007 SPECTRE

En 2006, Casino Royale et Daniel Craig avaient donné un coup de fouet à la franchise James Bond, alors mise à mal par tous les thrillers d’action (Jason Bourne, Mission : impossible…), sans oublier la fameuse série TV 24 heures chrono. Six ans après, en mettant en scène un 007 vieillissant et faillible, Sam Mendes en a remis une couche, et offert à la saga une authenticité et une modernité imparables. Faisant fi des codes éculés du genre, Skyfall jouait avec les clichés pour mieux s’en affranchir et explorer la mythologie de son héros. Le film, hanté par un méchant particulièrement terrifiant et retors campé à la perfection par Javier Bardem, était sombre, intense, surprenant et extrêmement émouvant. Le hic, c’est qu’en mettant la barre très haut, le réalisateur anglais s’est aussi compliqué… la suite. Et ce cru 2015, à nouveau dirigé par ses soins et en dépit de belles scènes de bravoure, est loin de susciter le même enthousiasme.

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Oberhauser : « Why did you come ?
James Bond : I came here to kill you.
Oberhauser : And I thought you came here to die.
James Bond : Well, it’s all a matter of perspective. »

 

007 Spectre (Spectre)

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Sam Mendes
2015 (dans les salles françaises depuis le 11 novembre)

SPECTRE : Service Pour l’Espionnage, le Contre-espionnage, le Terrorisme, la Rétorsion et l’Extorsion

Après une mission à Mexico effectuée sans autorisation de sa hiérarchie, James Bond (Daniel Craig) est mis sur la touche par le nouveau M (Ralph Fiennes). Il va devoir à nouveau désobéir s’il veut accomplir la mission laissée par M (Judi Dench) dans une vidéo posthume, et qui l’envoie à Rome, assister aux obsèques de l’homme qu’il vient de tuer au Mexique. Bond ne peut plus compter désormais que sur l’aide clandestine de Q (Ben Whishaw) et Moneypenny (Naomie Harris), car un politicard dépêché au M16 (Andrew Scott) a l’intention de mettre un terme au programme 00, et remet en cause l’existence même du M16…

La 24ème aventure de James Bond s’ouvre de manière incroyablement spectaculaire. Tourné pendant la parade de la Fête des morts à Mexico, ce long plan-séquence dans lequel James déploie le grand jeu frise la démesure. S’ensuit le générique, superbement chanté par Sam Smith, qui à défaut d’avoir un thème musical inoubliable, reprend joliment l’imagerie des grandes heures de la saga. Tout à l’écran porte à croire que Sam Mendes a reçu la consigne de « faire du James Bond » plutôt que du cinéma d’auteur. Il lui a donc fallu trouver l’équilibre entre les deux. Par fulgurances, c’est réussi. Comme dans Skyfall, la mise en scène, ici magnifiée par la photo léchée du Suisse Hoyte Van Hoytema (Interstellar, Her), est une splendeur, et il n’y a pas un plan de James Bond à Londres qui ne soit un exercice de style. Les quais du Tibre à Rome, le désert marocain et les montagnes autrichiennes enneigées offrent également un décor idéal aux scènes d’action grandioses, ici en voiture (Aston Martin et Jaguar de rigueur), là en avion, et plus loin en train. Le film panache le moderne — toutes les scènes de Londres et a fortiori les jeunes Q et Moneypenny (excellents Ben Whishaw et Naomie Harris) — et le vintage. Les séquences à bord du train de luxe ont des accents de La mort aux trousses. Léa Seydoux elle-même joue les blondes hitchcockiennes et sa garde-robe est rétro à souhait. Visuellement, Spectre en met plein la vue. Et si James a pris de la bouteille, il manie l’ironie comme au premier jour. Pourtant, quelque chose cloche. Est-ce le manque de conviction dans le jeu de Daniel Craig, qui a participé à l’aventure à contrecœur (l’acteur de quarante-sept ans a eu des propos plutôt acerbes en déclarant qu’il souhaitait passer la main) ? Ou celui de Sam Mendes ? Une chose est sûre : la mayonnaise ne prend pas. En psychopathe, Christoph Waltz cabotine et fait du réchauffé (il n’en finit plus de décliner son personnage de nazi d’Inglourious Basterds) et son bras de fer avec James Bond manque cruellement d’intensité (la scène de torture est particulièrement incohérente). La (trop ?) jeune Léa Seydoux n’a ni la prestance, ni le glamour, ni le mystère requis par le rôle, et sa romance avec 007 ne convainc pas davantage. Enfin, même si elle marque le retour de l’organisation criminelle SPECTRE, au cœur de nombreux épisodes de la saga, l’intrigue souffre de trop de similitudes avec celle de Skyfall pour susciter la surprise, et pire encore, l’intérêt. 007 Spectre est un joli revolver, mais son chargeur est un peu vide.
(2 h 28) Et avec Monica Bellucci, Ralph Fiennes, Dave Bautista, Rory Kinnear, Jesper Christensen, Stephanie Sigman…

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SEUL SUR MARS (THE MARTIAN)

La science-fiction n’avait jamais été le truc de Ridley Scott jusqu’à ce qu’il découvre 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Force est de constater que le genre lui a, depuis, plutôt bien réussi : Alien, Prometheus, sans oublier Blade Runner (des suites sont en préparation), et aujourd’hui ce Seul sur Mars, qui étonne par son optimisme et son ton singulièrement désinvolte. Moins sensoriel que Gravity, moins métaphysique que Interstellar, ce film de SF classique et très solaire raconte la mésaventure d’un astronaute laissé pour mort sur la planète rouge, et qui va s’attacher, avec des trésors d’ingéniosité, à y survivre. Un vrai feel good movie, doté d’une distribution de folie.

 

Mars 3

« It’s a strange feeling. Everywhere I go, I’m the first. »

 

Seul sur Mars (The Martian)

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Ridley Scott
2015 (dans les salles françaises depuis le 21 octobre)

A cause d’une violente tempête de sable, six astronautes en mission sur Mars sont contraints d’évacuer la planète en urgence. Aveuglés par les éléments déchaînés, ils se hâtent de regagner leur capsule, mais Mark Watney (Matt Damon) est percuté par un débris. Ses coéquipiers, convaincus qu’il a été tué sur le coup, n’ont pas d’autre alternative que de l’abandonner. Lorsque Mark reprend conscience, seul sur cette planète hostile, il se met immédiatement à organiser sa survie en attendant l’arrivée de la prochaine mission habitée, planifiée… quatre ans plus tard ! Il va lui falloir tenir dans un habitat prévu pour un mois, et trouver le moyen de contacter la Terre, alors que les moyens de communication sont détruits…

« L’aventure de Mark Watney, a déclaré Ridley Scott dans un entretien à Télérama lors de la sortie du film, aurait très bien pu se dérouler ailleurs que sur Mars. Le sujet, c’est l’ingéniosité d’un homme à surmonter une situation critique où sa vie est en danger. » Il a beau prétendre le contraire, le cinéaste anglais, épaulé par les conseillers de la NASA, a pourtant bien réalisé un film de science-fiction dont le réalisme, à quelques (gros) détails près, a même épaté les scientifiques. Très fidèlement adapté d’un roman homonyme d’Andy Weir — bien que le scénariste russe Mikhail Raskhodnikov ait récemment dénoncé un plagiat de son scénario The Martian envoyé aux grands studios russes et américains — le film est une merveille d’efficacité. A l’image de son héros incarné par le sympathique Matt Damon (mariage parfait de l’all american boy et du boy next door), Seul sur Mars joue la carte de l’optimisme à tous crins. Pas de philosophie new-age, de vision mystique, ni de lyrisme échevelé. Ici, le pragmatisme prévaut. Mi-Robinson de l’espace, mi- MacGyver, Mark sait qu’il lui faut résoudre un problème après l’autre. Dans son malheur, reconnaît-il, il a la chance d’être botaniste. Le voilà donc reconverti agriculteur, tentant de faire pousser des pommes de terre dans une terre martienne stérile, préalablement fertilisée avec les excréments lyophilisés de ses coéquipiers. L’humour constant du personnage, ses petites blagues puériles (« Je vais devoir en chier, de la science ! », « Techniquement, j’ai colonisé Mars. Et toc, Neil Armstrong ! ») contrastent avec la gravité de sa situation. La tension et le stress sont également désamorcés par l’intrusion de chansons disco (Donna Summer, Gloria Gaynor, Thelma Houston, Abba…), seule musique que Mark a sa disposition, laissée par la commandant de l’équipe (on notera que, dans la bande-son, l’enjouée « Starman » de David Bowie a été préférée à l’attendue « Life On Mars? »). Sur Terre en revanche, ses collègues de la NASA rigolent beaucoup moins. Car en découvrant sur une image satellite que Watney est vivant, c’est un tsunami qui va agiter tous ces brillants cerveaux tenus d’organiser une mission de sauvetage. Eux aussi vont devoir faire appel à leur imagination, au système D, mais aussi contourner la bureaucratie, et convaincre des leaders timorés. De manière imparable, Ridley Scott garantit le spectacle, le suspense et le rythme, grâce aux allers-retours entre la planète rouge aux visuels magnifiques et la NASA en plein brainstorming. Car ironie de ce film qui parle de solitude, la distribution est un foisonnement de stars, des grand et petit écrans : Jessica Chastain, Kristen Wiig, Jeff Daniels, Michael Pena, Sean Bean, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor, Mackenzie Davis, Sebastian Stan… N’en jetez plus ! On pourra bien sûr reprocher au film sa simplicité narrative, son humour de nerd, son manque d’ambition artistique (il n’a ni la profondeur, ni la poésie de son illustre aîné Mission To Mars et a fortiori de 2001…), mais en ces temps troublés et sombres, cet éloge de la science, de l’intelligence et de la solidarité dégage quelque chose d’euphorisant et d’éminemment sympathique.
(2 h 24)

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FAST & CURIOUS Octobre 2015

En vitesse rapide, vus au ciné, en Blu-ray /DVD ou à la télévision ce mois-ci…

 

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Le labyrinthe : La terre brûlée (Maze Runner : The Scorch Trials)

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Wes Ball
2015 (Dans les salles françaises depuis le 7 octobre)

Un an après, la suite de Labyrinthe, le film de science-fiction pour ados adapté de la série de romans de James Dashner…

Si le premier épisode était adroit et inventif, le deuxième se révèle plus convenu dans la forme, mais tout aussi captivant. Signé, comme son prédécesseur, par Wes Ball, réalisateur venu des effets spéciaux, le film, très efficace, entraîne, façon montagnes russes dans une course-poursuite haletante à travers des décors post-apocalyptiques grandioses. Un univers truffé de références (à Mad Max 2, The Walking Dead, Star Wars…) et très ludique. On est séduit par ces séquences horrifiques et d’action bien fichues, et ces jeunes comédiens sympathiques (dont plusieurs ressortissants de Game Of Thrones). Moins pompeux que Hunger Games et beaucoup plus divertissant ! Troisième volet attendu en 2017.
(2 h 13) Avec Dylan O’Brien, Hi Hong Lee, Kaya Scodelario, Thomas Brodie-Sangster, Patricia Clarkson, Aidan Gillen, Lili Taylor, Barry Pepper…
Bande-annonce
***

Prédestination (Predestination)

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Michael et Peter Spierig
2014

Un agent temporel poursuit un criminel qui lui a échappé toute sa vie…

Grand risque de burn-out devant cet ambitieux thriller de science-fiction aux allures de Dark City paru directement en vidéo et adapté de la nouvelle All You Zombies de Robert A. Heinlein (un de ses romans, Etoiles, garde-à-vous !, avait inspiré à Paul Verhoeven l’excellent Starship Troopers). Pourtant (lorsqu’on l’a comprise), l’idée se révèle incroyablement audacieuse. Dommage que les réalisateurs du réjouissant Daybreakers, qui explorait d’une manière inédite le thème du vampire, aient un peu trop emberlificoté leur casse-tête au point de le rendre un tantinet illogique. Demeurent des scènes fascinantes, emmenées par les très bons Ethan Hawke et la troublante Australienne Sarah Snook. A revoir en boucle !
OCS (1h 37) Avec Ethan Hawke, Sarah Snook, Noah Taylor…
Bande-annonce
***

Le loup de Wall Street (The Wolf Of Wall Street)

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Martin Scorsese
2013

Dans les années 80, l’ascension vertigineuse et la chute d’un trader frauduleux, histoire adaptée de l’autobiographie homonyme de Jordan Belfort…

Ne serait-ce que pour la performance de Leonardo DiCaprio, qui joue cet escroc cynique et immoral, moitié bouffon moitié ordure, avec l’endurance d’un marathonien, Le loup de Wall Street vaut ces presque trois heures d’hystérie. La forme épouse parfaitement le fond, mais on frôle l’indigestion durant la première heure, matraquage sauvage de sexe, de drogue et de tubes pop/rock (le plus souvent anachroniques, comme dans Casino). Cette surenchère visuelle et sonore censée refléter le chaos décadent et monstrueux dans lequel baignent le héros et ses disciples ennuie et épuise davantage qu’elle ne fascine. On se réjouit donc de l’arrivée des emmerdes et du FBI, qui redonnent de l’intérêt à ces turpitudes excessives et engendrent des scènes franchement désopilantes, dont certaines sont devenues culte (celle de la prise de Quaaludes Lemmon 714 périmés, au hasard). On retient aussi numéros savoureux de Matthew McConaughey, Jonah Hill et de la révélation australienne Margot Robbie. En dépit de ses cinq nominations aux Oscars en 2014, ce méga carton au box-office est reparti bredouille. Comme quoi…
Canal+ (2h 59) Avec Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Kyle Chandler, Rob Reiner, Matthew McConaughey, Jon Berthal…
Bande-annonce
*** 

Art Of Steal (The Art Of The Steal)

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Jonathan Sobol
2013

Un ex-voleur de tableaux reconverti cascadeur de foire, accepte un dernier coup proposé par son demi-frère et ex-associé, qui l’a pourtant envoyé en prison durant cinq ans…

Paru directement en vidéo, le deuxième long-métrage du Canadien Jonathan Sobol est une petite merveille d’humour. La mise en scène rythmée et astucieuse, le travail sur l’image (split-screen, flash-back très rétro…), l’intrigue bien ficelée, et les prestations hilarantes de cette brochette aux petits oignons (Kurt Russell, Matt Dillon, Jay Baruchel, Terence Stamp…) font de ce divertissement un véritable antidépresseur, tordant jusqu’au bout du générique de fin.
OCS Max (1h 30) Avec Kurt Russell, Matt Dillon, Jay Baruchel, Terence Stamp, Kenneth Welsh, Chris Diamantopoulos, Katheryn Winnick…
Bande-annonce
**** 

Inside Llewyn Davis

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Ethan et Joel Coen
2013 (Grand Prix du Jury du festival de Cannes 2013)

En 1961, quelques jours dans la vie chaotique d’un jeune chanteur de folk qui tente de percer à New York et va de déconvenue en déconvenue…

Conçu comme une chanson folk, le film d’Ethan et Joel Cohen frise la perfection. Les mésaventures de Llewyn Davis, personnage fictif librement inspiré du chanteur Dave Van Ronk, ont invariablement quelque chose de burlesque et d’absurde. Constamment en décalage avec ses proches et son environnement, le personnage, se révèle lui-même tragicomique (épatant Oscar Isaac, qui interprète lui-même ses chansons). Il nous transporte dans ce Greenwich Village en pleine émergence de talents venus dépoussiérer la musique traditionnelle américaine. Sur la scène du Gaslight Cafe, s’agitent les fantômes de Jim Glover et Jean Ray, Peter, Paul & Marie, Tom Paxton, Ramblin’ Jack Elliott et, bien sûr, Bob Dylan. La photo léchée du chef-opérateur français Bruno Delbonnel confère des accents magiques à la lumière de l’hiver new-yorkais de ces mythiques sixties. Beau, drôle, poétique, un peu triste et extrêmement attachant.
Ciné+ Club (1 h 44) Avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake, John Goodman…
Bande-annonce
****

Dix pour cent — Saison 1

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Série créée en 2015 par Fanny Herrero d’après une idée originale de Dominique Besnehard

Chronique du quotidien d’une prestigieuse agence artistique parisienne…

La presse et les médias ont déroulé le tapis rouge à cette série annoncée comme la meilleure série française du moment, si ce n’est de l’histoire de l’Hexagone. Pas de quoi pourtant sauter au plafond. Dix pour cent, qui tente de rendre sympathique un milieu qui ne l’est pas, n’a ni le mordant ni la folie de sa consœur américaine Entourage. Elle se regarde néanmoins sans déplaisir, grâce au savoir-faire de la scénariste Fanny Herrero (Un village français, Fais pas ci, fais pas ça), à des anecdotes savoureuses directement issues de l’expérience de Dominique Besnehard, qui fut le roi des agents en France, à des numéros d’autodérision des acteurs dans leur propre rôle, et au joli talent de Camille Cottin (La Connasse de Canal+). Dommage que les bonnes idées soient un peu trop asphyxiées par la mise en scène plan-plan, les clichés (l’incontournable assistant homosexuel qui joue les folasses…) et les bons sentiments.
France 2 (Six épisodes de 52 minutes) Avec Camille Cottin, Thibault de Montalembert, Grégory Montel, Liliane Rovère, Fanny Sydney…
Bande-annonce
** 

Coup de cœur 

Art Of Steal
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