HOLLYWOOD MASTER CLASS

Quatre chefs-d’œuvre de l’âge d’or d’Hollywood viennent de paraître en Combo Blu-ray+DVD (et DVD Collector) chez Elephant Films, dans la collection Cinema Master Class, en version restaurée et assortis de suppléments exclusifs. Quatre comédies sophistiquées pour rire ou pleurer, signés par les plus grands cinéastes de leur temps.

 

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« Votre mère ne vous a jamais dit qu’il y avait des choses correctes et d’autres pas ?
– Non, elle parle beaucoup pour ne rien dire. »

 

MY MAN GODFREY (Godfrey)

Gregory La Cava
1936

Deux mondaines, Irene (Carole Lombard) et sa sœur Cornelia (Gail Patrick), participent à une course au trésor un peu spéciale organisée par la haute société new-yorkaise. Il s’agit de dénicher un objet dont personne ne veut. Irene jette son dévolu sur un clochard, Godfrey (William Powell), qui vient d’envoyer sa sœur sur les roses. Elle le trouve si sympathique qu’elle convainc même sa mère de l’engager comme majordome dans leur très chic maison de Park Avenue. Contre toute attente, Godfrey va se révéler extrêmement efficace et ses bonnes manières surprendre toute la maisonnée. Et pour cause, car il n’est pas vraiment celui qu’il prétend être…

Ce n’est pas la première screwball comedy de l’histoire. Cet honneur revient au New York-Miami de Capra et Train de luxe de Hawks, parus en 1934, soit deux ans plus tôt. Mais My Man Godfrey peut s’enorgueillir d’avoir popularisé le terme. C’est en effet lors de la sortie du film de Gregory La Cava qu’est apparue pour la première fois dans la presse l’expression « screwball comedy ». Ce sous-genre de la comédie romantique traite moins de romance que d’affrontement entre les sexes et de leur rapprochement. Pour contourner la censure, les scénaristes et dialoguistes rivalisaient d’imagination. Ils avaient le chic de glisser dans le bavardage des sous-entendus parfois aussi osés que des scènes de sexe. Il fallait également faire oublier au public la morosité ambiante en cette période de Grande Dépression. Pour cela, rien de mieux qu’aborder la différence des classes : ridiculiser les riches, tout en montrant le faste de leur train de vie. C’est ce qui fait précisément le sel de My Man Godfrey, salué par six nominations aux Oscars en 1937, histoire d’imposture prétexte à un festival de situations loufoques, de dialogues absurdes et désopilants. La famille Bullock réunit toutes les figures typiques du genre : une enfant gâtée insupportable mais attachante, une sœur aussi belle que perfide, une mère totalement écervelée, un père dépassé par la situation, qui s’étonne à peine de découvrir un cheval dans le salon un lendemain de fête arrosée. La mise en scène est brillamment assurée, et avec un rythme effréné, par Gregory La Cava, cinéaste venu du dessin animé qui s’est imposé dans les années 30 comme l’un des maîtres de la comédie loufoque. On lui doit Fifth Avenue Girl, avec Ginger Rodgers, She Married Her Boss avec Claudette Colbert ou Pension d’artistes (Stage Door) avec Katharine Hepburn. Ici, c’est la ravissante Carole Lombard qui fait montre de ses talents comiques. L’actrice est en totale alchimie avec William Powell, son ex-époux dans la vie. Ce dernier, à l’époque héros de la série des Thin Man (L’introuvable) aux côtés de Myrna Loy, campe à merveille ce Godfrey ambigu et placide qui ne se dépare pas de son calme, même dans les situations les plus délirantes, telle celle qui clôt le film, et qui n’est pas la moins surprenante.
1 h 34 Et avec Gail Patrick, Alice Brady, Eugene Pallette, Alan Mowbray, Mischa Auer, Jean Dixon…

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il est accompagné d’une présentation intéressante du critique et professeur d’histoire de cinéma Nachiketas Wignesan et d’un bêtisier (plutôt rare pour un film de cette époque). La bande-annonce d’origine et d’autres de la collection sont également au menu de ce combo Blu-ray+DVD.

 

 

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« J’ai oublié de vous dire… Vous partez pour l’Amérique…
– L’Amérique ? Le pays de l’esclavage ?
– Oh, plus maintenant, un certain Pocahontas y a mis fin… »

 

L’EXTRAVAGANT MISTER RUGGLES (Ruggles Of Red Gap)

Leo McCarey
1935

En 1908, Marmaduke Ruggles (Charles Laughton) est le valet exemplaire du comte Earl Of Burnstead (Roland Young), qui séjourne à Paris. Un matin, il apprend de la bouche de son aristocrate de maître qu’il a été l’enjeu d’une partie de cartes disputée la veille avec un millionnaire américain. Le comte ayant perdu, l’infortuné Ruggles doit donc rejoindre Mr et Mrs Floud (Charles Ruggles et Mary Borland) et partir avec eux pour le Far West. Un véritable choc pour ce majordome à la rigueur très britannique, car au grand dam de Madame, qui aimerait avoir ses entrées dans la haute-société, Monsieur a des manières de cow-boy dont il n’a aucune intention de se défaire. Au début épouvanté, Ruggles va découvrir que le Nouveau Monde a des avantages insoupçonnés…

L’extravagant Mr Ruggles, nommé pour l’Oscar du Meilleur film en 1936, est à juste titre considéré comme le premier chef-d’œuvre de Leo McCarey. Cet ancien assistant de Tod Browning devenu spécialiste de films burlesques pour le producteur Hal Roach, a supervisé bon nombre d’épisodes de Laurel et Hardy et mis en scène les Marx Brothers dans La soupe aux canards. Sa carrière de réalisateur débute véritablement dans les années 30 lorsqu’il se met au service des stars de l’époque (Gloria Swanson, Mae West, Jeanette MacDonald…) avant d’imposer sa griffe dans des films plus personnels, comme ce Ruggles Of Red Gap adapté d’un roman de Harry Leon Wilson déjà porté deux fois à l’écran au cours des décennies précédentes. Comédie sur le choc des cultures, cette farce est irrésistible grâce à l’interprétation enlevée des acteurs. Charles Laughton, en valet pince-sans-rire et plus snob que ses patrons, est hilarant, même s’il a parfois tendance à cabotiner. Il émane de cette aventure réellement « extravagante » une joie de vivre, une humanité et une bienveillance manifestes. Au contact des habitants attachants de ce qu’il pensait être un « pays de barbares », le majordome défenseur de la Vieille Angleterre va découvrir les vertus de la démocratie et de l’égalité des classes. Ruggles ira même jusqu’à réciter le discours de Lincoln devant les habitués du saloon de Red Gap, totalement médusés. Capra n’aurait pas fait mieux !
1 h 30 et avec Leila Hyams, Zazu Pitts, Maude Eburne, Leota Lorraine, Lucien Littlefield…

 

 

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il est accompagné d’une présentation très instructive de 28 minutes par le critique Olivier Père, directeur d’Arte France Cinéma. Des bandes-annonces complètent le programme.

 

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« Un petit conseil jeune dame : ne soyez pas trop maligne, ne pensez pas tout savoir. Prenez les choses comme elles viennent ! »

 

LA VIE FACILE (Easy Living)

Mitchell Leisen
1937

B. Ball (Edward Arnold), riche banquier new-yorkais, est las des dépenses inconsidérées de son épouse qui « collectionne » les manteaux de fourrure. Sur un coup de tête, il décide de jeter le dernier en date du balcon de leur appartement sur la 6ème Avenue. La fourrure de zibeline échoue sur la tête (ou plutôt le chapeau) d’une modeste dactylo (Jean Arthur). La vie de la jeune femme va en être changée…

Pur joyau de screwball comedy, Easy Living est l’œuvre d’un tandem de haut vol : Mitchell Leisen (à la réalisation) et Preston Sturges (au scénario). Le premier a fait ses classes comme costumier chez Cecil B. DeMille et collaboré ensuite avec des pointures comme Allan Dwan ou Raoul Walsh (il a signé les costumes de Robin des bois et du Voleur de Bagdad, avec Douglas Fairbanks). Avec le temps, il s’est spécialisé dans la mise en scène de comédies loufoques et sophistiquées, s’alliant avec des scénaristes de talent, comme Billy Wilder ou ici, Preston Sturges. Ce dernier, qui réalisera quatre ans plus tard le fameux Les voyages de Sullivan et deviendra l’un des maîtres de la screwball comedy (Madame et ses flirts, Infidèlement vôtre…) a le génie du burlesque. Il y a chez lui un mélange de cynisme, d’agressivité et de comique qui n’est pas sans similitudes avec l’humour de Tex Avery. Issu de la grande bourgeoisie, Sturges n’a pas son pareil pour la tourner en ridicule. Dans Easy Living, librement inspiré d’un récit de Vera Caspary (Laura, Chaînes conjugales…), c’est un manteau de fourrure tombé du ciel qui sera la source de quiproquos et d’ennuis pour la jeune Mary Smith, entraînée dans des situations plus absurdes les unes que les autres. À l’image de la séquence du self-service en plein chaos, cette peinture d’une Amérique encore sous le coup de la Grande Dépression est un joyeux bazar, irrésistiblement drôle. L’immense star Jean Arthur, belle et futée, illumine cette comédie aux côtés de Edward Arnold (les deux acteurs sont à la même époque des comédiens fétiches de Capra) et du jeune Ray Milland, parfait dans le rôle du fils à papa en pleine rébellion. Comme la distribution, les dialogues sont aux petits oignons :

« Ai-je dit qu’il était mort ?
– Eh bien vous avez dit : “Pauvre vieux papa”…
– Pas besoin d’être mort pour ça. Même pas d’être pauvre.
– Ni d’être vieux non plus… »
1h 28 Et avec Luis Alberni, Mary Nash, Franklin Pangborn…

 

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il profite d’une présentation riche en anecdotes du sémillant Jean-Pierre Dionnet (13 minutes), à côté de laquelle l’introduction par l’historien américain Robert Osborne, animateur de la chaîne Turner Classic Movies fait pâle figure (2 minutes). Des bandes-annonces complètent le programme.

 

 

 

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« Pourquoi ne pas voir les choses en face Grand-mère ?
– À dix-sept ans, le monde est beau. Voir les choses en face est aussi agréable que sortir ou aller danser. Mais à soixante-dix ans, on n’aime plus danser. On ne pense plus à sortir. Le seul plaisir qui te reste, c’est de faire semblant de ne pas avoir de problèmes. Alors si ça ne te fait rien, je vais continuer à faire semblant. »

 

 

PLACE AUX JEUNES (Make Way For Tomorrow)

Leo McCarey
1937

Lors d’un déjeuner en famille, Bark (Victor Moore) et Lucy Cooper (Beulah Bondi), mariés depuis cinquante ans, annoncent à leurs enfants adultes que leur maison va être saisie par la banque. À la retraite depuis quelques années, totalement désargenté, Bark n’a pas pu honorer les traites. Le hic, c’est qu’aucun des cinq enfants n’est dans une situation financière mirobolante, et aucun ne peut accueillir les deux parents ensemble…

Paru pour la première fois en France sous le titre Le crépuscule de la vie, et rebaptisé Place aux jeunes par le critique Pierre Rissient dans les années 60, Make Way For Tomorrow a une place à part dans la filmographie de Leo McCarey. Plus connu pour ses comédies, le génial réalisateur de Cette sacrée vérité, La route semée d’étoiles ou Elle et lui, détenteur de trois Oscars, a eu l’audace de s’attaquer de front à un sujet pour le moins tabou au cinéma : la vieillesse — thème qui inspirera à Yasujirō Ozu en 1953 un chef-d’œuvre : Voyage à Tokyo. Cette lente agonie d’un vieux couple dans l’obligation de se séparer pour des raisons financières, est filmée d’une manière aussi juste que cruelle. Dans cette Amérique de 1937, touchée par la crise économique, le cas des époux Cooper n’est pas isolé et le film est d’ailleurs librement adapté de Years Are So Long, roman écrit quatre ans plus tôt par la journaliste Josephine Lawrence qui a relaté dans plusieurs de ses ouvrages les effets de la Grande Dépression sur la population. Ici, McCarey et sa scénariste Viña Delmar ont l’intelligence de ne pas grossir le trait. S’ils sont égoïstes, les enfants ne sont pas des monstres. Et à cause de leur caractère, Lucy et Bark qui se retrouvent l’un chez un fils, l’autre une fille, ne sont pas non plus « faciles » à héberger. La présence de Lucy chez George et son épouse conciliante (formidables Thomas Mitchell et Fay Bainter) amène des complications inévitables dans la vie familiale. Par petites touches, parfois non dénuées d’humour, le réalisateur restitue le malaise créé par certaines situations, embarrassantes pour tout le monde, spectateur y compris. Même la parenthèse enchantée offerte aux protagonistes a quelque chose de déchirant, d’autant qu’elle annonce un épilogue implacable. On s’en doute, paru en plein essor de la comédie burlesque, ce « vilain petit canard » fut un échec à sa sortie, obtenant même un statut de film maudit avant d’être réhabilité par les cinéphiles. C’était pourtant le préféré de Leo McCarey, et l’un des favoris de beaucoup de ses pairs, Frank Capra en tête. Quatre-vingt-cinq ans après sa création, ce film sur la condition humaine n’a rien perdu de sa pertinence et donne toujours à réfléchir.
1h 31 Et avec Barbara Read, Elisabeth Risdon, Ray Mayer, Louise Beavers…

 

 

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il est accompagné d’un entretien instructif de 27 minutes avec Olivier Père, grand admirateur de l’œuvre de Leo McCarey. On y apprend que Beulah Bondi, l’interprète de Lucy Cooper, avait en fait quarante-huit ans, quasiment le même âge que Thomas Mitchell, qui incarne son fils. Des bandes-annonces complètent le programme.

 

 

 

Les amoureux de Screwball Comedy peuvent aussi se tourner vers cet excellent coffret DVD paru aux éditions Montparnasse en 2019, incluant La dame du vendredi, My Man Godfrey, La joyeuse suicidée, et deux documentaires, l’un sur la Screwball, l’autre sur Billy Wilder.

 

 

 

BONS BAISERS DE HONG KONG My Heart Is That Eternal Rose/Man On The Brink

Disponibles depuis cet été chez Spectrum Films, éditeur indépendant français spécialiste de cinéma asiatique, ces deux perles made in Hong Kong sont à re(découvrir) d’urgence. Les films, d’excellente facture, sont accompagnés de suppléments tout bonnement remarquables.

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« Dans un monde où tout peut arriver sans qu’on s’y attende, on ne peut s’accrocher qu’à ses propres croyances. » Patrick Tam

  

MY HEART IS THAT ETERNAL ROSE (Sha Shou Hue Die Meng)

Patrick Tam
1989

Oncle Cheung (Hoi-San Kwan), ancien membre d’une triade aujourd’hui rangé des voitures, tient un bar prospère au bord de la mer, dans lequel sa ravissante fille, Lap (Joey Wang), est serveuse. Un jour, un caïd de son passé vient lui demander un service qu’il ne peut refuser : s’assurer de faire rentrer clandestinement son fils sur le territoire. Oncle Cheung accepte à contrecœur et demande à Rick (Kenny Bee), le petit ami de Lap, de lui servir de chauffeur. Les choses vont mal tourner…

Comme le précise Arnaud Lanuque, spécialiste de cinéma de Hong Kong, dans l’interview qui complète cette édition, la traduction du titre original serait plutôt Le rêve papillon du tueur. Dans tous les cas, il annonce la couleur : celle d’un romantisme exacerbé. Ce beau film, un peu oublié par les amateurs du genre, est paru en 1989, en plein âge d’or du cinéma de Hong Kong. C’est l’année de The Killer, chef-d’œuvre de John Woo, réalisateur qui a marqué de son empreinte l’ « heroic bloodshed » (« carnage héroïque »), un genre à jamais associé au cinéma de l’ex-colonie britannique. Avec ses séquences sanglantes et scènes de bravoure, My Heart Is That Eternal Rose s’inscrit dans cette lignée, même si le polar aux accents mélodramatiques de Patrick Tam tient davantage de la romance criminelle. Le cinéaste est de la même école que Wong Kar-Wai, dont le magnifique As Tears Go By était paru l’année précédente et dont Tam a porté à l’écran, en 1987, un des premiers scénarios (Final Victory). On relève d’autres points communs avec l’univers du fameux réalisateur de In The Mood For Love. Le directeur photo ici n’est autre que l’Australien Christopher Doyle, chef-opérateur attitré du cinéaste. Figure également dans la distribution l’un de ses acteurs fétiches : Tony Leung Chui-Wai. Celui-ci campe avec brio le jeune Cheung, un des hommes de main de Shen (Michael Chan Wai-Man), l’infâme chef de gang qui exploite la jolie Lap. Touché par le destin cruel de la jeune femme et secrètement amoureux d’elle, le sensible et chevaleresque Cheung va mettre sa vie en péril pour la sauver. La prestation de Tony Leung n’est pas le seul atout de ce film intense et poétique, hanté par la chanson sirupeuse et envoûtante que Lap interprète dans le club de Shen lors d’une sublime séquence. Il est peu de dire que la star taïwanaise Joey Wang, révélée par le fameux Histoires de fantômes chinois de Tsui Hark, illumine cette histoire d’amour contrariée et impossible, empreinte de mélancolie sur la fatalité et le temps perdu. Une merveille ;
1 h 30 Et avec Gordon Liu Chia-Hui, Chi-Ping Chang, Tat-Ming Cheung…

BANDE-ANNONCE

 

TEST EDITION BLU-RAY

Interactivité ****
Le combo Blu-ray-DVD (superbe visuel) enrichit le film d’excellents suppléments. Une interview d’Arnaud Lanuque (15 minutes) éclaire sur la personnalité de Patrick Tam, ancien critique qui a fait ses classes à la télévision, avant de devenir réalisateur. Cinéaste éclectique et intellectuel, connaisseur des arts et de la philosophie occidentale, Tam n’a hélas pas trouvé sa place dans un cinéma de Hong Kong devenu très commercial. S’il revient épisodiquement derrière la caméra, il est surtout devenu un éminent professeur de cinéma. Un documentaire de 50 minutes, In The Mood For Doyle, réalisé par Yves Montmayeur en 2006, est consacré au chef opérateur Christopher Doyle, Australien qui a choisi de vivre à Hong Kong. On peut y entendre, entre autres, Gus Van Sant et Olivier Assayas. Sur le Blu-ray uniquement, on profite d’une interview pleine de sagesse de Patrick Tam par Arnaud Lanuque (30 minutes) puis du producteur John Shum (12 minutes). On ne négligera pas non plus la pertinente analyse du film par l’essayiste Alex Rallo (29 minutes).

Image ***
Format : 1.77
Une copie très propre, vaporeuse parfois, mais le plus souvent magnifiquement contrastée, qui met en valeur la photo aux couleurs symboliques de Christopher Doyle (cascades de bleus, de rouges, de violets…).

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en cantonais sous-titré français
Une fois n’est pas coutume, c’est la version mono, plus dynamique, qui s’en sort le mieux. La version 5.1, aux effets essentiellement frontaux, est bien trop timide.

 

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« À bien des égards, le policier infiltré est le sous-genre du polar le plus emblématique de Hong Kong, et le plus symbolique de la confusion identitaire de ses citoyens. » Arnaud Lanuque

 

 

MAN ON THE BRINK (Bin Yuen Yan)

Alex Cheung
1981

Jeune agent de la police de Hong Kong nouvellement promu, Ho Wing-Chiu (Eddie Chan) est intègre et animé d’intentions louables. Un jour, son supérieur (Lun Chia) lui propose de prendre du galon s’il accepte d’infiltrer un gang de triades. Il ne doit révéler sa nouvelle identité à personne, pas même à sa petite amie. Au début, Ho prend la mission comme un jeu. Mais passer d’un monde à l’autre va devenir de plus en plus difficile…

Man On The Brink est le deuxième long-métrage d’Alex Cheung, dont le premier film, Cops And Robbers (Dian Zhi Bing Bing), sur les écrans en 1979, avait fait figure de petite révolution dans l’univers du polar hongkongais. Réalisateur issu de la télévision, Cheung prise le réalisme, la caméra à l’épaule et le tournage en extérieur, dans les rues grouillantes de préférence. Son sens du rythme, les prises de vues subjectives et la représentation de la violence (on s’intéresse aux conséquences plus qu’à la glorification de celle-ci) font également merveille dans ce Man On The Brink tourné deux ans plus tard. Inspiré des confidences d’un ex-policier qui avait travaillé sous couverture, le film narre la descente aux enfers d’un jeune flic intègre qui va peu à peu perdre son identité et ses repères. Eddie Chan, étoile montante à l’époque, incarne admirablement ce jeune homme de bonne volonté dont la vie bascule irrémédiablement dans le chaos. La crise existentielle de Ho est au cœur de ce polar sombre, implacable, viscéral et d’une grande honnêteté, qui ne cherche pas à rendre les scènes d’action héroïques ou spectaculaires. Men On The Brink met également en lumière la corruption qui gangrène la police locale et les rapports tendus entre celle-ci et la police coloniale, la première tolérant mal d’être dirigée par la seconde. Ce double jeu constant reflète les paradoxes de Hong Kong, écartelée entre traditions locales séculaires et valeurs occidentales. Applaudi par la critique à sa sortie, le polar d’Alex Chung est, selon les observateurs, à l’origine d’un sous-genre, celui du policier infiltré, qui offrira au cinéma de Hong Kong ses plus beaux coups d’éclat : City On Fire, de Ringo Lam (1987), À toute épreuve, de John Woo (1992) ou Infernal Affairs d’Andy Lau et Alan Mak (2002). La scène finale est mémorable.
1 h 40 Et avec Oi-Tsu Fung, Hing-Yin Kam, Ling Wei Chen, Ka Wai Cheung…

BANDE-ANNONCE

 

TEST EDITION BLU-RAY

Interactivité ****
Comme dans l’édition de My Heart Is That Eternal Rose, on profite ici d’un travail éditorial soigneux : présentation d’Arnaud Lanuque (8 minutes) et analyse par Alex Rallo (20 minutes). Le Blu-ray enrichit le programme d’une autre salve de suppléments, à commencer par une longue interview du réalisateur (72 minutes), qui insiste sur le fait que le job de flic infiltré était quasiment inconnu du public dans les années 70 (et que lui-même n’en avait jamais entendu parler !). Une sympathique table ronde consacrée au film, enregistrée à Hong Kong en 2019, permet de découvrir toute l’équipe (75 minutes). On peut également avoir un aperçu du tournage grâce à des images capturées en 8 mm : on y voit le cinéaste, caméra à l’épaule, courir derrière ses acteurs, et les diriger pour le combat de rue (14 minutes). Enfin l’équipe du Podcast Steroid — Exégèse des Gros Bras revient sur le film dans un numéro spécialement enregistré pour cette édition. La bande-annonce figure également au menu.

Image ***
Format : 1.77
Une copie soignée, sans défaut majeur. Les couleurs sont naturelles et les contrastes probants, même dans les séquences nocturnes.

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en cantonais sous-titré français
On relève un bon dynamisme de la piste 5.1, même si elle reste principalement frontale. La piste mono, plus conservatrice, est tout à fait honorable.

La boutique SPECTRUM FILMS

LES CLASSIQUES DE L’ÉTÉ en Blu-ray : Alamo/Marché de brutes

                                            « Je ne savais pas que la nuit pouvait être si noire. » Jim Bowie (Richard Widmark)

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ALAMO (The Alamo)

John Wayne
1960
Éditions Blu-ray et DVD parues chez ESC Distribution en juillet 2021

 

En 1836, le Texas, alors gouverné par le Mexique mais peuplé par une majorité d’Américains, refuse la dictature du général Santa Anna et réclame son indépendance. Ce dernier, à la tête d’une armée de sept mille soldats aguerris, a bien l’intention de mettre ces révoltés au pas. Pour se préparer à le contrer, le commandant Houston (Richard Boone) charge le colonel Travis (Laurence Harvey) de retarder l’avance de l’armée mexicaine dans la petite mission fortifiée d’Alamo, près de la frontière. La poignée de soldats de Travis est rejointe par les volontaires menés par le légendaire Davy Crockett (John Wayne) et la petite bande de fidèles du non moins célèbre Jim Bowie (Richard Widmark). Au total, 187 hommes pour en arrêter des milliers…

 

Réaliser Alamo était un rêve que John Wayne caressait depuis vingt ans. L’immense notoriété de l’acteur ne lui a pas pour autant permis de convaincre un studio, et c’est en indépendant qu’il s’est finalement attelé à ce projet, se chargeant de la production, de la mise en scène et endossant, en prime, le costume à franges de Davy Crockett. Le tournage, à Bracketville au Texas, fut mémorable, et le budget, colossal (John Wayne mit de longues années à s’en remettre). Il ne fallait pas lésiner sur les moyens pour rendre hommage aux héros d’Alamo  : construction du fort à l’identique ainsi qu’une partie du village, figurants par milliers, pléthore de cascadeurs, mille cinq cents chevaux, quatre cents vaches… John Wayne, qui avait tout appris de John Ford, s’est entouré d’une équipe de chevronnés dont le directeur photo William H. Clothier (Les Cheyennes, L’homme qui tua Liberty Valance…) ou le compositeur Dimitri Tiomkin — le fameux thème nostalgique The Green Leaves Of Summer accentue la puissance émotionnelle du film. Car par ses scènes d’action spectaculaires, bagarres viriles suivies de beuveries et séquences intimistes, Alamo célèbre le courage, l’esprit de sacrifice, d’indépendance, le sens de l’honneur et de l’amitié : toutes les valeurs chères au Duke et à l’Amérique. Sans manichéisme cependant, le film regorge d’humanisme et glorifie la hardiesse des combattants mexicains. Certes, tout ça manque parfois de subtilité et prend des libertés avec la vérité historique, mais on se délecte des joutes verbales entre Travis et Jim Bowie (ou entre Travis et Davy Crockett), et de l’humour bon enfant émanant des seconds rôles, certains étant des figures du western. Au grand dam de son réalisateur, cette fresque épique dont la mise en scène emprunte au classicisme de Ford, ne sera saluée que par un seul Oscar (sur sept nominations) pour le son (la campagne des Oscars, plutôt maladroite, avait joué contre le film). Aujourd’hui réhabilité, Alamo, dont la durée initiale fut très tôt amputée, ne fut pas plus un succès critique que public. En ce début des 60’s, le cinéma était en plein bouleversement. L’écume des nouvelles vagues commençait à bouillonner et ce western élégiaque n’était pas du goût de la critique. Quant au public, il connaissait trop bien la fin tragique des héros d’Alamo et n’avait nulle envie de voir mourir Wayne ou Widmark à l’écran. Enfin, la légende veut que John Ford, venu en ami sur le tournage, ait réalisé des séquences (une caméra lui avait même été allouée pour qu’il filme quelques plans). Mais de l’aveu des témoins de l’époque, peu de choses ont été conservées. John Wayne, malgré toute l’amitié et admiration qu’il portait au cinéaste, n’avait nulle envie de se faire voler la paternité de son œuvre.

 2h 35 Et avec Frankie Avalon, Patrick Wayne, Linda Cristal, Joan O’Brien, Chill Wills…

 

TEST BLU-RAY COLLECTOR ****

 

 

Version cinéma et version longue en VF et VOST
Le digipack collector Blu-ray, accompagnée d’un livret de 48 pages supervisé par Marc Toullec, propose la version cinéma du film (2 h 35) assortie d’une présentation de 38 mn par le spécialiste du western Jean-François Giré. La copie est magnifique, contrastée et très propre. Sur le second Blu-ray consacré aux suppléments, on peut découvrir la version longue du film (3 h 21), dans une copie plus médiocre, provenant d’une source analogique et dite de « qualité d’archives ». On y trouve notamment l’ouverture musicale et l’intermède, mais aussi plusieurs scènes intimistes, telles ces séquences romantiques avec Linda Cristal ou l’anniversaire de la petite Lisa Dickinson (Aissa, fille de John Wayne). Les amoureux du film apprécieront tous ces instants supplémentaires, mais aucune de ces scènes ne vient combler un quelconque manque.

 

Making of et interview de Patrick Wayne

Les autres suppléments sont excellents. Le making of du film (68 mn), réalisé en 1992, est truffé de témoignages (Budd Boetticher, le chef-opérateur William H. Clothier, Frankie Avalon…) et de séquences d’archives du tournage. On y voit John Ford sur le plateau, et comment John Wayne, un peu embarrassé par sa présence, lui avait alloué un cameraman pour l’occuper, tout en sachant qu’il ne garderait rien, ou presque, des images tournées. Dans un formidable entretien réalisé en 2021, Patrick Wayne, jeune acteur dans Alamo, dévoile la relation forte qu’il entretenait avec son père, et se remémore des anecdotes truculentes du tournage. Une visite du musée John Wayne (10 mn) à Winterset en Iowa, lieu de naissance de l’acteur, une galerie de photos et la bande-annonce originale complètent le programme.

 

 

Une édition 2-DVD est également disponible. Elle ne comprend pas la version longue ni le making of. 

 

 

 

 

 

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« Mon père était instituteur. Il est mort pendant la Dépression… Vous croyez vous battre ! Stupidement, avec une arme ! Mais il y a une autre manière : se battre, tous les jours, pour manger, s’instruire, avoir un travail et de l’amour-propre. »

 

MARCHÉ DE BRUTES (Raw Deal)

Anthony Mann
1948

Combo Blu-ray-DVD paru chez Rimini Éditions le 15 juin 2021

Le truand Joe Sullivan (Dennis O’Keefe) s’évade de la prison de San Quentin, au nord de San Francisco, avec l’aide de son amie Pat (Claire Trevor), très éprise de lui. Le réservoir de la voiture ayant été touché par les tirs des gardiens, Joe est contraint de demander de l’aide à Ann Martin (Marsha Hunt), la jeune assistante de son avocat, qui en pince pour lui. Mais celle-ci, intègre, menace de le dénoncer. Il n’a d’autre choix que de la prendre en otage, au grand dam de Pat. Joe entraîne les deux femmes dans une folle cavale, avec l’intention de retrouver son complice, le caïd Rick Cole (Raymond Burr), qui lui doit de l’argent et a fomenté son évasion. Il ignore que ce dernier a juré sa perte…

Marché de brutes paraît aux États-Unis en 1948, cinq mois après La brigade du suicide (T-Men), autre excellent film noir de Mann, déjà interprété par Dennis O’Keefe. Aujourd’hui oublié, l’acteur à la silhouette sportive s’est distingué dans des longs métrages d’action et quelques comédies, comme Brewster’s Millions d’Allan Dwan. Il n’a cependant pas le charisme ni le talent d’un James Stewart qui sera, quelques années plus tard, l’acteur fétiche de Mann, et contribuera aux chefs-d’œuvre du western réalisés par ce dernier (Winchester 73, L’appât, L’homme de la plaine…). O’Keefe donne ici la réplique à Claire Trevor, l’inoubliable prostituée de La chevauchée fantastique de John Ford, qui décrochera en 1949 l’Oscar du Meilleur second rôle pour sa performance dans Key Largo. C’est elle qui donne le ton à ce film noir désespéré, marqué par la fatalité. Il est en effet introduit par le récit de Pat, en voix off, sur une musique lancinante, façon Rebecca d’Alfred Hitchcock, qui installe aussitôt une atmosphère romanesque, onirique et désenchantée. Car en dépit de son titre viril (en français notamment), Marché de brutes est un film féminin. Alors qu’il vient de s’évader, Joe Sullivan se retrouve très vite coincé. Non seulement il a la police et ses ex-complices aux trousses (Raymond Burr et John Ireland, les brutes du film, campent des malfrats véritablement sadiques — la scène dans laquelle Rick ébouillante sa petite amie préfigure celle de Règlement de comptes de Fritz Lang), mais il est constamment déchiré entre les deux femmes qui l’accompagnent dans sa cavale. Il est reconnaissant envers celle de mauvaise vie, dite « la fatale » (qui n’en est pas moins humaine) et irrésistiblement attiré par l’honnête, garante de la morale, qui voit en lui l’homme qu’il aurait pu être. Anthony Mann filme de main de maître et à un rythme trépidant cette course-poursuite à travers la Californie. À la photo, le génial chef-opérateur John Alton, « peintre de la lumière » et alter ego du cinéaste, fait des merveilles : clairs obscurs, jeux d’ombres, brouillards, contrastes prononcés, profondeurs de champ audacieuses, cadrages inquiétants… Le film noir dans toute sa splendeur !
1 h 19 Et avec Curt Conway, Richard Fraser, Whit Bissell…

 

TEST BLU-RAY ***

 

 

Le combo Blu-ray+DVD propose le film, récemment et superbement restauré par ClassicFix, assorti d’une analyse de Jacques Demange, critique à Positif, qui met l’accent sur la maîtrise d’Anthony Mann et de son chef-opérateur (14 mn).

Il est accompagné d’un épatant livret illustré, signé Christophe Chavdia. Le journaliste revient sur la carrière d’Anthony Mann (que Jean-Luc Godard avait surnommé « Super Mann ») et sur celle de son directeur photo John Alton, avec qui le cinéaste a écrit une sorte de « grammaire » du film noir. Il narre aussi les aléas de la production de Marché de brutes, qui eut maille à partir avec la censure de l’époque et évoque la personnalité de l’actrice Marsha Hunt, cent trois ans en 2021, ce qui fait d’elle la doyenne des comédiennes américaines vivantes !