LA RUE ROUGE et LES DUELLISTES au Studio

Même si on est adepte du home-cinéma, découvrir ou redécouvrir un classique en salles est toujours une expérience troublante, magique, qui procure des sensations incomparables. Ce mois-ci, le cinéma havrais Le Studio propose une pluie de trésors du 7ème art, qu’il ne faut bouder sous aucun prétexte. Mars met à l’honneur le cinéaste Nagisa Oshima, auquel la Cinémathèque de Paris consacrera une rétrospective du 4 mars au 2 mai prochain, avec notamment la projection, en version restaurée inédite, du Petit garçon, drame bouleversant réalisé par le maître japonais en 1969, d’après un fait divers réel — un enfant est entraîné par son père prétendument invalide à se jeter sous les roues des voitures pour extorquer un dédommagement à leur conducteur – Ce bijou sera à découvrir au Studio dès le 4 mars.

LE PETIT GARÄON VERSION RESTAURêE 04

 

Retour sur deux autres films remarquables de la programmation de Mars au Studio : La rue rouge de Fritz Lang (remake de La chienne, de Jean Renoir, également à l’affiche) et Les duellistes, le premier long-métrage de Ridley Scott.

Programme du studio

La rue rouge (Scarlett Street)

Scarlett

Fritz Lang  
1945

Christopher Cross (Edward G. Robinson), respectable caissier et peintre amateur mal marié à une femme revêche, tombe sous le charme d’une jeune femme de mauvaise vie (Joan Bennett) et se fait manipuler par elle et son amant (Dan Duryea), un escroc sans scrupule…

En 1945, Fritz Lang vit en exil aux Etats-Unis depuis bientôt dix ans. Il signe alors quelques-uns de ses plus beaux films noirs dont La femme au portrait, Le secret derrière la porte, House By The River ou ce La rue rouge, remake du fameux La Chienne de Jean Renoir, adapté du roman de Georges de La Fouchardière. Lang reprend ici le trio de comédiens de La femme au portrait (Edward G. Robinson, Joan Bennett, spécialisée dans les rôles de femmes fatales, et Dan Duryea) pour explorer une fois encore ses thèmes de prédilection : la destinée et la fatalité. La descente aux enfers de Christopher Cross, irrémédiablement pris dans la spirale de l’échec, est teintée d’une ironie tragique. Film sur le mensonge, la culpabilité et l’aliénation, La rue rouge pose aussi la question du statut de l’artiste, et de son rapport avec le réel. Intensément pessimiste (bien plus que la version de Renoir, que ce dernier considérait comme un « drame gai »), cette comédie noire extrêmement stylisée a des relents d’expressionnisme (jeux d’ombres, composition architecturale des plans et cadrages). Le caractère osé du film (allusion à la prostitution, scènes déshabillées, postures lascives…) fit à l’époque trembler les ligues de vertu, mais en vain, et le mini-scandale occasionné profita plutôt à la carrière de Lang.

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Rédigé pour fnac.com en juin 2008

 

 

Les duellistes (The Duellists)

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Ridley Scott
1977

1800, en France… A cause d’une querelle futile dont l’origine deviendra avec le temps de plus en plus imprécise, deux officiers de l’armée napoléonienne, D’Hubert et Féraud (Keith Carradine et Harvey Keitel) vont s’affronter à plusieurs reprises en duel durant plus de quinze ans…

Après avoir fait ses armes dans le domaine de la publicité, le réalisateur britannique Ridley Scott désirait ardemment faire ses preuves au cinéma. Sa deuxième tentative de convaincre un studio de financer un long-métrage fut la bonne, même s’il ne lui fut alloué qu’un budget minime et accordé un temps de tournage restreint. Adapté du roman de Joseph Conrad, Le duel, inspiré d’une histoire vraie, Les Duellistes fut tourné en Dordogne, en France, sur les lieux mêmes de la véritable intrigue. Ridley Scott, épaulé par le chef opérateur Frank Tidy, s’est appliqué à créer une image d’une exquise beauté, jouant avec la lumière (à la manière de Stanley Kubrick dans Barry Lindon) afin de donner constamment au spectateur la sensation d’entrer dans un tableau (ce qui valut au cinéaste son surnom de « Rembrandt du cinéma »). Pour interpréter les deux hussards exaltés par un sens de l’honneur démesuré, Paramount avait imposé à Ridley Scott deux stars montantes de l’époque : Harvey Keitel et Keith Carradine (à l’origine, le cinéaste avait souhaité Michael York et Oliver Reed, tous deux escrimeurs émérites). Culte aujourd’hui, Les duellistes avait remporté le Prix du Jury à la Première œuvre au festival de Cannes 1977. Deux ans plus tard, Ridley Scott fera frémir le monde entier avec Alien, le 8ème passager.

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Rédigée pour fnac.com en mars 2003

Programme du studio