Entre Frances Ha et Oslo 31, août, Oh Boy suit les errances d’un jeune Berlinois en décalage. Absurde, amer, drôle et mélancolique, ce premier film « tatiesque » en noir et blanc a emballé la critique et raflé six Lola (les César allemands) en avril 2013. Il vient de paraître en DVD.
Oh Boy
Jan Ole Gerster
2012 (DVD Diaphana Edition Vidéo)
Niko (Tom Schilling) a bientôt trente ans et ne sait qu’en faire. Il a interrompu ses études, n’a plus de permis, ne s’assume pas financièrement, et se sent de plus en plus étranger au monde qui l’entoure. Après s’être quasiment enfui de l’appartement de sa petite amie, Niko entame une journée qui sera émaillée de rendez-vous et de rencontres tout aussi déconcertantes les unes que les autres, le sort semblant s’acharner contre lui…
Comme Frances Ha, Oh Boy traite de la jeunesse à travers un individu qui ne se sent pas à sa place. Comme Frances Ha, il est drapé dans un noir et blanc très Nouvelle Vague et se déroule dans une métropole. Ici, Berlin. Pourtant, les deux films présentent des situations quasiment inversées. L’héroïne du film de Noah Baumbach était démonstrative, enthousiaste, solaire et se comportait constamment comme un chien dans un jeu de quilles. Au contraire, le Niko oisif de Oh Boy intériorise, et sa passivité apparente contraste avec la folie ordinaire de ceux qui l’entourent. Interlocuteur intelligent, doux et attentif, il est sans cesse déconcerté par les propos et les comportements de ses congénères – son voisin collant venu lui apporter des boulettes, la serveuse du café qui s’exprime à coups de slogans publicitaires, l’ex-camarade de classe et ex-obèse qui règle ses comptes sur les planches d’un théâtre underground… Il y a du Tati dans le comique de ces situations où tous les éléments semblent s’accorder à contrecarrer les volontés du jeune homme (voir la séquence du distributeur bancaire), mises en scène de manière délicate. Si ce premier film écrit et réalisé par Jan Ole Gerster est pétri de références (à Woody Allen, Jim Jarmush, Cassavetes, Truffaut, Godard — la première scène est un clin d’œil appuyé à A bout de souffle), il n’en reste pas moins personnel, et le cinéaste de trente-quatre ans a confié s’être surtout inspiré de ses propres expériences. Le Berlin qu’il affectionne n’est pas celui de la carte postale, ni des lieux branchés. Gerster leur préfère les petits cafés populaires, les quais de métro, les recoins couverts de graffitis. Ce Berlin, qui malgré sa modernité, est encore hanté par les démons du passé, et d’où émane une certaine gravité mélancolique. Dommage que les séquences s’enchaînent à la manière de sketches un peu trop indépendants les uns des autres, comme si le réalisateur voulait rester fidèle à son héros rebelle et indécis magnifiquement campé par le charismatique Tom Schilling (repéré dans l’excellente série Generation War).Pour peu qu’on soit d’humeur, ce road-movie désenchanté, un brin amer, mais jamais triste, apparaîtra très séduisant.
Test DVD :
Interactivité*
Pas d’interview ni de véritable making of, mais on peut découvrir une séquence d’essai de l’étonnante actrice Friederike Kempter (Julika dans le film), une scène d’improvisation interprétée par Tom Schilling et Marc Hosemann réalisée un an avant le tournage, un bêtisier de 9 minutes et la bande-annonce.
Image ***
Format : 1.85
Une image souvent granuleuse, probablement fidèle à un esprit brut, et néanmoins très esthétique. La lumière est le plus souvent magnifique.
Son : **
DD 5.1 en anglais sous-titré
Ce DD 5.1 s’apparente davantage à un DD 2.0, mais sied parfaitement aux ambiances de ce film délicat. Les effluves de jazz et de piano sont joliment mis en valeur.
Pas d’humeur pour ce genre de film en ce moment, mais je note le titre ! Merci pour cette belle chronique.