UN AMOUR DE GOTLIB

 

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Gotlib ne dessinera plus. Le père de Gai-Luron et auteur de la célèbre Rubrique-à-brac, a définitivement posé son crayon en ce 4 décembre, à l’âge de 82 ans. Il y a dix ans, je l’avais interviewé pour le magazine Epok, à l’occasion de la parution chez Seven Sept d’un DVD doublé d’un album à la gloire de sa fameuse Coccinelle. On y voyait le trublion deviser avec ses copains (Claire Bretécher, Patrice Leconte, Gotainer…) à propos de la célébrité, du temps qui passe, du bon vin, des menhirs de Carnac et de Victor Hugo. Il était charmant. C’était en 2006. La France n’était pas encore Charlie, et les DVD se vendaient comme des petits pains.

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Sophie Soligny : C’est bien connu, la Coccinelle parasite tout, des toiles de maître à vos propres dessins. Que respecte-t-elle, hormis les vieilles pierres et Victor Hugo ?

GOTLIB : La Coccinelle ne respecte RIEN. Heureusement je suis là pour mettre un peu d’ordre dans sa conduite, mais je remarque depuis quelque temps que j’ai de moins en moins de pouvoir. Il va falloir que je prenne des dispositions draconiennes…

L’affaire des caricatures fait frissonner l’actualité. Jusqu’où le dessin humoristique peut-il aller trop loin ?

L’actualité frissonne ? Il faut qu’elle allume son radiateur, elle aura moins froid. Plus sérieusement, je pense que le pire des défauts, le pire des manques caractériels, c’est le manque d’humour. Même à propos de sujets graves comme la religion.

Vous avez arrêté la bande dessinée. Participer à ce projet de DVD vous a-t-il amusé ?

Enormément ! J’ai d’abord eu l’occasion de travailler avec Bruno Léandri, qui est un collègue de plus de trente ans. Et puis toute l’équipe s’est révélée très agréable dans les rapports professionnels.

Que pensez-vous du concept de BDVD ?

Que du bien, dans la mesure où il y a eu une formidable mutation dans la profession. Les magazines de BD comme Pilote ont pratiquement disparu sauf Fluide Glacial qui, selon certains bruits ne se porterait pas très bien. Les ventes de BD se sont reportées vers les albums, les libraires ne savent plus où les ranger, d’où l’émergence de nouveaux types formels comme les Intégrales. Les BDVD participent à cette sorte de renouveau. Toutefois, je regrette l’époque des journaux hebdomadaires.

Etes-vous dévédéphage, dévédéphile ou dévédé-pas du tout ?

Sans la moindre hésitation : dévédéphile. Je trouve d’ailleurs cela lamentable car lorsque d’aventure (et de plus en plus rarement) je vais voir un film en salle, je suis émerveillé par le grand écran. Je suis bien obligé de reconnaître que les DVD n’arrivent pas à la cheville de ce spectacle. Avec l’âge, on va au plus facile… Dommage…

Que vous inspire un monde où les jeunes, à peine sortis de l’école, pensent déjà à leurs avantages-retraite ?

C’est un peu triste. Bientôt, ils penseront à l’organisation de leurs funérailles. Heureusement, je crois tout de même que cette catégorie de jeunes ne constitue pas la majorité.

Chacun ne devrait-il pas écouter davantage la coccinelle qui est en lui ?

Peut-être… encore faudrait-il savoir quelle est la voix de cette coccinelle…
Publié dans Epok le 24 mars 2006

 

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SNOWDEN

Après World Trade Center et W. — L’improbable président, Oliver Stone poursuit son exploration de l’Amérique post-11 septembre avec Snowden, qui retrace le parcours du lanceur d’alerte américain par qui le scandale des écoutes est arrivé, devenu ennemi public numéro un aux Etats-Unis. Le cinéaste, fidèle à sa réputation, n’a pas fait dans la nuance. A la question « Edward Snowden est-il un traître ou un héros ? », sa réponse est sans appel.

 

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« Les Américains ne veulent pas la liberté, ils veulent la sécurité.
– Sauf qu’ils ignorent qu’ils ont passé un marché. »

 

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Oliver Stone
2016 (Dans les salles françaises depuis le 2 novembre)

Issu d’une famille de militaires, Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt) est dépité quand on lui annonce que sa constitution physique ne lui permet pas de poursuivre une carrière de soldat. Puisque le terrain n’est pas pour lui, le jeune homme patriote et idéaliste rejoint la CIA où il se fait vite remarquer par ses qualités d’informaticien. Affecté aux programmes les plus pointus de la NSA, il ne tarde pas à découvrir qu’au mépris des lois les plus fondamentales, les services de renseignements américains espionnent à grande échelle les gouvernements du monde entier aussi bien que les particuliers. Effaré par l’ampleur et la dangerosité de cette cyber-surveillance, il décide de donner l’alerte, au risque de tout perdre…

« Nous construisons la plus gigantesque arme d’oppression de l’histoire de l’humanité. Malgré tout, ces directeurs s’exemptent d’en rendre compte. » E. Snowden

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En 2015, Citizenfour, de Laura Poitras, recevait l’Oscar du Meilleur documentaire. La cinéaste américaine, contactée deux ans plutôt par Edward Snowden (qui avait choisi pour nom de code « Citizenfour »), y avait filmé dans une chambre d’hôtel à Hong Kong la rencontre de ce dernier avec Glenn Greenwald du Guardian qui allait révéler toute l’affaire. Dans cette page d’histoire en temps réel, entre deux confidences édifiantes de Snowden, on assistait aux répercussions médiatiques du scandale dévoilé. Cette rencontre sert de fil rouge au film d’Oliver Stone, qui en reprend fidèlement certains détails. Le cinéaste de Platoon, Né un 4 juillet, L’enfer du dimanche ou JFK, qui n’a de cesse de pointer sa caméra sur les failles de l’Amérique, devait se pencher sur le parcours de ce jeune homme brillant et timide devenu héros du contre-pouvoir. Fasciné, selon son propre aveu, par le sens moral de ce fauteur de troubles, mais malgré tout très respectueux des faits, Oliver Stone a construit un personnage idéaliste et romantique, un citoyen responsable, auquel le très charismatique Joseph Gordon-Levitt, aussi juste qu’attachant, confère un charme juvénile. Chaussant une fois de plus ses gros sabots pour la bonne cause, Stone est parvenu à faire de ce sujet complexe et peu cinématographique un biopic divertissant, passionnant et efficace, destiné au grand public, affranchi ou non à la culture geek. Le film, doté d’une distribution aussi imposante que judicieuse, immerge avec brio dans l’antre de la pouponnière informatique de la CIA, mais s’attarde aussi sur la vie privée de Snowden, dont le couple est peu à peu gangrené par sa paranoïa grandissante. On peut trouver, par endroits, la démonstration trop caricaturale, mais elle a le mérite d’éveiller les consciences et d’ouvrir les débats, car « l’affaire Snowden » est loin d’être terminée. De son exil en Russie où il a obtenu le droit de résidence jusqu’en 2017, l’épine dans le pied du gouvernement américain continue de se dresser contre Big Brother et de militer pour les libertés individuelles, qui vont de pair avec la largeur du champ de l’exploration intellectuelle. Le lendemain de l’élection présidentielle, il a encore exhorté les Américains à penser par eux-mêmes, expliquant qu’aucun dirigeant ne changerait le système de surveillance de masse.

« Si nous désirons un monde meilleur, nous ne pouvons espérer un Obama, et nous ne pouvons pas être effrayés par un Donald Trump. Nous devons le construire nous-même. »

2h 14 Et avec Shailene Woodley, Melissa Leo, Ben Schneitzer, Zackary Quinto, Rhys Ifans, Nicolas Cage, Tom Wilkinson, Joely Richardson, Timothy Olyphant, Scott Eastwood, Ben Chaplin…

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ARTICLE CONNEXE :
Critique Le jeu du faucon

Et on reparle de Jane Austen : PEMBERLEY et LOVE & FRIENDSHIP en DVD/BR

Non contente d’avoir engendré Shakespeare, l’Angleterre nous a aussi offert Jane Austen, avec laquelle elle entretient une histoire d’amour depuis quasiment deux siècles. Depuis la mort de l’écrivain en 1817, sa poignée de romans a conquis le monde, et ces dernières années, on ne compte plus les transpositions, hommages ou pastiches. En attendant l’adaptation au cinéma de Sanditon, on peut découvrir ou redécouvrir celle de Lady Susan par l’Américain Whit Stillman. Intitulée Love & Friendship, cette comédie de mœurs des plus brillantes projetée sur les écrans l’été dernier vient de paraître en Blu-ray et DVD (voir plus bas). Et on peut également savourer l’adaptation en mini-série télévisée de La mort s’invite à Pemberley, l’ultime opus de feu P. D. James : un hommage déguisé en histoire policière qui pourrait constituer une suite au chef-d’œuvre Orgueil et préjugés. Car, contre toute attente, la « reine du crime » était une fervente admiratrice de la romancière du Hampshire. Et bien sûr, c’est la vénérable BBC, qui a déjà porté au petit écran, et avec quel brio, tous les romans d’Austen, qui s’y est collée.

 

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« Cela fait plusieurs siècles déjà que nous avons admis que les femmes ont une âme. N’est-il pas grand temps d’admettre qu’elles ont aussi un cerveau ? » P. D. James (Death Comes To Pemberley)

 

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Daniel Percival
2013 (Mini-série diffusée pour la première fois sur BBC One en décembre 2013)
En DVD depuis le 12 octobre chez Koba Films

A Pemberley, la vie s’écoule paisiblement. Darcy (Matthew Rhys) et Elizabeth (Anna Maxwell Martin) sont mariés depuis six ans et heureux parents. Une nuit, alors que les préparatifs pour le bal annuel vont bon train, un cabriolet arrive à tombeau ouvert au château. A son bord, Lydia (Jenna Coleman), la jeune sœur d’Elizabeth qui n’avait pas été conviée à la fête en raison de ses frasques passées, est passablement hystérique. Elle craint que son époux, le tristement célèbre George Wickham (Matthew Goode), ait été assassiné dans la forêt du domaine…

Publié en 2011 outre-Manche (en 2012 en France), La mort s’invite à Pemberley est le dernier roman de Phillis Dorothy James, disparue le 27 novembre 2014 à l’âge de 94 ans. L’auteur d’un Certain goût pour la mort et des Fils de l’homme avait choisi dans son ultime ouvrage de rendre hommage à sa compatriote Jane Austen, à laquelle elle vouait une fervente admiration. P. D. James s’est appliquée à tisser une énigme policière en respectant tous les codes d’Orgueil et Préjugés. Force est de constater que La mort s’invite à Pemberley apparaît moins fantasque que bon nombre d’ « austeneries », telle la série de livres signée par Elizabeth Aston à qui l’univers de la célèbre romancière — et le personnage de Mr Darcy en particulier — a inspiré moult intrigues ultra-romancées (Les filles de Mr Darcy, Darcy dans l’âme, L’autre Mrs Darcy…). Il y a quelque chose de magique dans le fait de se plonger dans les tribulations de Darcy et Elizabeth Bennet six ans après les événements qui n’en finissent pas de captiver les lecteurs du roman. La BBC l’a bien compris, et cette adaptation, très fidèle, du livre de P. D. James, tient toutes ses promesses. Tournée principalement dans les très beaux décors naturels du domaine de Chatsworth House (Derbyshire), et quelques autres sites prestigieux (le Château Howard, le Musée du Château d’York, les ruines de Fountains Abbey…), la mini-série mise en scène par le chevronné Daniel Percival (Strike Back, Crossing Lines) est un ravissement. Si le crime occupe la première place du récit, ce dernier est étoffé de sous-intrigues tissées avec brio et « à la manière de », pimentées par des dialogues teintés de la fameuse ironie austenienne. En tête de la distribution très soignée on apprécie particulièrement Matthew Rhys (The Americans), qui fait un Darcy solide, Matthew Goode, retors à souhait, et l’incontournable James Norton (Grantchester, Happy Valley…), impeccable comme toujours. Les Janeites (admirateurs de l’œuvre d’Austen) ont déploré le manque de charisme de l’Elizabeth Bennet campée par Anna Maxwell Martin. Certes, mais elle fait preuve d’une force de caractère, d’une bonté et d’un discernement très respectueux de son modèle. Un régal donc !
3h Et avec Trevor Eve, Tom Ward, Eleanor Tomlinson, Joanna Scanlan, Lewis Rainer…

BANDE-ANNONCE

Death Comes to Pemberley

 

Test DVD :  

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Inédite à la télévision française à ce jour, la mini-série a été rebaptisée Pemberley pour sa sortie en DVD dans l’Hexagone, et se découpe en deux épisodes de quatre-vingt-dix minutes.

 

 

Interactivité
Pas de bonus, hormis les bandes-annonces de l’éditeur.

Image ***
Format : 1,77
L’image, lumineuse et contrastée, profite d’une belle définition.

Son ***
DD 2.0 en anglais sous-titré français
Seule la version originale sous-titrée en français, indispensable, figure sur le disque, et on ne peut que s’en réjouir. La piste DD 2.0, harmonieuse, est très convenable pour ce format télévisuel.

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Love & Friendship

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Whit Stillman
2016
En Blu-ray et DVD chez Blaq Out depuis le 2 novembre

CRITIQUE DU FILM ici

 Love 9

 

Test Blu-ray :  

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Interactivité **
Un programme un peu succinct (trois reportages de 10 minutes chacun), mais non sans intérêt. Le réalisateur y parle de la genèse du film, qui remonte à 2003. Il confie avoir songé à Kate Beckinsale dès la lecture de Lady Susan, et a attendu pour tourner qu’elle ait l’âge du rôle. Il évoque aussi la manière dont il a transformé la structure épistolaire en dramaturgie classique. Après avoir écouté Sophie Demir, spécialiste de Jane Austen, revenir sur les enjeux amoureux dans l’œuvre de la romancière, on peut découvrir un making of réalisé sur le vif du tournage, truffé d’interventions des comédiens.

Image ****
Format : 1.85
Superbement définie, l’image éclatante restitue les nuances de la photographie de Richard Van Oosterhout. La palette de couleurs est de toute beauté.

Son ****
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en anglais sous-titré français
Ici aussi, la version originale sous-titrée en français est mise à l’honneur. La piste 5.1, généreuse, permet une immersion totale.

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