Une jeune fille aux doigts de fée, discrète et pauvre, s’éprend d’un jeune artiste rebelle issu de la bourgeoisie… A la croisée de La dentellière et de La vie d’Adèle, ce film initiatique réalisé en 2014 par Julie Lopes-Curval éblouit par sa justesse et sa délicatesse. A découvrir d’urgence en DVD !
« Elle était de ces âmes qui ne font aucun signe, mais qu’il faut patiemment interroger, sur lesquelles il faut savoir poser le regard. Un peintre en aurait fait autrefois un portrait de genre. Elle aurait été lingère, porteuse d’eau ou dentellière… » Pascal Lainé (La Dentellière)
Le beau monde
Julie Lopes-Curval
2014 (en DVD chez Pyramide Vidéo depuis le 6 janvier 2015)
A Bayeux en Normandie, Alice (Ana Girardot), jeune fille sage, travaille la laine comme personne, et fait l’admiration de sa mère et de ses amis. Dans le salon de thé où elle est employée l’été, elle est remarquée par Agnès Barthes (Aurélia Petit), riche châtelaine et styliste, qui l’aide à intégrer la prestigieuse Ecole Supérieure des Arts Appliqués Duperré à Paris. Alice entame dès lors une nouvelle vie, et une liaison passionnée avec Antoine (Bastien Bouillon), le fils rebelle d’Agnès, qui voit en cette jeune fille modeste l’occasion d’échapper à un milieu bourgeois qu’il exècre…
En 2002, Bord de mer, lauréat de la Caméra d’Or (Meilleur premier film) au Festival de Cannes, révélait la sensibilité particulière de la jeune cinéaste Julie Lopes-Curval, ex-étudiante en arts plastiques et formée au Cours Florent. C’est cette même sensibilité teintée d’une douce mélancolie que l’on retrouve dans son quatrième film paru en 2014, récit initiatique d’une jeune fille qui cherche à s’accomplir dans un milieu qui n’est pas le sien. Alice, qui vit dans une HLM avec sa mère chômeuse, est un objet de fascination et une tentation irrésistible pour Antoine, enfant gâté qui cherche à échapper aux conventions de la bourgeoisie, personnifiées par une mère snob et envahissante dont la gentillesse cache des torrents d’hypocrisie et de condescendance. Naïve, Alice se jette à corps perdu dans une histoire d’amour où les dés sont pipés. Car Antoine, artiste lui-même, ne se satisfera pas de l’apparente passivité de cette jeune fille réservée, observatrice, qui ne cherche pas à être “intéressante”. Il lui demandera même si elle pense. Le beau monde pourrait être une version moderne, et infiniment plus douce, de La dentellière, le film de Claude Goretta adapté du livre de Pascal Lainé. La modeste shampooineuse campée par Isabelle Huppert y était rejetée par le jeune étudiant bourgeois qu’elle aimait parce qu’elle n’était pas à sa hauteur, intellectuelle et culturelle. C’était aussi ce qui éloignait les deux héroïnes de La vie d’Adèle, malgré leur passion charnelle. Pourtant, à sa manière, Alice est une rebelle. En refusant de jouer le jeu de la séduction facile, en remettant en cause les préceptes parfois absurdes de ses professeurs, ou ceux d’Antoine, qui constamment intellectualise le beau. “Le beau monde” est celui des bourgeois, où Alice ne trouve pas sa place, mais c’est aussi, pour cette créatrice de belles choses, ce qu’il y a de beau dans le monde. Par petites touches, subtiles et justes, la cinéaste parvient à rendre réels ses personnages, à les faire exister. Moins décalé que l’univers de Rohmer, mais pas pour autant stéréotypé, celui de Julie Lopes-Curval éblouit véritablement. Cette histoire d’amour contrariée qui se joue entre les plages normandes et les belles rues de Paris trouve une résonance sublime dans la chanson “Même sous la pluie”, de Françoise Hardy, qui conclut idéalement le film et rappelle que le beau a souvent quelque chose de triste.
Et avec : Sergi López, Jean-Noël Brouté, Stéphane Bissot, Baptiste Lecaplain, India Hair…
Test DVD :
Interactivité **
Le programme consiste en un bon making of de 14 minutes, qui alterne séquences sur le tournage et interviews de la réalisatrice et d’Ana Girardot. Julie Lopes-Curval revient longuement sur la création de son film, sur ses ambitions et affirme que « “le beau monde”, c’est être avec de belles personnes. »
Image ****
Format : 1.85
Superbe image, parfaitement définie et lumineuse.
Son ****
DD 5.1 et 2.0 en français
Audiodescription
Sous-titres pour sourds et malentendants
Le DD 5.1 offre à ce film intimiste de belles envolées, notamment lors des passages musicaux.
Article connexe :
La vie d’Adèle – Chapitres 1 et 2