Les Oscars boudent les productions Netflix. Comme The Irishman et Marriage Story, Uncut Gems en a donc fait les frais cette année, ainsi que son acteur principal, curieusement oublié dans les nominations. Pourtant on le sait depuis longtemps, Adam Sandler est un p.… d’acteur. Il le démontre une fois encore dans le quatrième long-métrage des frères Sadfie. Avec ce film noir fiévreux tourné pied au plancher, les princes du cinéma indépendant new-yorkais n’ont pas fait dans la dentelle. Si vous aimez les descentes infernales…
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« That’s a million-dollar opal you’re holding. Straight from the Ethiopian Jewish Tribe. I mean, this is old-school, Middle-Earth shit. »
UNCUT GEMS
Benny et Josh Safdie
2019
Disponible sur Netflix depuis le 31 janvier 2020
Howard Ratner (Adam Sandler) est propriétaire d’une bijouterie sécurisée dans le Diamond District de New York dont il est une figure notoire, moitié homme d’affaires, moitié escroc. Ce père de famille en instance de divorce et joueur invétéré est sur charbons ardents depuis qu’il a reçu une opale de ses partenaires juifs éthiopiens, un morceau de roche brut constellé de couleurs. Il espère qu’elle lui rapportera une petite fortune à une vente aux enchères, ce qui lui permettra d’éponger ses dettes. Dans son euphorie hélas, il ne peut s’empêcher de la montrer à Kevin Garnett, le basketteur star des Celtics descendu à la boutique. Ce dernier, fasciné par la pierre, lui demande de la lui prêter le temps du match qu’il doit disputer le soir même, en promettant de la ramener le lendemain…
Le générique, qui entraîne de l’intérieur d’une opale à celui du colon de Howard Ratner (qui subit un examen de routine chez son médecin), met en condition. Uncut Gems, dont l’action se déroule en 2012, emporte dans un tourbillon étourdissant, celui de l’existence même de ce personnage bigger than life et un brin hystérique, qui ne cesse de parler, d’embrouiller tout le monde et de courir d’un point à un autre avec une fougue inextinguible. Aussi grisant qu’épuisant, le film se révèle fascinant dans sa façon de tenir le spectateur en haleine. Difficile de reconnaître chez ce loser accro à l’adrénaline, pris dans la spirale de ses mensonges et mauvais calculs, l’Adam Sandler rigolo et attachant de The Wedding Singer ou de Big Daddy (les prothèses dentaires y contribuent également). A contre emploi comme il l’était dans Punch-Drunk Love, de Paul Thomas Anderson, le coiffeur déjanté de You Don’t Mess With The Zohan effectue un numéro de haute voltige. Grâce à son talent, ce type exaspérant, comme le lui dit son épouse d’une manière lapidaire, prêt à jouer sa vie sur un pari, parvient malgré tout à susciter de l’empathie. Avec ses emportements de gosse lancé dans une course au trésor, ne se souciant ni du ridicule ni de la bienséance, il émeut par fulgurance, en se montrant aussi et hélas souvent à contretemps, romantique et père aimant. Il y a du Cassavetes et du Scorsese dans ce film bouillonnant, chaotique et terriblement humain, tourné dans ce quartier de New York très secret et rarement montré à l’écran (John Schlesinger y avait situé son Marathon Man), que le maître de la lumière Darius Khondji rend ici plus magnétique encore. Car les frères Sadfie, réalisateurs de Mad Love In New York et Good Time, connaissent parfaitement le terrain. Leur père travaillait pour un joailler du Diamond District et leur a raconté moult anecdotes du cru. Il émane de leur film, qui réunit une brochette de comédiens souvent inconnus dont les épatantes Idina Menzel et Julia Fox, ainsi que des stars dans leur propre rôle (le chanteur The Weeknd, le basketteur Kevin Garnett…), une authenticité édifiante et une ironie cruelle. On ressort, de cette expérience, lessivé, « sonné » et admiratif.
2h 15 Et avec LaKeith Stanfield, Keith Williams Richards, Tommy Kominik, Hailey Gates…