Back to the 80’s : Contre toute attente/The Boys Next Door

Les années 80 reviennent en force avec deux films oubliés, à (re)découvrir en Blu-ray ou DVD, master restaurés et suppléments à l’appui.

 

(Click on the planet above to switch language.) 

 

« Tu sais quand tu es arrivée sur moi avec ton couteau ? La seule trouille que j’ai eue sur le moment, c’est que tu te blesses. »

 

CONTRE TOUTE ATTENTE (Against All Odds)

Taylor Hackford
1984
En DVD et Combo DVD/Blu-ray chez Sidonis Calista depuis le 20 mai 2021

À cause de son épaule abîmée et de son âge, Terry Brogan (Jeff Bridges), l’ex-vedette de l’équipe de football américain The Outlaws, est licencié. Fauché, il accepte à contrecœur l’offre juteuse de son copain Jake Wise (James Woods), propriétaire d’un club prisé à Los Angeles et truand sur les bords. La mission : retrouver la petite amie de ce dernier, qui s’est enfuie après l’avoir agressé. Il se trouve que la jeune femme en question (Rachel Ward) est aussi la fille de la riche propriétaire des Outlaws (Jane Greer)…

J’ai vu Contre attente au cinéma, à sa sortie, en 1984. Je me souviens m’être dit que, par endroits, le film ressemblait à une publicité pour gel douche, en particulier dans sa partie mexicaine. Les personnages incarnés par Jeff Bridges et Rachel Ward (au top de leur « sexitude ») font de la plongée, s’embrassent sur le sable, font l’amour dans des temples mayas, courent sur la plage dans le soleil couchant et jouent les touristes dans des paysages de rêve. Impression accentuée par la chanson sirupeuse de Phil Collins (« Take A Look At Me Now ») qui clôt joliment le film. Elle fera un tube interplanétaire et restera dans les mémoires, a contrario du film. Pourtant, même si Contre toute attente souffre d’un manque de rythme et d’une mise en scène souvent paresseuse, le revoir aujourd’hui est un régal. Film noir « tourné en plein soleil » dixit son réalisateur, ce troisième long-métrage de Taylor Hackford (après The Idol Maker et Officier et gentleman) est très librement inspiré de La griffe du passé (Out Of The Past), chef-d’œuvre de Jacques Tourneur, avec Robert Mitchum, Jane Greer (elle campe ici la mère du personnage qu’elle incarnait dans l’original), Kirk Douglas et Rhonda Fleming. L’ex-détective reconverti pompiste interprété par Mitchum est devenu joueur de football et, à l’intrigue initiale, se mêlent corruption dans le monde du sport, projets immobiliers, politique et écologie. Le remake bénéficie lui aussi d’une formidable distribution. James Woods excelle dans ce rôle de bad boy intense et transi d’amour, finalement plus attachant que celui, plus convenu, campé par Jeff Bridges. On ne boude pas non plus le plaisir de voir Richard Widmark dans un rôle de crapule dont il avait le secret, ou King Creole and The Coconuts interpréter « My Male Curiosity » dans le club de Jake Wise (chanson écrite tout spécialement pour le film). Le Los Angeles clinquant de l’époque est magnifiquement rendu par la photo de Donald E. Thorin (qui signait la même année celle de cultissime Purple Rain). La course sur Sunset Boulevard entre la Ferrari noire de Jake Wise et la Porsche rouge de Terry Brogan en met toujours plein les mirettes, tout comme les scènes sur la plage de Manhattan Beach. Le plan final, sur le visage de Rachel Ward (qui fut l’héroïne de la célèbre série Les oiseaux se cachent pour mourir), tandis que résonne « Take A Look At Me Now », rend sacrément nostalgique.
2 h 08. Et avec Alex Karras, Dorian Harewood, Saul Rubinek, Swoosie Kurtz…

 

TEST ÉDITION BLU-RAY

Interactivité ****
Un programme de suppléments inespéré qui propose deux commentaires audio. Dans le premier, le réalisateur est en compagnie de Jeff Bridges et James Woods ; dans le second, la parole est donnée au scénariste Eric Hugues. On y découvre bon nombre d’anecdotes. Taylor Hackford révèle que de nombreux spectateurs sont retournés voir le film à plusieurs reprises pour la seule scène de la course de voitures. On y découvre aussi que Rachel Ward s’était mariée (avec le comédien Bryan Brown) la veille d’entamer ce tournage aux scènes d’amour torrides. Au programme également, un entretien d’époque avec James Woods. Il confie que son acteur préféré est Gary Cooper (selon lui « l’essence même de l’Amérique »), encense Bette Davis et a la dent dure lorsqu’il évoque Faye Dunaway (8 minutes). Le critique Gérard Delorme, dans sa présentation, met en exergue les similitudes du film avec Chinatown, et revient sur La griffe du passé. Le programme comprend également deux scènes coupées dont l’une, excellente, aurait pu survivre au montage final. Les clips des chansons de Phil Collins et Kid Creole and The Coconuts figurent aussi au menu.

Image ***
Format : 1.85
La restauration est magnifique (beau piqué, belle définition, grain argentique respecté…). Les couleurs sont vibrantes et les contrastes saisissants.

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en VOST
DTS-HD Master Audio 2.0 en français
Très convenable. On notera quelques beaux effets de spatialisation dans la version originale, où les passages musicaux sont particulièrement mis en valeur.

 

***********************************

« Well, if you know your place in the cosmos, the world is beautiful. Just think to yourself : the world is beautiful.
– Fuck the world !  »

 

THE BOYS NEXT DOOR

Penelope Spheeris
1985
En DVD et Blu-ray chez Carlotta depuis le 19 mai 2021

C’est l’heure de la remise des diplômes pour Roy Alston (Maxwell Caulfield) et Bo Richards (Charlie Sheen). Ces deux adolescents marginaux issus de la classe ouvrière d’une petite ville californienne n’ont cependant pas beaucoup de perspective d’avenir, hormis l’usine locale et l’armée. Considérés comme des losers par leurs camarades, ils en veulent au monde entier et notamment aux filles, qui ne les regardent pas, et à ceux qu’elles regardent. Après avoir parasité la fête de fin d’année, où ils n’étaient pas invités, les deux garçons décident de partir en virée à Los Angeles, pour s’éclater et évacuer leurs frustrations…

« Des méfaits du reaganisme adaptés à la bonne vieille série B » avait écrit Jean-Philippe Guerand dans sa courte critique parue dans le numéro d’octobre 1987 de Première. Le film avait fait une brève apparition le mois précédent sur les écrans d’ici sous le titre De sang froid — à ne pas confondre avec celui de la version française de In cold Blood, de Truman Capote. Pour sa publication en vidéo, Carlotta a eu la bonne idée de lui redonner son titre original, bien plus adapté. Introduit par un petit topo sur les tueurs en série, The Boys Next Door décrit de manière implacable la balade funeste de deux jeunes hommes à l’allure innocente, pris de folie meurtrière. Se sentant mis au ban de la société, ils vont tuer à multiples reprises avec une violence inouïe. Le plus forcené des deux, campé par Maxwell Caulfield, est particulièrement terrifiant. Pétri de haine, probablement en proie à une homosexualité refoulée, il entraîne son copain dans une spirale infernale sans l’ombre d’un remords : le meurtre de l’infortunée Angie — incarnée par Patti D’Arbanville, la Lady D’Arbanville de la célèbre chanson de Cat Stevens — est d’une rare brutalité (Le film a échappé de justesse à un classement X). Penelope Spheeris, future réalisatrice de Wayne’s World, qui sera cantonnée ensuite aux comédies, était alors une documentariste spécialisée dans le rock underground (elle a été surnommée « l’anthropologue du rock »). Cette observatrice de la nature humaine s’était fait remarquer en 1981 en signant le documentaire The Decline Of Western Civilization, une immersion dans la scène punk de Los Angeles. C’était aussi le sujet de son premier long-métrage de fiction, Suburbia, produit par Roger Corman, paru deux ans plus tard. Interdit aux moins de seize ans à sa sortie, The Boys Next Door profite indéniablement de sa connaissance de la vie nocturne et des mœurs de la Cité des Anges. Les plans dans les quartiers chauds sont d’une authenticité remarquable. Ils donnent à cette série B âpre et violente un réalisme saisissant et en font une œuvre à fois emblématique d’une époque, et universelle.
1 h 31 Et avec Christopher McDonald, Lesa Lee, Grant Heslov, Don Draper, Hank Garrett, Paul C. Dancer, Moon Unit Zappa, Blackie Dammett…

 

TEST ÉDITION BLU-RAY

 

Interactivité ***
L’édition de la Midnight Collection de Carlotta reprend des suppléments du Blu-ray américain de 2019. Penelope Spheeris et Maxwell Caulfield se remémorent le tournage le temps d’un entretien très sympathique (21 minutes) réalisé en 2015. La réalisatrice confie avoir concédé au producteur Sandy Howard l’introduction sur les tueurs en série, qui tenait à cœur à ce dernier (le générique alternatif figure également au menu). Elle se souvient aussi en riant de la réaction de Martin Sheen à la première du film, qui a quitté la salle dès le début, effaré par tant de violence. Maxwell Caulfield évoque sans langue de bois sa participation à Grease 2 (paru trois ans avant The Boys Next Door), le film qui devait lancer sa carrière et qui, dans le même temps, l’a anéantie.  Un reportage amusant permet de visiter les lieux du tournage à Los Angeles (14 minutes). Des scènes alternatives et la bande-annonce complètent le programme.

Image **
Format : 1.85
Restauré en 4K à partir du négatif original, le film propose une image propre et soignée, mais un peu douce. La précision n’est pas toujours de mise, mais on peut estimer qu’il s’agit de la meilleure version de l’œuvre à ce jour.

Son **
DTS-HD Master Audio 1.0 en VO et français
Sous-titres français optionnels
On aurait apprécié une piste plus dynamique, mais l’ensemble reste clair et équilibré.

ARMY OF THE DEAD

Dix-sept ans après L’armée des morts, le remake bien ficelé du Zombie de Romero, Zack Snyder revient taquiner les morts-vivants sur Netflix. Artillerie lourde et grosse déception. (Pas de spoiler dans cette critique)

 

(Click on the planet above to switch language.) 

 

«You all keep talking about the city like it’s their prison. It’s not. It’s their kingdom.» Lilly — The Coyote (Nora Arnezeder)

 

ARMY OF THE DEAD

Zack Snyder
2021
Sur Netflix depuis le 21 mai

Alors qu’il transporte une mystérieuse créature, le camion d’un convoi militaire venant de la Zone 51 percute une voiture folle. Le prisonnier, un zombie super développé, s’échappe, semant la mort et contaminant tout le monde sur son passage. En quelques jours, Las Vegas est prise d’assaut. L’armée réussit à contenir l’épidémie en confinant la ville, qui devient une prison à ciel ouvert pour zombies. Un homme d’affaires (Hiroyuki Sanada) a alors la riche idée de proposer à un mercenaire (Dave Bautista) de monter une équipe de choc pour aller récupérer deux cents millions de dollars qui dorment dans le coffre-fort du plus grand casino de Las Vegas. La mission est d’autant plus suicidaire qu’une frappe nucléaire censée éradiquer les morts-vivants doit avoir lieu dans trente-deux heures…

Il était une fois Zack Snyder, jeune réalisateur talentueux, respecté par les amateurs de films de genre. Repéré en 2004 avec son premier long-métrage, L’armée des morts (en dépit du titre, il est sans rapport avec celui-ci), il s’est imposé ensuite grâce aux remarquables 300, Watchmen ou Sucker Punch, des films qui ne manquaient pas d’ambition. Et puis, ça s’est gâté. Il s’acoquine à nouveau avec DC Entertainment pour réaliser Man Of Steel, puis le catastrophique Batman V Superman et Justice League. On pouvait espérer qu’en revenant, pour Netflix, sur les terres de la série B horrifique, il retrouverait sa virtuosité d’antan. Que nenni. Army Of The Dead, production à gros budget dont il a également cosigné le scénario (écrit avec les pieds), se révèle un grand fourre-tout, un divertissement qui se veut fun et se fiche totalement de la vraisemblance. Sur une idée de départ piquée à New York 1997, de John Carpenter, le film, sans la poésie du maître, multiplie les poncifs du genre lorsqu’il est vulgairement traité, et les clins d’œil (The Walking Dead, Top Gun, Land Of The Dead, Alien, Ghosts Of Mars et toute la filmographie du réalisateur…). Dans ces ambiances visuelles clippesques façon Michael Bay (mais sans la direction photographique…), on trouvera néanmoins des tableaux bien composés, notamment durant ce générique halluciné sur l’air de « Viva Las Vegas », où le mauvais goût le dispute à l’ironie jubilatoire. Certes, la mise en scène de Snyder est efficace, les scènes horrifiques et d’action en jettent, mais il court trop de lièvres à la fois : gore, science-fiction, braquage, humour, mélodrame cucul… La bande-son elle-même, composée par Junkie XL et truffée de classiques pop-rock, semble jouer la surenchère (Elvis Presley, John Fogerty, Culture Club, The Cranberries, The Doors…). Dommage que les personnages soient si caricaturaux (et décérébrés pour la plupart, comme l’horripilante fille du héros campée par Ella Purnell) et leurs agissements si ineptes. Comme si ça ne suffisait pas, Snyder et ses complices ont disséminé des indices (easter eggs) façon Christopher Nolan dans Tenet pour nous faire croire que « tout ce qu’on vient de voir est bien plus que ça en a l’air ». LOL. Nous qui nous serions juste contenté d’un bon petit survival dans un Las Vegas infesté de zombies…
2 h 28 (oui, en plus c’est long…) Et avec Omari Hardwick, Ana de la Reguera, Theo Rossi, Matthias Schweighöfer, Nora Arnezeder, Garrett Dillahunt, Tig Notaro, Raúl Castillo…

À noter que Army Of The Dead, d’ores et déjà considéré comme un des plus gros succès de Netflix, est voué à devenir une franchise ; une suite et deux prequels sont déjà dans les tuyaux.

 

MANDIBULES

Après les remarquables Au poste ! et Le daim, Quentin Dupieux, alias Mr. Oizo, revient avec un autre de ses délires : une comédie loufoque et potache sur les tribulations de deux ahuris de première qui ont trouvé une mouche géante dans le coffre de leur voiture. Moins barré que le précédent, mais très drôle !

(Click on the planet above to switch language.) 

 

« Ce sont deux types qui se disent : “Dans la vie, rien n’est vraiment très grave” » Grégoire Ludig

 

MANDIBULES

Quentin Dupieux
2020
En salles depuis le 19 mai 2021

Désœuvré et sans domicile fixe, Manu (Grégoire Ludig) accepte la mission très bien rémunérée proposée par un ami : récupérer une valise et la livrer à un dénommé Michel Michel. Rien de compliqué. Après avoir volé (très facilement) une vieille Mercedes, il embarque son copain d’enfance Jean-Gab (David Marsais) dans l’aventure. Mais alors qu’ils sont en chemin, de drôles de bruits provenant du coffre se font entendre. Les deux nigauds y découvrent une mouche géante. Une idée brillante s’impose à eux : l’apprivoiser puis la dresser pour qu’elle réalise des braquages, ce qui leur assurerait une existence prospère et sans effort…

Les fous, les simples d’esprit et les imbéciles heureux sont des personnages inspirants pour Quentin Dupieux. Force est de constater que les zozos de Mandibules en tiennent une sacrée couche. Le réalisateur a écrit les rôles pour Grégoire Ludig et David Marsais, les deux complices du Palmashow, créateurs de Very Bad Blagues, auteurs de sketches désopilants et de chansons parodiques (« Ça m’vénère », « Rappeurs sensibles », « Trop de nanana » sont des classiques). Les deux humoristes incarnent idéalement ces losers à côté de la plaque, fainéants et irresponsables. Leur manière de tout aborder au premier degré donne le ton à ce road-movie surréaliste dans lequel s’enchaînent les situations abracadabrantesques. Exit la noirceur de Rubber ou du Daim, dans lequel le dingue campé par Jean Dujardin finissait par devenir un épouvantable tueur en série. Quentin Dupieux présente Mandibules comme « une comédie sincère sur l’amitié, un croisement improbable entre E.T. et Dumb and Dumber. » Moins que la mouche, à l’allure artisanale et plutôt mignonne, c’est le personnage volontairement pénible incarné par Adèle Exarchopoulos — elle hurle au lieu de parler suite à un accident de ski — qui suscite le malaise dans ce film solaire et plus léger que prévu. Paradoxalement, cette fille désagréable et violente impressionne beaucoup plus le tandem d’ahuris — et donc le spectateur — que l’animal bizarre. Certes moins puissant et ambitieux que Le daim, Mandibules est aussi plus sympathique. Il y a quelque chose d’attachant dans ce petit délire (d’une heure et dix-sept minutes seulement), habillé façon François de Roubaix (avec un zeste de Vladimir Cosma) par la bande originale signée Metronomy, truffé de quiproquos et de trouvailles, avec des acteurs totalement en phase. La rencontre entre Manu et Cécile (formidable India Hair) qui croit reconnaître un ex-copain de classe en lui, vaut son pesant de cacahuètes.
1 h 17 Et avec Roméo Elvis, Coralie Russier, Bruno Lochet, Philippe Dusseau, Dave Chapman, Marius Colucci…