ANNA, la mini-série

Visionner une série tient parfois de l’épreuve. Après la sadique Squid Game, venue de Corée du Sud, l’italienne Anna, vision post-apocalyptique et hypnotique d’un monde décimé par un virus meurtrier, ne fait pas non plus dans la dentelle. On aurait cependant tort de la bouder, car ce conte initiatique est aussi magnifique que cruel.

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« Quand je serai morte, je serai trop lourde pour être transportée dehors. Anna, ouvre les fenêtres, prends tout ce dont tu auras besoin et ferme à clé. Si ça sent trop mauvais, va dormir dans la voiture. Tu devras attendre cent jours… Ça te semblera long, mais tu verras, le temps passera vite… »

 

ANNA

Niccolò Ammaniti
2021
Disponible sur Arte.fr, disponible en DVD chez Arte depuis le 2 novembre

Il aura fallu quelques semaines pour que le monde bascule dans l’horreur. Un virus contagieux, très vite surnommé « la Rouge » à cause de la couleur des plaques qu’il provoque sur la peau, s’est abattu sur la population adulte. Seuls les enfants n’ayant pas passé l’âge de la puberté sont épargnés, mais ils ne sont qu’en sursis. La jeune Anna et son petit frère se sont réfugiés avec leur mère (Elena Lietti) dans la maison familiale, dans la campagne sicilienne. Mais cette dernière ne tarde pas elle aussi à manifester des symptômes. Avant de mourir, elle s’emploie à écrire un manuel de survie à l’intention de sa progéniture…

En ouverture du générique, un message avertit les spectateurs : « L’épidémie de Covid-19 a éclaté six mois après le début du tournage. ». Les similitudes avec la récente actualité sont en effet troublantes, notamment dans la manière dont est traitée l’arrivée de la pandémie : « C’est une grippette, qui frappe les vieux, pas les gamins… » Mais pour le créateur, cette entrée en matière n’est qu’un prétexte. « Je voulais imaginer comment fonctionnerait un monde sans adultes » a déclaré Niccolò Ammaniti qui adapte ici son roman homonyme paru en 2015. Devant ce conte horrifique en six épisodes, impossible de ne pas penser au célèbre Sa majesté des mouches, de William Golding. Les adultes ayant disparu, les enfants sont livrés à eux-mêmes dans un monde qui n’est plus qu’un chaos, sans repères, soumis à la loi du plus fort. La culture et la mémoire n’étant plus, les instincts primaires et l’absence d’empathie poussent les gamins à agir de manière cruelle. Pas Anna cependant qui, grâce à l’enseignement de sa mère, continue, inlassablement, à garder espoir et à chercher une issue, tout en protégeant son petit frère. Sauvage, morbide parfois et jamais mièvre, la mini-série est littéralement illuminée par son héroïne, préadolescente tenace, courageuse, intelligente et sensible (formidable Giulia Dragotto). Tel Ulysse, elle devra affronter moult périls, survivre à des épreuves et triompher d’adversaires animés par des pulsions sadiques. Entre noirceur, baroque et merveilleux, admirablement interprétée, Anna impressionne à tous les niveaux et notamment par ses images, incroyablement fascinantes. Déjà responsable, en 2018, de l’excellente série Il Miracolo, Niccolò Ammaniti accomplit ici un nouveau tour de force. À voir absolument !
Six épisodes de 50 minutes environ. Et avec Alessandro Pecorella, Clara Tramontano, Giovanni Mavilla, Roberta Mattei, Miriam Dalmazio…

 

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