Almost Kael : Vous écrivez depuis 12 ans des chroniques sur le cinéma et les séries TV. Quelles œuvres avez-vous pris le plus de plaisir à présenter et à critiquer ?
Sophie Soligny : J’aime particulièrement défendre les films qui en ont besoin, les films d’auteur qui le méritent, les séries B passées inaperçues et les films sous-estimés. Je pense par exemple à un film comme Comment savoir de James L. Brooks, éreinté par la critique, boudé par le public, et qui m’est apparu comme une œuvre immensément attachante (dans le dernier numéro des Cahiers du Cinéma, Nicolas Maury a d’ailleurs rendu hommage au jeu de Paul Rudd dans ce film). Je suis très attachée à l’idée de partage. Dès que j’ai un coup de cœur, je m’escrime à le faire aimer aux autres, ce n’est pas toujours le cas des critiques, qui donnent leur avis sans forcément avoir envie de convaincre.
AK : Vous êtes l’auteur d’un livre sur le réalisateur John Cassavetes. D’où vous est venue cette envie d’écrire à son sujet ?
Sophie Soligny : C’est à l’origine l’idée d’un éditeur fan du réalisateur, qui m’a commandé le livre et avec lequel je ne me suis finalement pas entendue. Je connaissais les films de John Cassavetes et sa réputation, mais rien véritablement de l’homme, de son parcours. Je me suis attachée à raconter son histoire, de manière presque pédagogique. A partir de tous les témoignages et documents que j’ai pu dénicher, j’ai tenté d’en faire le portrait le plus juste possible. On peut ne pas être sensible à son œuvre, parfois « difficile », mais l’homme que j’ai découvert tout au long de mon enquête était indéniablement un type formidable, un artiste humaniste et intègre, qui, malgré ses contradictions et son caractère impossible, devait être un ami extraordinaire.
Almost Kael : Quel est le film qui a défini ton enfance ?
Sophie Soligny : C’est plutôt un genre : le western. C’est la meilleure école qui soit. On les regardait en famille à la télévision, qui en diffusait abondamment dans les années soixante-dix. Il y a tout dans le western : le combat entre le bien et le mal, l’héroïsme, les relations humaines complexes. Et puis les acteurs comme James Stewart, Gary Cooper ou Richard Widmark étaient fabuleux. Les gosses d’aujourd’hui n’en voient plus jamais, c’est dommage. Ce n’est pas un hasard si j’ai ensuite adoré La Guerre des étoiles, le western galactique. Je l’ai vu plusieurs fois l’année de sa sortie, en espérant à chaque fois que j’allais rester enfermée dans cette histoire qui me faisait rêver au plus haut point.
Almost Kael : Quel film te donne envie d’être une femme meilleure ?
Sophie Soligny : J’ai tendance à m’identifier aux personnages. Et plutôt aux bons qu’aux méchants. Tous les films humanistes donnent envie d’être meilleur, même si chaque (bon) film au fond est une expérience qui te nourrit et te construit dans le bon sens du terme.
Almost Kael : Quel film est un chef-d’œuvre sous-estimé ?
Sophie Soligny : En cloque mode d’emploi, réalisé par Judd Apatow en 2007, est un des films les plus justes de ces dernières années. Sous des dehors de comédie trash sur les trentenaires, il assène des vérités confondantes sur notre société. En plus, c’est une vraie comédie romantique. Funny People, que le même Judd Apatow réalisera deux ans plus tard, sera tout aussi pertinent, mais sur un mode bien plus déprimant.
Certaines séries américaines, parce qu’elles sont diffusées doublées en français sur des chaînes généralistes à heures de grande écoute, ne sont pas forcément appréciées à leur juste valeur. Je pense à une série comme US Marshals, petite merveille à la profondeur inattendue qu’il faut voir dans son intégralité pour suivre l’évolution des personnages principaux. On la vend comme une série policière, mais elle est bien plus que ça.
Almost Kael : Quel film est à ton avis bien trop surestimé ?
Sophie Soligny : Sans hésitation : Avatar ! Un vrai navet drapé dans une 3D fabuleuse. James Cameron a privilégié la haute technologie au détriment d’un bon scénario. Même visuellement, je ne suis pas convaincue non plus par ces créatures extraterrestres que je trouve laides et sans imagination.
Almost Kael : Quel film (indépendant) te tape sur les nerfs ?
Sophie Soligny : J’aurais bien aimé apprécier Mammuth, de Gustave de Kervern et Benoît Delépine, qui sont plutôt sympathiques. Le début était drôle et prometteur, mais la suite franchement grotesque, et surtout ennuyeuse au possible. Je ne suis pas non plus tombée sous le charme de Le Havre, de Kaurismäki, de cette vision rétro et surannée déprimante à souhait.
Almost Kael : Pour quel acteur (ou actrice) as-tu un amour inconditionnel ?
Sophie Soligny : J’ai une passion pour les acteurs. En particulier Audrey Hepburn, Keira Knightley, Marilyn Monroe, Meryl Streep, Gregory Peck, Errol Flynn, Greta Garbo, Tom Cruise, Robert De Niro, Christopher Walken, Kurt Russell, Tim Roth, et j’ai un amour déraisonnable pour Keanu Reeves.
Almost Kael : Quel réalisateur a une filmographie parfaite ?
Sophie Soligny : À quelques écarts près, Alfred Hitchcock, Stanley Kubrick, et Charles Laughton évidemment.
Almost Kael : Quel film aurais-tu aimé écrire ?
Sophie Soligny : Ouvre les yeux, d’Alejandro Amenábar, dont Cameron Crowe a ensuite fait un bon remake (Vanilla Sky). L’histoire est juste géniale.
Almost Kael : Quel acteur (ou actrice) peut ruiner un film pour toi ?
Sophie Soligny : Harrison Ford. Depuis La guerre des étoiles et peut-être Frantic, je n’ai plus jamais été convaincue par son jeu monolithique. Tahar Rahim peut être également redoutable. Il ne fait rien passer dans son regard. Il a réussi à saborder la fresque épique de Jean-Jacques Annaud, Or noir, qui aurait mérité un meilleur défenseur.
Almost Kael : Quel film d’horreur continue à te terrifier ?
Sophie Soligny : Je suis le public idéal pour les films d’horreur parce que je suis à la fois curieuse et très impressionnable. Je suis vite terrifiée, mais je ne peux m’empêcher d’aller jusqu’au bout. Amityville, la maison du Diable, L’exorciste,Les griffes de la nuit et plus récemment, Ring, Les Autres et Darkness m’ont valu de bonnes nuits blanches.
Almost Kael : Quelle est la plus belle histoire d’amour au cinéma ?
Sophie Soligny : Un homme et une femme. Tellement simple, mais tellement bien filmée.
Almost Kael : Quel film qui va bientôt sortir attends-tu avec impatience ?
Sophie Soligny : Le Hobbit, la désolation de Smaug, parce que je suis une fan de l’univers de Tolkien vu par Peter Jackson, mais aussi Le Cartel (The Counselor) le prochain Ridley Scott et 47 Ronin avec Keanu Reeves, sûrement un grand moment de rigolade.
Almost Kael : Quel classique du cinéma prétends-tu avoir vu ?
Sophie Soligny : Aucun, mais parfois, lorsque je suis en présente d’une horde de fans, je ne dis pas que je n’ai pas encore vu la série Les Soprano (je me réserve l’intégrale comme une bonne bouteille à la cave), par crainte d’un lynchage.
Almost Kael : Quel livre devrait être adapté au cinéma ?
Sophie Soligny : J’aimerais bien voir un remake de Rebecca. Le roman de Daphne Du Maurier est une histoire tellement sublime et ses adaptations au grand écran un peu vieillottes.
Almost Kael : 5 films que tu peux voir encore et encore et toujours être surprise par leur génie
Sophie Soligny : Chantons sous la pluie, La prisonnière du désert, 7 ans de réflexion, Les enchaînés (et presque tout Hitchcock d’ailleurs) et Magnolia.
Interview The Ultimate List (n°6) réalisée par Linda Hadjadj en octobre 2013