ERIC la mini-série

Elle ne fait pas l’unanimité. Pourtant, cette mini-série britannique qui mélange les genres est d’une originalité folle, et suscite un maelstrom d’émotions. Benedict Cumberbatch y est monstrueusement génial ! (pas de spoiler dans cet article)

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« Be good. Be kind. Be brave. Be different. »

 

ERIC

Mini-série en six épisodes, créée par Abi Morgan
2024
Disponible depuis le 30 mai sur Netflix

À New York, dans les années 80, le jeune Edgar, neuf ans, las d’entendre ses parents se disputer, décide un matin d’aller à l’école tout seul. Il disparaît sur le trajet. Enlèvement ? Fugue ? Le policier chargé de l’affaire ne veut négliger aucune piste. L’enquête piétinant, Vincent, le père d’Edgar (Benedict Cumberbatch), génial créateur de marionnettes de la célèbre émission pour enfants Good Day Sunshine (sorte de Sesame Street), veut tenter autre chose. Au grand dam de son épouse, cet homme alcoolique et tourmenté décide de fabriquer le monstre baptisé Eric qu’avait dessiné Edgar, convaincu que si l’enfant le voit à la télévision, il reviendra à la maison…

A priori, il n’y a pas plus britannique qu’Abi Morgan, scénariste de La Dame de fer, Shame, et des séries Sex Traffic ou The Hour. L’histoire d’Eric, très américaine, lui a été inspirée par son séjour dans la Grosse Pomme au début des années 80, alors qu’elle était toute jeune. New York était une ville sauvage, sale, violente. La cité n’avait pas encore subi le « nettoyage » entrepris par le maire Rudy Giuliani, qui allait bientôt la transformer en attraction touristique, ce qui fera dire à la sarcastique auteur Fran Lebowitz : « Ce n’est plus un endroit pour écrire des livres, mais un endroit pour en vendre. » De fait, le Manhattan décrit dans Eric est gangrené par la corruption, le racisme, le proxénétisme, l’homophobie (le sida commence à faire des ravages). Mais, des appartements huppés jusqu’aux tunnels cachés du métro, territoire des sans-abris et des drogués, en passant par les établissements interlopes, il fourmille d’artistes. Dans ce décor un peu anxiogène, Abi Morgan, qui a grandi dans le monde du théâtre, a tissé une intrigue à plusieurs facettes. Derrière la marionnette imposante et poilue d’Eric, qui confère à la série son aspect fantastique et halluciné, c’est bien de la condition humaine dont il est question. Vincent, père narcissique qui culpabilise d’avoir négligé son fils et son épouse, s’enfonce dans ses obsessions et sa folie, et devient incontrôlable. Cassie, la mère (formidable Gaby Hoffmann), est aimante, mais dépressive. Le policier afro-américain et gay (campé par l’excellent McKinley Belcher III, vu dans Ozarkou We Own This City) vit également un drame personnel tandis qu’il tente de ramener un semblant de justice dans une institution qui en est dépourvue. Et, il y a Lennie, l’assistant au sourire triste de Vincent, qui semble toujours mal à l’aise (impeccable Dan Fogler, le Coppola de The Offer). « Les vrais monstres ne sont pas sous le lit », dit le slogan de la série, qui fait également référence aux affaires d’enfants disparus à New York à la fin des années 70, et dont les portraits étaient imprimés sur les briques de lait. Dans sa quête désespérée pour retrouver son fils, Vincent devra affronter ses démons, et peut-être se trouver lui-même. Soutenu par une bande-son judicieuse — on y entend, entre autres, Bob Dylan, Cerrone, Can, Billie Holiday, le Velvet Underground, Nico, et le fameux tube de 10cc « I’m Not In Love » —, ce thriller mis en scène par Lucy Forbes déroute parfois, intrigue souvent et se révèle très attachant. Depuis Magnolia, de Paul Thomas Anderson, on n’avait vu d’aussi vibrante représentation de l’humanité, dans ce qu’elle a de pire et de meilleur.
6 épisodes de 55 minutes. Et avec Ivan Morris Howe, Bamar Kane, Jeff Hephner, Wade Allain-Marcus, Sefan Race, Chloe Claudel, John Doman…

 

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