De NERVE à GREEN ROOM

Qu’y a t-il de commun entre le techno-thriller des deux réalisateurs de Paranormal Activity 3 et 4, qui a fait un carton auprès des ados cet été, et le survival de Jeremy Saulnier paru ce le mois dernier en DVD/Blu-ray, qui met un jeune groupe punk aux prises avec des néo-nazis ? Rien justement, et c’est cela qui est intéressant. Deux visions de la jeunesse totalement opposées : d’un côté, les accros à la technologie, et de l’autre, ceux qui la refusent, pour le meilleur et pour le pire.

NERVE
« Are you a Watcher ? Or a Player ? »

 

 Nerve

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Henry Joost et Ariel Schulman
2016 (Dans les salles françaises depuis le 24 août)

Parce qu’elle vient d’être humiliée par sa meilleure amie, qui la juge coincée et trop sage, Vee (Emma Roberts) s’inscrit à Nerve, le jeu très lucratif qui diffuse en direct sur Internet des défis filmés, imposés par les Voyeurs (autrement dit les followers). La première mission de Vee : entrer dans un bar et embrasser un inconnu. Coup de chance, elle tombe sur le beau Ian (Dave Franco), lui aussi joueur de Nerve. Séduits par leur tandem, les Voyeurs leur demandent de s’associer pour les épreuves suivantes. Mais les défis vont être de plus en plus dangereux. L’argent coule à flot, mais impossible de quitter le jeu, qui va prendre une tournure cauchemardesque…

Au départ, Nerve est un roman pour adolescents de Jeanne Ryan, publié en 2013 en France sous le titre Addict. Les jeunes réalisateurs Henry Joost et Ariel Schulman l’ont astucieusement adapté en mettant en exergue les aspects fantasmatiques d’un jeu dangereux, un Jackass pas pour rire, où les joueurs sont manipulés par leurs followers qui ne leur veulent pas que du bien. La mise en scène est l’atout majeur de ce film clinquant et nerveux, sorte de version moderne de The Game de David Fincher, qui épouse les visuels d’applications smartphone et profite d’une bande son electro-pop underground plutôt soignée. Course échevelée dans un beau New York nocturne, le film, souvent fun malgré une narration parfois pataude, met en garde contre les dangers d’Internet et le pouvoir des réseaux sociaux sans se départir de son côté film pour ado, incluant romances lycéennes, jalousies et petites traitrises entre amies. Dans une société où le voyeurisme et l’exhibitionnisme sont rois, ce thriller éveillera peut-être les jeunes âmes inconscientes et accros à leur portable, qui, au départ, étaient juste venues pour le sourire de Dave Franco.
1h 36 Et avec Emily Meade, Miles Heizer, Juliette Lewis, Machine Gun Kelly, Brian ‘Sene’ Marc…

BANDE-ANNONCE

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« Internet, ce n’est pas votre truc. Pourquoi vous ne communiquez pas ?
– A force de donner dans le virtuel, tu perds en densité… L’énergie, c’est éphémère… »
– A moins d’être Iggy Pop. »

 

 Green Room

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Jeremy Saulnier
2015
Paru dans les salles françaises en avril 2016 — En Blu-ray et DVD chez M6 Vidéo depuis le 7 septembre

Furieux après que la dernière date de sa tournée, déjà guère fructueuse, a été annulée, le groupe punk-rock The Ain’t Rights accepte de se produire au pied levé dans un club du fin fond l’Oregon. L’endroit, paumé en pleine forêt, est en fait un repaire de skinheads et de néo-nazis. Et pour avoir vu ce qu’ils n’auraient pas dû voir, les membres du groupe vont se retrouver la cible du patron du club (Patrick Stewart) et de ses sbires, déterminés à éliminer tout témoin gênant…

L’Américain Jeremy Saulnier a été repéré en 2013 avec le percutant Blue Ruin, un film de vengeance produit grâce à une plateforme de financement participatif, qui a fait du bruit dans les festivals internationaux et remporté, entre autres, le Prix FIPRESCI (critique internationale) à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Paru deux ans plus tard, ce Green Room n’a certes pas la même puissance, ni originalité, mais se distingue par ses atmosphères glauques et poisseuses (le verdâtre est à la fête !), et sa violence gore et brutale qui en appelle à Romero et au Boorman de Délivrance. Pas de montage hystérique ni d’effets spéciaux high-tech ici. Le passé de musicien punk de Jeremy Saulnier, qui sait ce que signifie la vie d’un groupe sur la route, permet à cette immersion dans le quotidien d’une formation fauchée, pour qui la tournée signifie surtout galères en série, de revêtir une authenticité saisissante. La musique autorise d’ailleurs un certain humour noir, marque de fabrique du réalisateur. Ainsi, la première chanson du concert des Ain’t Rights dans le film n’est autre qu’une reprise de « Nazi Punks Fuck Off », des Dead Kennedys, qui a pour effet d’agacer fortement les extrémistes de la salle. Mais les musiciens ont beau vociférer avec conviction sur scène, ils sont totalement désarmés face à la violence et la barbarie à laquelle ils vont être confrontés ensuite. Assiégés dans leur loge par des fous furieux adeptes de pitbulls et d’armes de guerre, ils devront avoir recours à leur intelligence et au système D, dans un combat qui s’annonce perdu d’avance. Si Jeremy Saulnier filme ce jeu de massacre avec une âpreté et un réalisme impressionnants, il manque à son film un peu de profondeur et d’émotion pour être davantage qu’une série B de genre, bien fichue au demeurant.
On notera que l’acteur Anton Yelchin (interprète de Pat dans le film), bien connu des fans de la nouvelle saga Star Trek et membre du groupe punk The Hammerheads, est décédé à la suite d’un tragique accident en juin dernier. Il avait vingt-sept ans.
1h 32 Et avec Imogen Poots, Joe Cole, Alia Shawkat, Callum Turner, Patrick Stewart, Mark Webber, Macon Blair…

BANDE-ANNONCE

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Test DVD :  

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Interactivité
DVD comme Blu-ray sont exempts de bonus, hormis la bande-annonce.

Image ***
Format : 2.39
Glauque à souhait, elle retranscrit idéalement la volonté artistique des créateurs, tout en restant d’une définition convaincante.

Son ***
DD 5.1 2.0 en anglais sous-titré et français
Sous-titres non-imposés
La piste DD 5.1 est harmonieuse et détaillée. Elle manque néanmoins un peu de puissance dans les enceintes-arrière.

A la différence du DVD, le Blu-ray présente la version Director’s cut non-censurée, augmentée de quelques minutes d’images gore et violentes.

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SEUL SUR MARS (THE MARTIAN)

La science-fiction n’avait jamais été le truc de Ridley Scott jusqu’à ce qu’il découvre 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Force est de constater que le genre lui a, depuis, plutôt bien réussi : Alien, Prometheus, sans oublier Blade Runner (des suites sont en préparation), et aujourd’hui ce Seul sur Mars, qui étonne par son optimisme et son ton singulièrement désinvolte. Moins sensoriel que Gravity, moins métaphysique que Interstellar, ce film de SF classique et très solaire raconte la mésaventure d’un astronaute laissé pour mort sur la planète rouge, et qui va s’attacher, avec des trésors d’ingéniosité, à y survivre. Un vrai feel good movie, doté d’une distribution de folie.

 

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« It’s a strange feeling. Everywhere I go, I’m the first. »

 

Seul sur Mars (The Martian)

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Ridley Scott
2015 (dans les salles françaises depuis le 21 octobre)

A cause d’une violente tempête de sable, six astronautes en mission sur Mars sont contraints d’évacuer la planète en urgence. Aveuglés par les éléments déchaînés, ils se hâtent de regagner leur capsule, mais Mark Watney (Matt Damon) est percuté par un débris. Ses coéquipiers, convaincus qu’il a été tué sur le coup, n’ont pas d’autre alternative que de l’abandonner. Lorsque Mark reprend conscience, seul sur cette planète hostile, il se met immédiatement à organiser sa survie en attendant l’arrivée de la prochaine mission habitée, planifiée… quatre ans plus tard ! Il va lui falloir tenir dans un habitat prévu pour un mois, et trouver le moyen de contacter la Terre, alors que les moyens de communication sont détruits…

« L’aventure de Mark Watney, a déclaré Ridley Scott dans un entretien à Télérama lors de la sortie du film, aurait très bien pu se dérouler ailleurs que sur Mars. Le sujet, c’est l’ingéniosité d’un homme à surmonter une situation critique où sa vie est en danger. » Il a beau prétendre le contraire, le cinéaste anglais, épaulé par les conseillers de la NASA, a pourtant bien réalisé un film de science-fiction dont le réalisme, à quelques (gros) détails près, a même épaté les scientifiques. Très fidèlement adapté d’un roman homonyme d’Andy Weir — bien que le scénariste russe Mikhail Raskhodnikov ait récemment dénoncé un plagiat de son scénario The Martian envoyé aux grands studios russes et américains — le film est une merveille d’efficacité. A l’image de son héros incarné par le sympathique Matt Damon (mariage parfait de l’all american boy et du boy next door), Seul sur Mars joue la carte de l’optimisme à tous crins. Pas de philosophie new-age, de vision mystique, ni de lyrisme échevelé. Ici, le pragmatisme prévaut. Mi-Robinson de l’espace, mi- MacGyver, Mark sait qu’il lui faut résoudre un problème après l’autre. Dans son malheur, reconnaît-il, il a la chance d’être botaniste. Le voilà donc reconverti agriculteur, tentant de faire pousser des pommes de terre dans une terre martienne stérile, préalablement fertilisée avec les excréments lyophilisés de ses coéquipiers. L’humour constant du personnage, ses petites blagues puériles (« Je vais devoir en chier, de la science ! », « Techniquement, j’ai colonisé Mars. Et toc, Neil Armstrong ! ») contrastent avec la gravité de sa situation. La tension et le stress sont également désamorcés par l’intrusion de chansons disco (Donna Summer, Gloria Gaynor, Thelma Houston, Abba…), seule musique que Mark a sa disposition, laissée par la commandant de l’équipe (on notera que, dans la bande-son, l’enjouée « Starman » de David Bowie a été préférée à l’attendue « Life On Mars? »). Sur Terre en revanche, ses collègues de la NASA rigolent beaucoup moins. Car en découvrant sur une image satellite que Watney est vivant, c’est un tsunami qui va agiter tous ces brillants cerveaux tenus d’organiser une mission de sauvetage. Eux aussi vont devoir faire appel à leur imagination, au système D, mais aussi contourner la bureaucratie, et convaincre des leaders timorés. De manière imparable, Ridley Scott garantit le spectacle, le suspense et le rythme, grâce aux allers-retours entre la planète rouge aux visuels magnifiques et la NASA en plein brainstorming. Car ironie de ce film qui parle de solitude, la distribution est un foisonnement de stars, des grand et petit écrans : Jessica Chastain, Kristen Wiig, Jeff Daniels, Michael Pena, Sean Bean, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor, Mackenzie Davis, Sebastian Stan… N’en jetez plus ! On pourra bien sûr reprocher au film sa simplicité narrative, son humour de nerd, son manque d’ambition artistique (il n’a ni la profondeur, ni la poésie de son illustre aîné Mission To Mars et a fortiori de 2001…), mais en ces temps troublés et sombres, cet éloge de la science, de l’intelligence et de la solidarité dégage quelque chose d’euphorisant et d’éminemment sympathique.
(2 h 24)

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