DECISION TO LEAVE

Avec cette histoire d’amour impossible maquillée en polar, le cinéaste coréen de Joint Security Area, Lady VengeanceOld Boy ou de Mademoiselle atteint des sommets de virtuosité. Il y a du génie dans chaque plan de ce film noir, légitimement primé pour sa mise en scène à Cannes, qui emmène dans un jeu du chat et de la souris où se mêlent les réminiscences de Vertigo, In The Mood Of Love et Basic Instinct. (pas de spoilers dans cet article)

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« Suis-je si perfide ? »

  

DECISION TO LEAVE (Heojil Kyolshim)

Park Chan-wook
2022
Dans les salles françaises depuis le 29 juin 2022

Hae-joon (Park Hae-il), inspecteur de police chevronné à Busan, enquête sur la mort suspecte d’un homme dont le cadavre a été retrouvé au pied de la montagne qu’il venait d’escalader. Il rencontre la jeune veuve de ce dernier Seo-rae (Tang Wei), une femme séduisante au comportement un peu étrange. Il la soupçonne aussitôt tout en étant irrésistiblement attiré par elle…

Même si, lors de la conférence de presse à Cannes, Park Chan-wook s’est défendu de s’en être inspiré, impossible de ne pas penser à Vertigo (Sueurs froides) devant cette histoire d’amour ambiguë. Selon lui pourtant, ce n’est qu’en lisant les critiques que le réalisateur aurait été frappé par les similitudes entre les deux œuvres, provenant, à l’en croire, de son inconscient de cinéphile et fervent admirateur d’Alfred Hitchcock. Authentique jeu de piste, le récit retors coécrit par la scénariste Chung Seo-kyung suit les tourments d’un policier émérite et consciencieux dont le zèle frise parfois le harcèlement : il dort dans sa voiture en surveillant les fenêtres de la suspecte sans qu’on sache s’il est animé par son devoir de flic ou par un voyeurisme irrépressible. Les intentions de cette dernière ne sont pas plus transparentes. On ne sait si cette femme, qui a tout de fatale, est sincèrement attirée par l’enquêteur ou si elle le manipule. Cette incertitude troublante, constante dans le film, en fait tout le charme. La confusion qui s’empare de Hae-joon, inspecteur d’ordinaire placide, l’incite à faire des choses absurdes, qui désorientent son épouse et ses collègues (le repas luxueux en plein interrogatoire ne manque pas de piquant). Tout comme Seo-rae, la séduisante actrice Tang-wei, qui fut l’héroïne de Lust, Caution, de Ang Lee, est chinoise. Elle ne parlait pas le coréen au début du tournage. Ce qui aurait pu être un obstacle s’est avéré profitable pour le personnage qui s’exprime à l’aide d’une application de traduction simultanée, et s’inspire des répliques des séries coréennes qu’elle visionne à la télévision. Son vocabulaire et ses phrases ont ainsi des tournures singulières (cette manie de conclure ses propos par « en définitive » est irrésistible). Park Chan-wook avait habitué à un cinéma de vengeance. La violence s’invite ici par fulgurances, mais au thriller, le cinéaste privilégie l’histoire d’amour. Elle est empreinte de désir, de culpabilité et de pulsions de mort. On est happé par ce rythme lancinant, par la beauté de la photographie (elle est signée Kim Ji-yong, chef-opérateur, entre autres, de A Bittersweet Life et The Fortress) et par la mise en scène subtile, quasi-fétichiste. De la montagne à la mer en passant par la ville, le flic et sa suspecte s’observent, s’affrontent, s’éloignent, et leur manège est fascinant.
2 h 18 Et avec Go Kyung-pyo, Lee Jung-hyun, Yong-woo Park…

 

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