WESTERN FOREVER (El Perdido, L’attaque de la malle-poste, Willie Boy, Sur la piste des Cheyennes)

Coup de projecteur sur trois westerns, un classique et deux atypiques, parus en DVD/Blu-ray chez Sidonis Calysta en février dernier. Et puis, cerise sur le gâteau, la série vintage Sur la Piste des Cheyennes, chère au cœur des fans de Kurt Russell, est désormais disponible chez Elephant Films.

 

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« D’accord, je vous donne un cinquième, mais vous m’avez parlé de deux conditions, qu’elle est la seconde ?
– Oui… la seconde… je veux votre femme. »

 

EL PERDIDO (The Last Sunset)

Robert Aldrich
1961

En fuite vers le Mexique, l’aventurier et renégat Brend O’Malley (Kirk Douglas) rend visite à Belle (Dorothy Malone) une femme qu’il a aimé seize ans auparavant, désormais mariée à un éleveur, John Breckridge (Joseph Cotten). Ce dernier a besoin d’hommes pour conduire son troupeau jusqu’au Texas. Brend parvient aisément à convaincre cet individu lâche et alcoolique de l’embaucher contre un cinquième du cheptel, avec l’idée de lui ravir sa femme au passage. Le shérif Dana Stribling (Rock Hudson), qui poursuit Brend depuis plusieurs mois, décide, lui aussi, de faire partie de l’expédition, afin de le tenir à l’œil puis le livrer à la justice…

Il faut redécouvrir cette curiosité, qualifiée de « grand film malade » par Bertrand Tavernier. El Perdido a décontenancé lors de sa sortie en 1961, mais en dépit de ses failles, il brille par fulgurances, grâce à ses personnages féminins attachants (campés par de sensationnelles Dorothy Malone et Carol Lynley), mais aussi parce qu’il aborde des thèmes complexes et plutôt osés, notamment dans le western (adultère, inceste, humiliation, névroses en tous genres…). Marqué par une distribution et un lyrisme dignes d’un film de Douglas Sirk, il avait pourtant tout pour plaire, à commencer par son scénario signé Dalton Trumbo, adapté du roman Sundown At Crazy Horse d’Howard Rigsby (alias Vechel Howard). C’est Kirk Douglas, dont la compagnie Bryna Productions avait besoin de se renflouer, qui, emballé par son travail sur Spartacus, avait sollicité le scénariste. C’est aussi lui qui, sur les conseils de son ami producteur Eddie Lewis, va faire appel à Robert Aldrich. Au départ enthousiaste, le cinéaste du Grand couteau et En quatrième vitesse, plus intéressé par d’autres projets en cours, va vite se démobiliser… à l’instar de Trumbo. Les personnalités bien trempées de ces deux-là ne pouvaient se plier aux exigences de Kirk Douglas, un peu trop « dictatorial » et control freak. Outre les tensions entre les uns et les autres, le tournage au Mexique fut houleux : les vaches n’en faisaient qu’à leurs cornes, Joseph Cotten, qui ne voulait pas boire de l’eau locale, fut le premier à tomber malade, et Douglas dut déplorer un dépassement de budget d’un million de dollars. Ce western captive malgré tout. On est séduit par son ton particulier, presque moderne, les relations inattendues entre les protagonistes, la prestation formidable de Dorothy Malone (Lauren Bacall avait refusé le rôle), qui avait été magnifique chez Sirk justement, et la fraîcheur de la jeune Carol Lynley qui sera quatre ans plus tard l’héroïne de l’excellent Bunny Lake a disparu.
1 h 52 Et avec Neville Brand, James Westmoreland, Jack Elam…

 

L’édition Combo Blu-ray/DVD propose une présentation par Bertrand Tavernier (21 mn), une seconde par Patrick Brion (10 mn) et un documentaire de 2010, Le crépuscule des héros, regroupant des entretiens avec Jean-Claude Missiaen, Patrick Brion, Eddy Moine et les historiens du cinéma Jean-louis Leutrat et Suzanne Liandra-Guigues. Tous mettent en exergue le caractère attachant du film, et reviennent amplement sur la carrière de Robert Aldrich. L’image offerte par le Blu-ray est de qualité fluctuante. La propreté laisse parfois à désirer sans nuire toutefois au plaisir de redécouvrir le film. La piste DTS-HD Master Audio 2.0 est très satisfaisante. 

 

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« Tevis has no respect for the dead.
– And he just loves the living ? »

 

L’ATTAQUE DE LA MALLE-POSTE (Rawhide)

Henry Hathaway
1951

Le vieux Sam Todd (Edgar Buchanan) et son jeune assistant Tom Owens (Tyrone Power) tiennent un relais de diligence isolé, situé sur la piste qui s’étend de San Francisco à Saint-Louis. Alors que la malle-poste de la matinée s’apprête à repartir, une escouade de cavalerie prévient que quatre dangereux hors-la-loi récemment évadés ont été signalés dans les parages. Pour plus de sécurité, Vinnie (Susan Hayward), une passagère accompagnée d’un enfant en bas âge, est sommée à son grand dam de rester sur place. Hélas, les malfrats ne vont pas tarder à investir les lieux…

Sans rapport avec la série des années 60 immortalisée par Clint Eastwood, ce Rawhide est un film sans prétention, mais extrêmement bien ficelé. Henry Hathaway a réalisé plusieurs westerns mémorables, dont Le jardin du Diable et 100 dollars pour un shérif (True Grit), mais il est surtout un grand spécialiste du film noir. On lui doit Le carrefour de la mort, L’impasse tragique, Appelez Nord 777, 14 heures ou le fameux Niagara avec Marilyn Monroe. Et il est manifeste que ce western à huis clos, aux ambiances oppressantes et à la violence âpre, tient énormément du film noir. Il est d’ailleurs le remake d’un film de gangsters de 1935, Pas de pitié pour les kinappeurs (Show Them No Mercy) de George Marshall. À l’efficacité et l’inventivité de la mise en scène d’Hathaway, s’ajoute le talent du scénariste du prolifique Dudley Nichols (La chevauchée fantastique, La captive aux yeux clairs…) et la qualité de la distribution. Il est amusant de voir le beau Tyrone Power en héros malgré lui, qui doit non seulement affronter les bandits, mais aussi s’imposer face à une femme au caractère bien trempé, presque plus virile que lui (incarnée par la fougueuse Susan Hayward). Parmi les malfrats, Hugh Marlowe est ambigu à souhait et on reconnaît l’excellent et patibulaire Jack Elam dans un rôle de fripouille absolue où il excellait.
1 h 29 Et avec Dean Jagger, George Tobias, Jeff Corey…

 

Cette belle édition Blu-ray bénéficie d’une image en noir et blanc propre et lumineuse, dotée d’un joli grain. Un son très honorable est assuré par la piste DTS-HD Master Audio 2.0, plus harmonieuse en VOST. Côté suppléments, on est gâté. La présentation par Bertrand Tavernier (34 mn) est passionnante et suivie d’une intervention de 8 mn de Patrick Brion, d’un hommage à Susan Hayward (7 mn) et d’un focus sur Lone Pine, le lieu du tournage, situé en Californie et apprécié des réalisateurs de westerns pour ses montagnes neigeuses en arrière-plan. Enfin, chose assez rare pour un western, on a droit à un commentaire audio (en VOST et en français) du film par un historien du genre.

 

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« Indians don’t last in prison. They weren’t born for it like the whites. »

  

WILLIE BOY (Tell Them Willie Boy Is Here)

Abraham Polonsky
1969

En 1909, Willie Boy (Robert Blake), Indien de la tribu des Païutes, revient sur la terre de son enfance en Californie, devenue une réserve. Dans la ville avoisinante, il retrouve Lola (Katharine Ross) dont il a toujours été amoureux, au grand dam du père blanc de la jeune fille. Après avoir été surpris par ce dernier, Willie Boy le tue en état de légitime défense et prend la fuite avec Lola. Le shérif Cooper (Robert Redford) se lance à leur recherche, poussé par les autorités locales qui comptent bien faire du cas de Willie Boy un exemple, car la ville n’attend rien de moins que la visite du Président des Etats-Unis…

On doit cet étrange néo-western à Abraham Polonsky, cinéaste dont la carrière a été littéralement dévastée par le maccarthysme. Entre son premier film, l’excellent L’enfer de la corruption (Force Of Evil), paru en 1948, et Willie Boy, il a connu le purgatoire (Bertrand Tavernier préfère le terme « Frigidaire ») durant vingt ans, au cours desquels il a publié quelques livres et travaillé à la télévision sous des noms d’emprunt. C’est grâce à l’appui de Robert Redford, alors star montante (Butch Cassidy et le Kid paraît cette même année 1969) qu’il a l’opportunité de réaliser ce film adapté d’un livre (inspiré d’une histoire vraie) de Harry Lawton, journaliste, écrivain et grand défenseur de la cause indienne. Dès l’ouverture, on est frappé par la beauté de la photographie (Conrad L. Hall à l’œuvre) et par la musique de Dave Grusin qui va donner un rythme et un caractère presque hypnotique au film. Pas de lyrisme, pas d’idéalisation de l’Indien, pas de caractère épique dans cette chasse à l’homme réaliste et d’une sécheresse étonnante, au point que les intentions des uns et des autres ne sont jamais clairement définies. Face à la médecin progressiste et moderne campée par Susan Clark, le shérif Cooper et Willie Boy symbolisent à leur façon la mort du vieil Ouest, de ses mythes et traditions. Un constat qui éclate dans cette phrase lapidaire du shérif Cooper : « Dîtes leur que nous n’avons plus de souvenirs. » Trop audacieux, trop ambigu, ce film aujourd’hui encensé par la critique a déconcerté le public à sa sortie, et n’a hélas pas donné le nouveau souffle espéré à la carrière de son réalisateur.
1 h 38 Et avec Barry Sullivan, Robert Lipton, Charles McGraw, Ned Romero, Erik Holland…

 

L’édition Combo Blu-ray-DVD rend formidablement hommage à ce film méconnu. L’image, propre, vibrante et contrastée tient la route, même si quelques défauts sont notables en basse lumière. La piste DTS-HD Master Audio 2.0 délivre un mono d’origine très satisfaisant qui permet d’apprécier la partition de Dave Grusin. Les suppléments sont à la hauteur. Bertrand Tavernier, qui a bien connu Abraham Polonsky, analyse très finement le film. Comme dans l’édition de El Perdido, un documentaire (ici intitulé La solitude des bannis) réunit Jean-Claude Missiaen, Eddy Moine et les historiens du cinéma Jean-louis Leutrat et Suzanne Liandra-Guigues. On peut également découvrir un commentaire audio (en VO et VF) de Pat et Jim Healy (respectivement acteur-réalisateur et directeur de la Cinémathèque du Wisconsin).

 

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SUR LA PISTE DES CHEYENNES (The Quest)

Série créée par Tracy Keenan Wynn en 1976
Disponible chez Elephant Films depuis le 26 février 2020

À la fin du 19ème siècle, Quentin Beaudine (Tim Matheson), jeune étudiant en médecine de San Francisco, retrouve son frère Morgan (Kurt Russell), enlevé huit ans auparavant par les Cheyennes et libéré par l’armée. Tous deux se lancent à la recherche de leur jeune sœur Patricia, encore aux mains des Indiens…

C’est un téléfilm qui a lancé en 1976, sur la chaîne américaine NBC, la série Sur la piste des Cheyennes (The Quest), dont l’intrigue rappelle La prisonnière du désert. Ce pilote de quatre-vingt-dix minutes a été suivi de quinze épisodes (d’environ quarante-six minutes) diffusés la même année. Pas de chance, ils se sont trouvés en concurrence avec ceux de la série Drôles de dames, qui faisait un tabac sur la rivale ABC à la même heure. Ce mauvais timing explique en grande partie la désaffection du public pour ce show qui a également pâti du fait que le western n’avait plus autant la côte à cette période. La série a été arrêtée au terme de sa première saison, laissant les fans des frères Beaudine sur leur faim. Car des aficionados, il y en avait, même en France où Sur la piste des Cheyennes a débarqué un an plus tard. Les jeunes et séduisants Tim Matheson et Kurt Russell (impayable dans le rôle de Morgan « Deux personnes ») étaient attachants. La bienveillance et l’héroïsme qui caractérisaient leurs personnages imprégnaient chaque aventure où se mêlaient action, suspense et romance. Aux manettes et à l’écriture, il y avait d’ailleurs des vétérans de la télévision américaine. Leur savoir-faire est manifeste dans cette vision de l’Ouest sans manichéisme, parfois osée et souvent sauvage. Le fait qu’elle ait longtemps été invisible a rendu la série quasiment culte, notamment pour ceux qui l’ont vue à un jeune âge et qui ont été à jamais marqués par la coupe de cheveux et le costume à franges de Kurt Russell.
Guests : Richard Davalos, Susan Dey, Gary Lockwood, Woody Strode…

 

Le coffret DVD propose le pilote de 90 mn (The Quest) et les quinze épisodes, constituant l’intégrale de la série. A noter que le premier épisode, The Captive, avec Susan Dey, n’est proposé que dans sa version de 45 minutes alors qu’il existe également sous la forme d’un téléfilm de 80 mn. Pas de bonus au programme, hélas. Ne pas s’attendre à une image restaurée, mais nostalgie aidant, on se contentera de cette qualité honorable (éviter tout de même l’écran géant…) et de la présence de la version originale sous-titrée, qui n’existait pas à l’époque de la première diffusion française.

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