« Sir, Hunt is the living manifestation of destiny. »
Mission impossible : Rogue Nation
Christopher McQuarrie
2015 – En DVD et Blu-ray depuis le 16 décembre chez Paramount
Alors qu’Alan Hunley (Alec Baldwin), directeur de la CIA, vient de convaincre le Sénat de dissoudre la section IMF (Impossible Mission Force), Ethan Hunt (Tom Cruise) découvre l’existence d’une organisation terroriste, le Syndicat, déterminée à instaurer un nouvel ordre mondial. Désormais isolée, l’équipe d’IMF va devoir se serrer les coudes pour déjouer les plans du redoutable Solomon Lane (Sean Harris) et déterminer dans quel camp se situe la belle et dangereuse Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), qui ne cesse de croiser la route d’Ethan…
Trois ans après l’excellent épisode Protocole fantôme, signé Brad Bird, et dix-neuf après le film de Brian De Palma (toujours le meilleur de la saga à ce jour), la franchise Mission Impossible est revenue sur chapeaux de roues en 2015, bien décidée à enfoncer le clou. Ethan Hunt a pris de la bouteille (sur certains plans, le visage empâté de Tom Cruise semble un peu, hum… étrange), mais il se rue toujours, et avec davantage de fougue encore, sur des avions, des voitures, des motos… Car Tom Cruise est fou, c’est à ça qu’on le reconnaît. Il aime prendre des risques. L’adrénaline, il n’en a jamais assez, comme il le confie lui-même dans le commentaire audio au menu des bonus du DVD. Fou, mais pas moins perspicace. Et s’il n’est pas encore prêt à laisser sa place à Jeremy Renner, toujours cantonné ici à jouer les seconds couteaux, il sait qu’Ethan Hunt n’est plus invincible. Tom Cruise a beau avoir un physique d’athlète (le bougre ne loupe pas une occasion de l’exhiber), il n’hésite pas à montrer ses failles, quitte à se rendre ridicule (la scène dans laquelle il tente de sauter sur une voiture et s’affale lamentablement est plutôt comique). L’acteur semble même prendre un tel plaisir à s’autoparodier que, par endroits, Rogue Nation n’est pas loin de la comédie (les facéties de Simon Pegg ne font rien à l’affaire). Heureusement, un élément rend le film imparable : Rebecca Ferguson. L’actrice suédoise de trente-deux ans, révélée en 2013 par la mini-série anglaise The White Queen, fait une guerrière inattendue. Son élégance naturelle, son glamour et ses faux airs d’Ingrid Bergman (son personnage se prénomme Ilsa, comme son illustre compatriote dans Casablanca) ne l’empêchent pas d’être très crédible dans les scènes d’action. Avec un fusil, sur une moto ou dans un combat au corps à corps, elle se révèle incroyablement efficace. Ilsa Faust est en quelque sorte l’alter ego d’Ethan Hunt, et Tom Cruise, très intelligemment, n’hésite pas à la laisser lui voler la vedette à plusieurs reprises. Car oui, si le film est mis en scène (plutôt platement) par Christopher McQuarrie (réalisateur de Way Of The Gun, Jack Reacher, et scénariste, entre autres, de Usual Suspects et Edge Of Tomorrow), Tom Cruise, producteur de la franchise depuis le premier opus, est plus qu’impliqué. Dans les scènes d’action, les cascades (il fait tout lui-même, dont la fameuse séquence d’ouverture, dans laquelle il est accroché à l’aile d’un Airbus A400M en plein décollage), mais aussi dans les choix artistiques. L’idée de l’air d’opéra, en fond d’une longue scène en clin d’œil à L’homme qui en savait trop, c’est lui. Son costume façon Cary Grant dans La mort aux trousses, pour la séquence de l’avion, c’est lui. Tom Cruise assouvit ses fantasmes de cinéphile, et visiblement, il aime Alfred Hitchcock. Vienne a remplacé Prague, mais on ne s’étonnera donc pas de trouver moult ressemblances avec le premier épisode de Brian De Palma, lui-même grand admirateur du réalisateur des Enchaînés. Pour tout cela, mais aussi ses jeux de dupes réussis et ses morceaux de bravoure, Rogue Nation, romantique et échevelé, ne démérite pas, même s’il n’est pas tout à fait à la hauteur du précédent épisode. Quant à savoir ce que ce diable nous réserve pour le numéro 6, rendez-vous probable en 2017. A Tom Cruise, rien d’impossible !
2 h 11 Et avec Ving Rhames, Simon McBurney, Tom Hollander, Jens Hultén…
Test DVD :
Interactivité **
Le commentaire audio met en exergue la complicité de Tom Cruise et Christopher McQuarrie, qui ne cessent de s’envoyer mutuellement des fleurs. McQuarrie révèle aussi qu’il a dû souvent batailler pour empêcher son acteur vedette de prendre des risques inconsidérés (Tom Cruise souhaitait faire la course-poursuite à moto pieds nus). Quant à ce dernier, il jubile en renvoyant chaque scène d’action, chaque explosion, comme si c’était le plus beau jour de sa vie. Fou, on vous dit… Enfin, un petit reportage de six minutes fait l’éloge de Tom Cruise, producteur généreux et impliqué.
Image ****
Format : 2.35
La définition, quasi parfaite hormis un peu de grain dans quelques séquences d’intérieur, met en valeur la photographie très léchée de Robert Elswit, chef opérateur attitré de Paul Thomas Anderson. Les couleurs sont explosives, les noirs, profonds.
Son : ****
DD 5.1 en anglais sous-titré et français
Un sans-faute pour cette piste DD 5.1 ample et très efficace
Much Loved
Nabil Ayouch
2015 – En DVD depuis le 2 février 2016 chez Pyramide Vidéo
A Marrakech, le quotidien de quatre prostituées, colocataires et amies, qui surmontent la violence et les humiliations par une complicité et une solidarité à toute épreuve…
Portrait très réaliste de quatre prostituées de Marrakech, Much Loved est l’accomplissement d’un désir de cinéaste, qui traite ici d’un sujet qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Interprété par des comédiennes non professionnelles et épatantes (Loubna Abidar, nominée pour le César 2016 de la Meilleure actrice, est une révélation), ce film courageux, réalisé avec le cœur et les tripes, est le résultat d’un soigneux travail de recherche et d’écriture. Nabil Ayouch s’attache à montrer ces femmes dans toute leur complexité, avec leurs problèmes et leurs rêves d’avenir meilleur. Rejetées par des familles, qu’elles portent parfois à bout de bras et qui ne refusent pourtant par leur « argent sale », et par la société hypocrite tout entière (Ayouch dénonce au passage la corruption de la police), elles se créent une bulle d’amitié partagée, de tendresse et de solidarité, qui leur permet de rester dignes et d’affronter leur destinée. S’il les filme comme des amazones magnifiques et souvent drôles (leurs échanges verbaux avec les riches Saoudiens ne manquent pas de sel), le réalisateur franco-marocain de Ali Zaoua, prince de la rue, Whatever Lola Wants et Les Chevaux de Dieu montre sans détour les moments d’avilissement, les humiliations, la violence et la solitude. Le caractère frontal et choquant de certaines séquences, pourtant jamais complaisantes ni voyeuristes, a valu au film après sa projection au festival de Cannes 2015 une interdiction au Maroc (« pour outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine »). Des menaces de mort ont également été proférées à l’encontre du réalisateur et de la comédienne Loubna Abidar, qui s’est réfugiée en France après avoir été physiquement agressée à Casablanca.
1 h 44 Et avec Asmaa Lazrak, Halima Karaouane, Sara Elhamdi Elalaoui, Abdellah Didane, Danny Boushebel, Carlo Brandt…
Le DVD de très belle facture est enrichi d’un excellent making of de 28 minutes, qui permet d’assister aux répétitions des comédiens, souvent submergés par l’émotion, et propulse sur le vif du tournage. Il est suivi d’une interview pertinente du cinéaste, qui explique avoir voulu donner une voix à ces femmes, et a été très étonné du scandale suscité à Cannes par ce film humaniste avant tout. Il confie aussi ses craintes pour ses actrices, visées comme lui par des menaces.
Hell Town (Cut Bank)
Matt Shakman
2014 – En Blu-ray et DVD depuis le 18 janvier chez Seven7
Cut Bank, Montana, réputée pour être la plus froide du pays, est une petite ville sans histoire. C’est bien ce qui chagrine Dwayne (Liam Hemsworth), qui aimerait aller s’installer ailleurs avec sa petite amie Cassandra (Theresa Palmer), la plus jolie fille du coin. Un jour, alors qu’ils traînent dans leur endroit préféré dans la campagne, les deux tourtereaux assistent à l’assassinat du facteur local. Dwayne filme tout avec sa caméra amateur. Or, la Poste offre 10 000 dollars de récompense pour tout indice sur un meurtre d’employé fédéral. Pour Dwayne, c’est la chance qui pourrait lui permettre de quitter Cut Bank. Mais rien ne va se passer comme prévu…
Paru directement en vidéo, ce premier long-métrage de Matt Shakman, acteur reconverti en réalisateur de séries télé (on lui doit notamment l’hilarante Philadelphia (It’s Always Sunny In Philadelphia) lorgne indéniablement vers le cinéma des frères Coen. Cette peinture d’une petite ville du Midwest (Cut Bank existe vraiment) et sa brochette de péquenauds, détraqués ou doux-dingues, n’a rien à envier à celle de Fargo. Autour de Dwayne, beau gosse sans grande envergure, et de sa jolie petite amie qui rêve de remporter l’élection de Miss Cut Bank, gravitent un shérif romantique, timide et trop sensible (hilarant John Malkovich), un beau-père cassant (Billy Bob Thornton), un vieux filou totalement inconscient (Bruce Dern), un attardé aux tendances psychopathes (Michael Stuhlbarg) et un inspecteur fédéral badin, qui ne cesse de s’extasier sur la nourriture locale (Oliver Platt). On peut reprocher à cette série B son petit manque de rythme, mais son humour noir, absurde et un brin loufoque, qui contraste avec l’aspect sombre et violent des événements, en fait un thriller excentrique plutôt jubilatoire.
1 h 33 Et avec Ty Olsson, Sonya Salomaa, Peyton Kennedy…
Sans adjonction de bonus, DVD et Blu-ray proposent une image bien définie, vive et contrastée dans les séquences en extérieur jour, et un son plus que convenable.
Le prodige (Pawn Sacrifice)
Edward Zwick
2014 – En Blu-ray et DVD chez Metropolitan depuis le 18 janvier 2016
L’histoire vraie de Bobby Fischer (Tobey Maguire), le prodige américain des échecs. En 1972, en pleine Guerre froide, à l’âge de vingt-neuf ans, il se prépare à affronter en Islande le Russe Boris Spassky (Liv Schreiber), champion du monde en titre, lors de ce qui s’annonce déjà comme le match du siècle. Certain d’être invincible, Bobby doit cependant affronter une paranoïa galopante, qui le rend totalement ingérable…
On lui reproche souvent son académisme, mais sa mise en scène aspire surtout à servir les histoires qu’il raconte. Et Edward Zwick, réalisateur de Glory, Légendes d’automne, Le dernier samouraï, Blood Diamond, Les insurgés… aime le romanesque. Ainsi, même s’il revêt des atours classiques, son biopic sur Bobby Fischer se révèle un film intense et passionnant, hanté par le conflit mental de son héros paranoïaque, toujours sur le fil entre le génie et la folie. Conscient de l’aspect peu cinématographique de son sujet, le cinéaste replace constamment l’action dans le contexte géopolitique et culturel, et insiste sur le côté « rock star » de Fischer, n’hésitant pas à le montrer sous ses jours les plus antipathiques. Doté d’un titre bien plus inspiré en version originale (Pawn Sacrifice, « le sacrifice du pion »), Le prodige réussit à allier brillamment la paranoïa associée à la Guerre froide avec celle du gosse de Brooklyn, adulé du monde entier, mais prisonnier de ses obsessions.
1h 55 Et avec Peter Sarsgaard, Michael Stuhlbarg, Lily Rabe, Robin Weigert, Evelyn Brochu…
Passé inaperçu dans les salles françaises à l’automne 2015, le film profite d’un Blu-ray très performant, auquel on ne reproche que l’absence de suppléments.
Un Français
Diastème
2015 – En Blu-ray et DVD depuis le 21 octobre chez Francetv distribution
La rédemption d’un skinhead récupéré par l’extrême droite (Alban Lenoir), qui va peu à peu tourner le dos à la violence et à ses convictions de jeunesse…
Violemment chahuté sur les réseaux sociaux lors de sa sortie en juin 2015, le film de Diastème, qui a écrit le scénario après la mort de Clément Méric, a même été boycotté par des exploitants de salles, inquiets d’éventuelles émeutes durant les projections. Ici, pas de contrepoint, ni de jugement moralisateur de la part de l’auteur, mais une immersion dans trente ans d’extrême droite française, à travers le parcours d’un jeune homme et de ses prises de conscience. Si on regrette que les personnages soient un peu trop effleurés (l’évolution du principal, jalonnée d’ellipses temporelles, apparaît un peu superficielle), on ne peut que saluer la justesse des comédiens, la représentation très réaliste de la violence, et l’infinie tristesse qui émane de film humain et courageux, d’une triste actualité.
1 h 38 Avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy, Olivier Chenille, Jeanne Rosa, Lucie Debay
DVD et Blu-ray, exemplaires, profitent d’un excellent making of de 35 minutes, dans lequel Diastème revient sur ses ambitions. On y découvre également comment les comédiens ont abordé le tournage de ce film «risqué ».
Ex-Machina
Alex Garland
2015 – En Blu-ray et DVD depuis le 6 octobre chez Universal
Caleb (Domnhall Gleeson) est brillant codeur chez Bluebook, société informatique qui a mis au point le moteur de recherche le plus performant au monde. Lorsqu’il apprend qu’il a gagné le concours interne lui permettant de passer une semaine chez Nathan (Oscar Isaac), le grand patron et cerveau de Bluebook, il saute de joie. Mais il comprend vite qu’il est là pour participer à une expérience inédite : tester le dernier prototype d’intelligence artificielle conçu par Nathan, qui se présente sous les traits d’une jeune femme troublante (Alicia Vikander)…
Le premier long-métrage de l’écrivain et scénariste Alex Garland, auquel on doit, entre autres, le roman La plage et le scénario de 28 jours plus tard, explore l’un des thèmes récurrents de la science-fiction, magnifiquement illustré dans A. I. et le récent Her. On est immanquablement fasciné par ce huis clos troublant bariolé d’érotisme, où on ne sait jamais qui manipule l’autre. On s’identifie très vite au jeune Caleb, chargé de démasquer les failles de cet androïde dont la beauté et l’intelligence altèrent inévitablement le jugement. Conçu comme une fable et imprévisible jusqu’au bout, ce thriller paranoïaque et cynique aux visuels épurés est hanté par la figure inquiétante (très Barbe Bleue) d’Oscar Isaac.
1 h 48 Et avec Sonoza Mizuno…
Ex-Machina est enrichi dans cette belle édition Blu-ray de quelques featurettes, qui n’omettent pas de se pencher plus longuement sur le test de Turing abordé dans le film.
J’ai tellement pensé aux frères Coen en regardant « Cut Bank » : j’ia beaucoup aimé ce film !
« Ex machina », un de mes films coup de coeur de l’an dernier. Je ne comprends pas pourquoi on en a si peu parlé !
« Much loved » est sur ma liste à voir, j’espère bientôt ! 🙂
Chouette, j’avais oublié que je voulais voir Ex-Machina ! Merci pour le rappel. Je mets Hell Town et « Much Loved » dans mon panier .
Sinon, je vote pour « Le Prodige », qui m’a profondément touchée – cette histoire d’équilibre fragile entre folie et génie, servie brillamment par Tobey Maguire m’a passionnée, d’autant plus que je me souviens parfaitement de l’histoire « vraie » qui faisait la une dans mes jeunes années, alors que mon frère faisait sensation dans les petits clubs d’échecs parisiens. Et puis j’ai aimé « Un Français » aussi, froid et lucide, à mes yeux, superficiel et inutile aux yeux de mon fils.
Par contre je passe mon tour pour Tom Cruise, que j’ai vu contrainte et forcée. Pas si mal, mais pas mon truc : nul n’est parfait ^^.
Là je sors, émue et avec un peu de blues, de « 45 years », avec les très beaux Charlotte Rampling et Tom Courtenay. J’ai hâte de savoir ce que tu en diras;
Moi aussi, j’ai adoré Cut Bank ! Les échanges entre John Malkovich et Billy Bob Thornton m’ont fait beaucoup rire. Il y a en plus une vraie poésie dans ce film (la fin est particulièrement jolie). Et quant à Ex-Machina, il a surtout révélé Alicia Vikander, qui y est sensationnelle, et qui a été nominée aux Golden Globes pour son rôle. Le film a quand même deux nominations pour les prochains Oscars (scénario et effets spéciaux). On va donc en reparler 😉
Alicia Vikander est sensationnelle dans tous ces films pour le moment ! 🙂 J’avais raté les nominations du film aux Oscars !