un peu la Katharine Hepburn (même les noms coïncident) de L’impossible Monsieur Bébé : une femme indépendante, moderne, drôle, jamais vulgaire, faisant rimer sexy avec esprit et dissimulant sous une tonne de détachement et de fantaisie, une attachante vulnérabilité. Car derrière sa légèreté apparente, Holly Golightly cache des blessures profondes et une peur viscérale de la vie. « C’est une truqueuse », se plaît à dire l’agent de Holly (interprété par Martin Balsam). Audrey Hepburn a transcendé le rôle en prêtant sa fragilité et sa grâce naturelle à cette petite campagnarde devenue la call-girl sophistiquée la plus incontournable de New York. Comme Paul Varjak, le jeune écrivain sans le sou (sorte de Truman Capote jeune), interprété par le très séduisant George Peppard, le spectateur fond sous le charme de Holly qui semble ne rien prendre au sérieux et vit son désordre existentiel avec une élégance et un style incomparables. Petit à petit, Paul va amener la jeune femme à voir la réalité en face en l’apprivoisant, comme on le ferait d’un animal sauvage. Si le film remporta, à sa sortie, un succès immédiat, son tournage ne fut pas des plus sereins. Audrey Hepburn n’était pas certaine d’être à la hauteur du personnage, même si elle était consciente que ce rôle de femme de caractère, extravertie (et donc nouveau pour elle), était une vraie opportunité. Si elle se réjouissait à l’idée d’avoir pour partenaire un acteur de son âge (après avoir donné la réplique à Fred Astaire, Humphrey Bogart ou Burt Lancaster), elle était tétanisée par l’expérience de ce dernier, formé à l’Actors Studio. En actrice d’instinct, Audrey Hepburn souffrait d’un réel complexe d’infériorité en matière de technique de jeu. Ce fut pourtant à son contact que le film de Blake Edwards prit toute sa dimension pour devenir résolument romantique. Même le compositeur Henry Mancini, grand complice de l’œuvre du cinéaste (il a signé le fameux thème de La panthère rose), a avoué s’être inspiré de la personnalité de la comédienne pour la chanson « Moon River », qu’elle interprète divinement dans le film. Qu’importent alors le choix malheureux de Mickey Rooney en improbable voisin japonais, la suffisance de George Peppard sur le plateau, la puanteur du chat, le mécontentement de Capote et les multiples dissensions avant et pendant le tournage. Breakfast At Tiffany’s est un chef-d’œuvre. Et un demi-siècle plus tard, il reste d’une éclatante modernité.
Et avec Patricia Neal, Martin Balsam, José Luis de Vilallonga…

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LA MORT AUX TROUSSES et LA SIRÈNE DU MISSISSIPPI au Studio

En avril, on ne se découvre pas d’un fil(m), on va au cinéma. Au Havre, ce mois-ci, c’est au Studio qu’on peut redécouvrir des films de John Ford, Eric Rohmer, Jean-Luc Godard, Dino Risi, Tex Avery, mais aussi le vénéneux Passion (1964) de Yasuzo Masumura, grande figure de la Nouvelle vague japonaise, ou Zorba le Grec (1964) de Michael Cacoyannis, pour revoir Anthony Quinn et Alan Bates danser le sirtaki (danse inédite, créée spécialement pour le film).

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On ne se privera pas non plus des deux chefs-d’œuvre ci-après, dont le premier, fondateur par essence et truffé de scènes d’anthologie, s’impose encore aujourd’hui comme une géniale leçon de cinéma.

Programme du studio

La mort aux trousses (North By Northwest)

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Alfred Hitchcock
1959

Victime d’un quiproquo, Roger Thornhill (Cary Grant), publiciste sans histoires, est enlevé par des espions qui le prennent pour un agent du contre-espionnage américain du nom de George Kaplan. Il réussit à échapper à ses agresseurs, mais personne ne veut croire à son aventure. Pour prouver sa bonne foi, Roger Thornhill se lance dans une dangereuse course-poursuite à travers les Etats-Unis, accompagné par une blonde mystérieuse (Eva Marie Saint)…

Quintessence de l’art et du savoir-faire d’Alfred Hitchcock, La mort aux trousses est probablement son film le plus populaire, dont on ne compte plus les rediffusions à la télévision. Cet ambitieux projet est né de la plume subtile du scénariste Ernest Lehman, qui travaillait en grande complicité avec le maître (Le titre original, North By Northwest est tiré d’Hamlet de Shakespeare). Tout aussi cynique mais plus léger que les deux films précédents du cinéaste (Le faux coupable et Sueurs froides), dont le sérieux lui avait été reproché par les critiques soucieux de voir la comédie disparaître de son univers, ce blockbuster avant l’heure est un déferlement d’humour, de sensualité, d’action et de suspense, transcendé par la fameuse « Hitchcock Touch » qui lui confère son charme inimitable. Tourné de part en part des Etats-Unis (Manhattan, Long Island, Chicago, Californie…), le film est truffé de scènes appartenant désormais à la mémoire collective, comme la poursuite de Cary Grant par un avion, ou la fameuse séquence du Mont Rushmore (qui fut en fait tournée en studio). Même si les cinéphiles citent plus volontiers Sueurs froides (Vertigo), La mort aux trousses reste un chef-d’œuvre absolu.

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 Rédigée pour fnac.com en août 2001

 

La sirène du Mississippi

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François Truffaut
1969

Directeur d’une fabrique de cigarettes à La Réunion, Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo) doit épouser Julie Roussel, qu’il a rencontrée par une petite annonce et qu’il ne connaît que par ses lettres et un portrait. Or, la Julie Roussel (Catherine Deneuve) qui débarque du bateau “Le Mississippi” ne ressemble pas du tout à sa photo. Bien plus jolie, elle prétend lui avoir envoyé un faux portrait pour qu’il ne l’épouse pas uniquement pour sa beauté. Séduit, Louis se marie avec cette jeune femme étrange. Peu de temps après, il découvre qu’elle s’est s’enfuie avec sa fortune

A l’instar du précédent La mariée était en noir, ce thriller psychologique était inspiré d’un roman noir de l’auteur américain William Irish, qui avait signé le roman sous le pseudonyme de Cornell Woolrish. Face à une Catherine Deneuve inquiétante en meurtrière glaciale et dénuée d’émotion, Jean-Paul Belmondo surprenait dans ce rôle de victime de l’amour, totalement à contre-emploi. C’est peut-être la raison de l’échec essuyé par le thriller à sa sortie, en 1969. François Truffaut lui-même considérait ce film-fleuve (de deux heures) comme malade de trop de dialogues et de scènes interminables. Pourtant, cette œuvre sous-estimée explore brillamment les méandres de l’amour impossible, thème que le réalisateur traitera à nouveau (et avec plus de succès) en 1983 dans La femme d’à côté, où la femme est plus que jamais liée à la mort. Certaines répliques du film sont restées dans les mémoires :
Louis : « Tu es si belle, quand je te regarde, c’est une souffrance.
Julie : Pourtant, hier tu disais que c’était une joie.
Louis : C’est une joie et une souffrance. »

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Rédigée pour fnac.com en juin 2003 

Programme du studio