Révélé en 2011 par le brillant Margin Call, et auteur de l’étonnant All Is Lost avec Robert Redford, J. C. Chandor frappe à nouveau avec ce thriller intense, écrit et réalisé par ses soins, et qui renoue avec les meilleurs polars des seventies, ceux de Sidney Lumet en tête. Dans la peau d’un self-made-man ambitieux et intègre, tout en rage contenue, Oscar Isaac crève l’écran, soutenu par une Jessica Chastain épatante en parvenue à la gâchette facile.
« When it feels scary to jump, that is exactly when you jump. Otherwise you end up staying at the same place your whole life. And that, I can’t do. » (Abel Morales)
A Most Violent Year
J. C. Chandor
En salles depuis le 31 décembre 2014
1981. La violence à New York est à son paroxysme. La corruption, les meurtres et les viols gangrènent l’actualité. Malgré le contexte, Abel Morales (Oscar Isaac), immigré mexicain ambitieux, est bien décidé à obtenir sa part du rêve américain. Patron d’une société de transport de fioul domestique, il veut acquérir un terminal fluvial stratégique de la ville pour pouvoir stocker sa marchandise. Il a trente jours pour trouver un million et demi de dollars et finaliser la transaction. Mais de mystérieux adversaires s’acharnent à lui mettre des bâtons dans les roues, menaçant d’anéantir tout ce qu’il a construit. Au grand dam de son épouse (Jessica Chastain), fille d’un caïd de la pègre, qui l’implore de riposter, Abel veut garder les mains propres et agir dans la légalité…
Peut-on rester intègre et propre dans un monde qui ne l’est pas ? C’est la problématique de A Most Violent Year. On le sait depuis son premier long-métrage, Margin Call, qui dépeignait la débâcle d’une banque d’affaires new-yorkaise à l’aube d’un krach boursier, J. C. Chandor a le chic de ne pas prendre pas les spectateurs pour des imbéciles. Si son film débute à la manière d’un Sidney Lumet période Serpico (Oscar Isaac, lui-même, ressemble à Al Pacino), le cinéaste prend soin de ne rien décoder. Loin du style démonstratif de Scorsese, le thriller avance à tâtons, et ne livre pas immédiatement les motivations et le secret de son héros. Chandor installe un rythme volontairement lent, et c’est par petites touches, à la faveur de situations et de dialogues souvent percutants, que se précise le portrait de cet entrepreneur ambitieux que la violence répugne, et qui refuse de jouer le jeu de ses adversaires. Oscar Isaac (Drive, Inside Llewyn Davis), qui a sauté sur le rôle originellement destiné à Javier Bardem, est fascinant. Dans sa gestuelle, ses expressions, ses regards, il fait passer toute la solitude de cet homme dos au mur, qui se bat contre un ennemi invisible, et tente de colmater les brèches pour parvenir à sauver l’œuvre de sa vie. Les valeurs auxquelles il est attaché, celles d’un homme civilisé, n’ont pas cours dans son milieu, ni dans son entourage. Abel est non seulement incompris de la plupart de ses interlocuteurs, mais aussi de son avocat-conseil et de sa propre épouse, qui ne voit dans la passivité de son mari qu’une forme de lâcheté. Econome de gestes et de mots (voir la scène truculente dans laquelle il a réuni ses concurrents autour d’une table), il se révélera dans la deuxième partie du film, où sa rage rentrée, sa lucidité et son charisme feront merveille. Mais Abel n’est pas un ange. Idéaliste, libéral, mais pas pour autant humaniste, il représente une nouvelle génération d’hommes de pouvoir, qui enterre les gangsters à l’ancienne, mais dont les lois s’avéreront tout aussi cruelles. Comme Margin Call, A Most Violent Year est un exercice (filmique) de style. Les plans sont esthétiques et raffinés (la photo est signée Bradford Young, déjà repéré pour son travail fabuleux sur Les amants du Texas). L’architecture des lieux fait écho aux tourments des personnages. Dans la blancheur du New York hivernal, le manteau jaune d’Abel, en poil de chameau, symbole de sa réussite, apparaît comme une armure étincelante. Oppressant, le film se libère lors de superbes scènes d’action qui lorgnent ostensiblement vers le French Connection de William Friedkin. A noter qu’Albert Brooks est excellent en avocat douteux, tout comme Alessandro Nivola en milliardaire ambigu, et David Oyelowo en substitut carriériste. Quant à Jessica Chastain, elle a obtenu une nomination pour le Golden Globe de la Meilleure actrice dans un second rôle. Verdict le 11 janvier lors de la cérémonie, la fameuse antichambre des Oscars.
Ton avis, une fois encore, donne envie !!!
Merci !!! 😉
Excellente description de mon ressenti lorsque j’ai vu ce film !!
Merci Sophie