DES VIVANTS Mini-série

La série d’attentats survenus à Paris le 13 novembre 2015 a coûté la vie à cent trente-deux personnes, en a blessé des centaines et traumatisés des milliers d’autres. C’est à ces derniers que Jean-Xavier de Lestrade et son coscénariste Antoine Lacomblez ont consacré Des vivants. Cette mini-série de fiction en huit épisodes est adaptée de l’histoire vraie d’un groupe d’otages confinés dans un couloir du Bataclan. Ils étaient venus assister au concert des Eagles Of Death Metal. Leur vie en a été changée à jamais.

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We’ve come too far
To give up who we are
So let’s raise the bar
And our cups to the stars
Daft Punk (« Get Lucky »)

 

DES VIVANTS

Mini-série créée par Jean-Xavier de Lestrade et Antoine Lacomblez
2025
Diffusée sur France 2 depuis le 3 novembre

 

Lors de l’attaque meurtrière survenue au Bataclan, le 13 novembre 2015, onze otages confinés dans un couloir de six mètres de long et moins de deux de large, sont libérés par la BRI. Leur tête à tête avec deux terroristes lourdement armés aura duré deux heures et dix-neuf minutes. Sept d’entre eux, devenus amis, se surnommant eux-mêmes les  « Potages » (contraction de « pote » et « otage ») vont se serrer les coudes pour se relever tant bien que mal de cette expérience traumatisante…

La première scène faisait redouter le pire. Dans le chaos ambiant, des otages du Bataclan (campés, entre autres, par Benjamin Lavernhe, Alix Poisson, Antoine Reinhartz et Félix Moati), sortent de la salle, hagards, dépenaillés et ensanglantés pour certains, après l’assaut des forces de l’ordre. Tout semble surjoué, faux. Et puis, cette impression s’estompe. Le talent de réalisateur de Jean-Xavier de Lestrade, expert du documentaire-fiction — on lui doit le documentaire Un coupable idéal, oscarisé en 2022, et les remarquables séries Laëtitia et Sambre —, va rejaillir, d’autant qu’il dirige ici une brochette d’acteurs rompus à l’exercice. Avec son coscénariste Antoine Lacomblez, il a rencontré les otages de ce couloir du Bataclan qui lui ont confié leurs expériences et traumas. Même s’il y a une part de fiction dans les personnages de la série, quasiment tout ce qu’on y voit est vrai. On découvre ainsi que les policiers de la BRI, eux aussi très marqués par la tragédie, ont accepté de rencontrer les otages qu’ils avaient libérés, et leur ont même permis, en les encadrant, de retourner sur les lieux de leur calvaire. On notera que les séquences de l’attaque terroriste, qui reviennent par flash-back dans les cauchemars des rescapés, ont été tournées dans la salle du Bataclan (restaurée à l’identique, Sting a été le premier à s’y produire lors de la réouverture en 2016). Ce choix des créateurs est quelque peu controversé, mais on leur sait gré de ne pas avoir versé dans le spectaculaire, ni d’avoir montré à l’écran des personnages décédés. S’il fallait de l’authenticité, il fallait aussi une distance respectueuse. Il est question ici de l’intime et de rapports humains.

La série s’attache à montrer les difficultés des rescapés à retrouver une existence normale, en n’occultant aucun cas de figure. Il y a ceux qui culpabilisent d’être en vie et ne s’autorisent pas à flancher, ceux qui perdent totalement pied, abonnés aux insomnies, angoissés à l’idée de sortir de chez eux. Et puis, il y a les dégâts collatéraux, chez les enfants, les parents, les conjoints qui n’étaient pas présents ce soir-là. Entre séances de thérapie plus ou moins efficaces, l’incapacité à garder son job, les expertises traumatisantes à subir pour toucher l’indemnisation, et les envies suicidaires (deux personnes sont passées à l’acte après le 13 novembre), la seule lumière provient des relations tissées avec les autres et de cette amitié inconditionnelle qui unit ces sept survivants. Sur ce plan, les auteurs ont un peu chargé la mule. Ça s’embrasse et ça sourit beaucoup, et ça entonne en chœur des chansons, façon improvisation, mais comme si ça avait été répété pendant des heures (curieusement, tout le monde connaît par cœur les paroles de « Get Lucky »). Qu’importe ! Après Revoir Paris d’Alice Winocour,  Novembre de Cédric Jimenez et Une amie dévouée de Fanny Burdino, Des vivants est une série essentielle sur une tragédie qui a bouleversé la France et pas que., une immersion dans le cheminement de la reconstruction de ces rescapés qui ont vu la mort de près : le jour d’après, les semaines d’après, les mois d’après, les années d’après… Pas indemnes, mais vivants malgré tout.
8 épisodes de 52 minutes. Et avec Anne Steffens, Thomas Goldberg, Cédric Eeckhout, Megan Northam, Aude Ruyter, Julie Sicard, Sam Karmann, Illyès Salah, Nicolas Wanczycki, Foëd Amara, Milo Chiarini, Sophie Cattani…

 

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Le soir du 13 novembre 2015, la photographe Marion Ruszniewski avait été dépêchée au Bataclan par le magazine Rock&Folk pour couvrir le concert des Eagles Of Death Metal. Elle échappera à l’enfer, blessée par une balle dont le sac de son matériel photo a heureusement ralenti la course. Les clichés du groupe qu’elle avait eu le temps de prendre avant l’attaque ont fait le tour du monde. On peut les découvrir dans le livre qu’elle publie ce mois-ci, avec des textes de Doris Le Mat-Thieulen. Doing It To Death rassemble vingt ans de clichés (sublimes) au Bataclan, de 2005 à 2025. Car bien que traumatisée par son expérience — racontée dans l’ouvrage —, la photographe de rock, non sans réticences, a repris le chemin des salles de concert, dont celle du Bataclan. La préface est signée Philippe Manœuvre.

Marion Ruszniewski Site officiel

TASK la mini-série

Si vous avez aimé Mare Of Easttown, vous adorerez la nouvelle création de Brad Ingelsby, un polar sur fond de drames familiaux dans la Pennsylvanie des cols-bleus. Un bijou, porté par des comédiens remarquables. (Pas de spoilers dans cet article) 

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« Even if I wanted to go home, I don’t know the way no more. »

  

TASK

Mini-série américaine créée par Brad Ingelsby
2025
Diffusée sur HBO Max depuis le 7 septembre 2025

Dans une banlieue industrielle de Pennsylvanie, Tom Brandis (Mark Ruffalo), agent du FBI en arrêt-maladie, doit reprendre du service pour diriger une équipe spéciale (une task force ou « force opérationnelle »). Sa mission : arrêter une bande de cambrioleurs qui sévit depuis plusieurs mois dans le comté et reste introuvable. Et pour cause, son leader, Robbie Prendergrast (Tom Pelphrey), est un père de famille insoupçonnable. Cet éboueur revanchard a entrepris de détrousser les dealers membres du gang de bikers local pour assurer le futur de ses enfants. Un braquage foireux va cependant mettre sa petite entreprise en péril…

Brad Ingelsby serait-il en passe de devenir le showrunner le plus prisé d’Hollywood ? Quatre ans après Mare Of Easttown, récompensée aux Golden Globes et aux Emmy Awards, voici Task, la nouvelle mini-série très réussie créée par cet originaire du Delco (comté de Delaware, dans l’État de Pennsylvanie), très attaché à la région. La mini-série de sept épisodes met en parallèle deux hommes éprouvés par la vie, chacun du côté opposé de la loi, mais non sans points communs. Comme dans Mare Of Easttown, qui se déroule au même endroit, la famille est au cœur du récit. Tom Brandis et Robbie Prendergrast doivent chacun surmonter une tragédie personnelle, et sont attachés à leur progéniture. L’art de Brad Ingelsby réside dans la manière dont il développe ses personnages, très soucieux de leur authenticité et de leur humanité.

Ses polars regorgent d’émotion, de poésie et de réflexions sur le sens de la vie. Ici, il est aussi question de spiritualité. Tom Brandis est un ancien prêtre qui a intégré les rangs de la police (le personnage est inspiré d’un membre de la famille d’Ingelsby). C’est un flic plein de compassion qui croît au bien et à la rédemption. Mark Ruffalo, cheveux grisonnants et kilos en trop, campe magistralement ce veuf brisé, qui noie son désespoir dans l’alcool, mais s’applique à accomplir sa mission. Il doit en outre pallier le manque d’expérience de certains membres de sa petite équipe, dépêchés en urgence. Ils sont incarnés par Alison Oliver, Fabien Frankel (vu dans House Of The Dragon) et Thuso MBedu. Mais si l’ensemble de la distribution excelle, les performances les plus impressionnantes restent celles de Tom Pelphrey (déjà épatant dans Ozark) et de Emilia Jones (interprète de Maeve, la nièce avisée de Robbie). Ces deux-là sont littéralement bouleversants. Tout comme Nic Pizzolatto, qui a imprégné l’anthologie True Detective de la culture locale de Louisiane, sa région, Brad Ingelsby se plaît à dépeindre celle du Delco, l’Amérique des cols-bleus, des gens simples. Ça ne l’a pas empêché de se distinguer aussi avec le scénario de The Lost Bus, reconstitution de l’incendie meurtrier de Camp Fire, survenu en 2018 en Californie et habilement mis en scène, en 2025, par Paul Greengrass, avec Matthew McConaughey en chauffeur de bus héroïque (le film est disponible sur Apple TV.
7 épisodes. Et avec Martha Plimpton, Phoebe Fox, Jamie McShane, Ben Lewis Doherty, Sam Keeley, Silvia Dionicio, Margarita Levieva…

MISS AUSTEN

En cette année 2025, alors que l’Angleterre célèbre les deux cent cinquante ans de sa naissance, Jane Austen continue de briller dans le paysage culturel, et rayonne bien au-delà de l’Occident. Son œuvre à la fois romantique et féministe séduit génération après génération : sa fameuse ironie, son intelligence et sa plume affûtée se révélant incroyablement moderne. Après le film plutôt charmant de Laura Piani, Jane Austen a gâché ma vie, sur les écrans en janvier, Miss Austen, mini-série adaptée du livre de Gill Hornby (sœur de Nick), vient d’arriver sur Arte. Elle se penche sur le mystère autour de la destruction de la correspondance privée de la romancière par sa sœur Cassandra. L’un des plus grands crève-cœurs de l’histoire de la littérature.

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« Did you find any letters from Jane ?
– … Not a single one ! »

 

MISS AUSTEN

2025
Mi-série britannique en 4 épisodes créée par Andrea Gibb diffusée sur PBS en février 2025, disponible sur Arte depuis le 18 septembre

 

En Angleterre en 1830, plus d’une décennie après la mort de Jane Austen, dont la notoriété est grandissante, Cassandra (Keeley Hawes), sa sœur aînée et confidente, se rend dare-dare au presbytère de Kintbury où elle a souvent séjourné dans sa jeunesse. Le vieux révérend Fulwar Fowle est à l’agonie, et elle s’inquiète pour sa fille cadette Isabella (Rose Leslie), sans fortune, qui devra quitter la maison au décès de son père. Mais Cassandra a une autre raison de vouloir être présente. Elle tient à récupérer la correspondance que Jane entretenait avec feu son amie Eliza, la mère d’Isabella, afin d’éviter qu’elle ne tombe entre de mauvaises mains…

Dans la famille Austen, la sœur. Cassandra a été, jusqu’à la mort de sa cadette en 1817, sa grande confidente et son plus valeureux soutien. Comme Jane, elle ne s’est jamais mariée, son fiancé ayant succombé, en 1797, lors d’une expédition militaire dans les Antilles, aux séquelles de la fièvre jaune. Adaptée du best-seller homonyme de Gill Hornby publié en 2020, lui-même basé sur des faits réels, Miss Austen imagine de manière très plausible la raison qui a poussé Cassandra à détruire une grande partie de la correspondance de sa sœur bien-aimée. On estime que sur trois mille lettres de Jane Austen, cent soixante seulement sont passées à la postérité (leur dernière publication remonte à 1995). La disparition de ces épistoles contribue au mystère entourant la personnalité de la romancière.

Dans le roman de Gill Hornby, Cassandra redoute que celles-ci ne tombent entre les mains de sa belle-sœur Mary Austen, vénale et peu appréciée par Jane. Ici, d’entrée de jeu, Mary exprime le souhait de se procurer cette correspondance intime dans le but de faire publier une toute première biographie de l’auteure d’Orgueil et préjugés. Cassandra va s’employer à contrecarrer ses plans, pour une raison très légitime que l’on découvrira à la fin du récit. La série entre dans le vif du sujet dès le premier épisode, qui pourra désorienter les non-affranchis. Heureusement, plus on avance dans l’intrigue, plus elle se clarifie. La scénariste Andrea Gibb a habilement tissé les allers et retours dans le temps, illustrant la lecture des lettres dénichées par l’aînée des Austen. On découvre ainsi la jeunesse des deux sœurs, les émois amoureux de l’une, la verve et l’impertinence de l’autre, et la préoccupation constante de pas posséder d’argent propre, les condamnant à dépendre des hommes de leur famille. Parallèlement, le récit se penche aussi sur le cas d’Isabella, malheureuse d’avoir dû éconduire l’homme qu’elle aime, son père jugeant la situation de celui-ci trop indigne.

Keeley Hawes, pilier de la télévision britannique, fait une Cassandra mature tout aussi savoureuse que Synnove Karlsen dans sa version plus jeune. Patsy Ferran campe une Jane Austen piquante, que son allure de farfadet rend très attachante. On se réjouit également de la présence de Rose Leslie, qui fut l’interprète du grand amour de Jon Snow dans Game Of Thrones (et est l’épouse de Kit Harington dans la vie), et du séduisant Max Irons. Tantôt drôle — la lecture de Persuasion par Cassandra à Isabella, tandis que la domestique écoute à la porte, est un régal — tantôt bouleversante, cette mini-série d’une grande finesse bénéficie de décors et de costumes soignés. Malgré son caractère à demi-fictionnel, cette balade dans l’univers austenien permet d’approcher au plus près de l’icône de la littérature anglaise, et de découvrir sa relation fusionnelle avec Cassandra, sa sœur aînée restée dans l’ombre, mais qui lui fut dévouée jusqu’à la fin.
4 épisodes d’environ 50 minutes. Et avec Alfred Enoch, Jessica Hynes, Phyllis Logan, Mirren Mack, Calam Lynch, Kevin McNally…

 

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Pas besoin d’être une Janeite accomplie pour se réjouir de l’arrivée d’une toute prochaine adaptation en mini-série d’Orgueil et préjugés, dont le tournage a débuté au printemps dernier en Angleterre. On en connaît déjà la distribution, plutôt prestigieuse : Emma Corrin (Elizabeth Bennet), Jack Lowden (Mr Darcy), Louis Partridge (Mr Wickham), Olivia Colman (Mrs Bennet), Rufus Sewell (Mr Bennet)… Créée par Dolly Alderton, cette mini-série en six épisodes devrait arriver fin 2025 ou début 2026 sur Netflix, qui a dévoilé en juillet une première photo. Affaire à suivre…