Le réalisateur du génial Les Berkman se séparent récidive avec ce portrait d’une jeune artiste qui tente de trouver sa place à New York. Le film, paru en DVD le 5 novembre, est aussi une déclaration d’amour du cinéaste à l’actrice Greta Gerwig (sa compagne dans la vie), comédienne solaire et immensément attachante, qui crève littéralement l’écran.
Frances Ha
Noah Baumbach
2012 (DVD Memento Films)
A vingt-sept ans, Frances Haliday (Greta Gerwig) est apprentie dans une compagnie de danse contemporaine à New York, et aspire à devenir titulaire. En attendant, elle papillonne et s’amuse comme une folle avec sa meilleure amie Sophie (Mickey Sumner), son âme sœur, avec qui elle partage un petit appartement sympa. Le jour où Sophie décide d’emménager avec son petit ami, le monde de Frances s’écroule. Trop fauchée pour garder l’appartement seule, elle doit partir à la recherche d’un nouveau chez-soi. Mais pire encore, Sophie semble s’éloigner de plus en plus…
Très discret en plus d’être beau gosse, Noah Baumbach est également un des cinéastes les plus intelligents de sa génération. Révélé en 2005 avec son remarquable Les Berkman se séparent (The Squid And The Whale), film criant de vérité sur l’histoire d’un divorce dans une famille d’intellectuels de Brooklyn, ce collaborateur de Wes Anderson pour lequel il a coécrit les scénarios de La vie aquatique et Fantastic Mr. Fox, est passé maître dans l’art de brosser des portraits subtils de personnage un peu décalés, qui en disent long sur la société et les malaises qu’elle engendre. Dans Greenberg, son précédent film de 2010, Ben Stiller campait un quadragénaire dépressif, en colère permanente contre le système, et follement misanthrope (« La jeunesse c’est du gâchis pour un jeune – J‘irais même plus loin, la vie c’est du gâchis pour les gens ».) Mais le film ne brillait que par fulgurances. Frances Ha, en revanche, est un coup de maître. Coécrit et porté par la fabuleuse et pourtant méconnue Greta Gerwig, compagne du cinéaste, ce portrait d’une jeune femme qui ne parvient pas à entrer dans l’âge adulte, à joindre les deux bouts, ni à trouver sa place, est totalement époustouflant. L’actrice est sublimée par un noir et blanc très stylisé, influencé par Manhattan de Woody Allen, la Nouvelle Vague française, et évoque aussi Shadows de Cassavetes. Noah Baumbach filme son égérie tantôt comme une star de l’âge d’or d’Hollywood, tantôt du cinéma muet (Greta Gerwig est très expressive). Frances est gaffeuse, souvent à côté de la plaque et invariablement touchante. Les garçons la jugent « incasable » et elle fait semblant d’en rire. Elle a le chic pour se mettre dans des situations impossibles, mais essuie les revers avec une expression désarmante et résiste, sans jamais perdre la foi. Comédie à la fois drôle, tendre et cruelle, qui met également en exergue la difficulté pour un jeune artiste de réussir aujourd’hui à New York (« Tous les artistes à New York sont riches »), Frances Ha est aussi attachant que son héroïne. Difficile de pas tomber sous le charme, pour ne pas dire amoureux…
Test DVD :
Interactivité**
C’est au son de la musique de « Modern Love » de David Bowie (la chanson accompagne le générique de fin et la séquence dans laquelle Frances court dans Chinatown) qu’on accède à une intéressante interview croisée de Noah Baumbach et Greta Gerwig (vingt-deux minutes). Les deux auteurs reviennent sur les étapes de la création, la part d’autobiographie et les ambitions du film. La bande-annonce et une revue de presse très élogieuse complètent le programme.
Image ***
Format : 1.85
Probablement un peu en deçà du Blu-ray paru en zone 1, l’image du DVD est néanmoins splendide et nuancée. Elle respecte les ambitions de la photo noir et blanc tantôt limpide, tantôt granuleuse de Sam Levy.
Son : ***
DD 2.0 en français et anglais sous-titré français
On aurait aimé un DD 5.1, mais le DD 2.0 se révèle suffisamment dynamique pour mettre en valeur les musiques et chansons soigneusement choisies de la bande-son (on notera la présence de plusieurs airs de Georges Delerue, dont le « Thème de Camille », du Mépris de Godard).
Merci Sophie, je vais donc me le procurer illico! Greta Gerwig irradiait totalement dans « Damsels in Distress », n’est-ce-pas ? Et j’avais adoré « The Squid &The Whale ». Tu as raison de noter que « Greenberg » n’était pas du même niveau. Nous voilà donc réconciliés avec Noah Baumbach, quelle bonne nouvelle!
Merci ! Oui, c’est une bonne nouvelle, parce que je suis sous le charme de l’intelligence de cet homme (ses interviews sont passionnantes). Je n’ai pas vu « Damsels in Distress », mais je vais y remédier, d’autant que j’aime beaucoup Whit Stillman. Mais je trouve étonnant la métamorphose de Greta Gerwig entre « Greenberg » et « Frances Ha ». La Florence de « Greenberg » n’était pas très éloignée de Frances, mais elle était moins solaire, avec un côté un peu déprime. Il me plaît d’ imaginer qu’entre les deux films, Noah Baumbach est vraiment tombé amoureux de l’actrice, et a voulu nous la faire aimer à notre tour, en la sublimant totalement.
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Je ne me souvenais pas de Greta dans Greenberg! Elle était comme empatée! Effectivement, elle est aussi beaucoup moins marquante que dans Frances Ha ou l on sent l amour d un realisateur pour sa chérie d’ actrice!
Toutefois, j ai vu les premices solaires de Greta ou de Frances Ha ( je ne sais plus) dans Lola Versus, comedie romantique sur le theme de la separation.Je le conseille.