SIRĀT

Annoncé par une avalanche de critiques dithyrambiques, le lauréat du Prix du Jury de Cannes 2025 (ex-aequo) a déboulé sur les écrans le 10 septembre dernier. Ce road movie à la fois physique et métaphysique impressionne. Les images sont à couper le souffle et la bande-son techno puissante, aux pulsations tribales, produit son petit effet. L’expérience sensorielle est indiscutable. En revanche, le sens de tout cela échappe.(Pas de spoilers dans cet article.)

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« C’est ça qu’on sent quand c’est la fin du monde ? »

 

SIRÂT

Oliver Laxe
2025
Dans les salles françaises depuis le 10 septembre
Prix du Jury à Cannes 2025

Dans le désert marocain, une rave-party illégale bat son plein. Au milieu des danseurs, Luis (Sergi López), flanqué de son fils de douze ans (Bruno Núñez Arjona) et de leur chienne Pipa, distribue un avis de recherche : sa fille, qui appartient à la communauté des teufeurs, a disparu quelques mois plus tôt. Un petit groupe pense qu’elle est peut-être dans une autre rave plus au sud, qu’il compte rejoindre aussi. Alors que l’armée vient brutalement intimer aux participants de quitter les lieux, Luis et son fils entreprennent de suivre le groupe de travellers à travers la montagne, en dépit des dangers et de la guerre imminente… 

On aurait adoré aimer Sirât, entrer dans la transe, mais rien n’y a fait. Ni les images séduisantes, ni les décibels de la musique hypnotique signée Kangding Ray, ni les séquences choc, certes, véritablement impressionnantes. Quoi qu’il arrive, prétend Oliver Laxe, réalisateur franco-espagnol dont il s’agit du quatrième long-métrage, et même si tout fout le camp, il faut continuer à danser. Hum ! Cette parabole mystique sur la fin du monde — dans la religion musulmane, Sirāt est le pont qui relie le paradis à l’enfer — et notre propre « finitude », emprunte au Salaire de la peur version Friedkin, l’univers de Mad Max, Easy Rider et Zabriskie Point. N’en jetez plus. Pourtant on s’ennuie un brin devant ce road trip qui manque singulièrement d’enjeu. Le réalisateur voudrait nous faire croire à la profondeur de ses marginaux errants tatoués (néohippies ou post-punks c’est selon), qui se révèlent surtout d’une grande vacuité. Quant à Sergi López, seul comédien professionnel de l’aventure, dont le personnage est peu plausible, il semble se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère. Et puis, parce qu’au spectateur, il faut bien donner quelque chose à se mettre sous la dent, des rebondissements aussi inattendus qu’artificiels vont à la fois le soulever de son fauteuil et le laisser pantois. Les plus cartésiens se demanderont quel est le sens de tout cela. On leur répondra que la logique n’a pas cours dans une quête spirituelle. Qu’importe, le film, superbement nihiliste, extrêmement sincère ou très malin (on hésite), a transporté et envoûté la quasi-totalité des critiques et du public. Et c’est peut-être ça, le plus grand mystère.
1 h 55. Et avec Stefania Gadda, Joshua Liam Herderson, Tonin Janvier, Jade Oukid, Richard « Bigui » Bellamy…

TARZAN

Après Johnny Weissmuller, Miles O’Keeffe, Casper Van Dien et Christophe Lambert, c’est au tour d’Alexander Skarsgard d’incarner le légendaire homme-singe au cinéma. Le beau vampire viking de True blood prête ses presque deux mètres et sa stature athlétique à ce personnage casse-gueule, qu’il interprète avec son élégance et sa retenue coutumières, tout en regards mélancoliques et sourires en coin. Sauvage oui, ridicule, jamais. Le réalisateur anglais David Yates a soigné les aspects historiques pour mieux fustiger le colonialisme et mettre l’Afrique au cœur du récit. La simplicité du message fait parfois sourire, mais elle ne détone pas dans ce film spectaculaire, qui en dépit de ses effets spéciaux numériques, parvient à renouer avec le cinéma d’aventures d’antan. Si Christoph Waltz ne surprend pas en méchant retors et sadique, Margot Robbie fait une Jane au tempérament volcanique plutôt inattendue.

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“Le port altier de sa belle tête sur ses larges épaules, l’éclair de vie et d’intelligence qui animait ses yeux clairs le faisaient ressembler à un demi-dieu venu d’un ancien peuple guerrier de cette forêt.” Tarzan, seigneur de la jungle Edgar Rice Burroughs

  

Tarzan (The Legend Of Tarzan)

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David Yates
2016 (Dans les salles françaises depuis le 6 juillet)

A la fin du 19ème siècle… Dix ans après avoir quitté la jungle, Tarzan (Alexander Skarsgard) est devenu le respectable Jack Clayton, Lord Greystoke. Il mène une existence paisible dans le manoir de ces ancêtres, non loin de Londres, avec Jane (Margot Robbie), qu’il a épousée. Lorsque le roi belge Léopold II, colonisateur du Congo, l’invite à revenir sur ses terres natales pour une mission diplomatique, Tarzan s’apprête à refuser, mais George Washington Williams (Samuel L. Jackson), un émissaire américain qui suspecte des exactions commises par les Belges sur les autochtones, l’encourage à s’y rendre. Jane, qui se languit de l’Afrique où elle a grandi, supplie son époux de l’emmener. Ils ignorent qu’ils se précipitent droit dans un piège…

De la cinquantaine d’adaptations cinématographiques de l’œuvre d’Edgar Rice Burroughs, peu sont restées dans les mémoires. Si on conserve une tendresse particulière pour Johnny Weissmuller, créateur du personnage en 1932 (qu’il interprétera dans douze films !), c’est Greystoke, réalisé en 1984 par Hugh Hudson, qui s’impose toujours comme le plus beau portrait de cet homme déchiré entre deux identités et deux mondes (sublime scène dans laquelle Tarzan adolescent scrute son visage dans une glace en tenant un cube dont une face est illustrée par le dessin d’un singe, et l’autre celui d’un enfant). Trente-deux ans après ce drame romantique et existentiel poignant, qui reste aussi le plus beau rôle de Christophe Lambert, on peut se demander quelle mouche a piqué Hollywood, tant, comparée à celles des superhéros Marvel et DC Comics qui fleurissent sur les écrans, l’histoire de Tarzan apparaît désuète. Un côté démodé, anachronique, qui lui confère aussi beaucoup de charme. C’est visiblement ce qui a motivé David Yates, qui s’est vu confier la mise en scène après les défections de Guillermo Del Toro et Stephen Sommers. Le cinéaste anglais n’a pas dépoussiéré l’œuvre d’Edgar Burroughs de manière radicale, et a fait du scénario original d’Adam Cozad et Craig Brewer un film d’aventures à l’ancienne. Subtil et rompu à l’exercice de l’adaptation littéraire, Yates, réalisateur des quatre derniers épisodes de la saga Harry Potter et du récent Les animaux fantastiques (toujours d’après J. K. Rowling), s’est efforcé de replacer l’action dans son contexte historique. Ainsi, George Washington Williams et Léon Rom sont librement inspirés de personnages réels (le sinistre et sanguinaire Léon Rom, militaire et aventurier belge, serait l’une des sinistres figures à l’origine du colonel Kurtz imaginé par Joseph Conrad dans son roman Au cœur des ténèbres). Le film a le mérite de renouveler la mythologie tout en lui rendant hommage, à grand renfort de flash-backs. Le Tarzan que l’on découvre au début du film est un homme civilisé et sage, qui a choisi de prendre la relève de son aristocrate de son père disparu (la reconstitution du Londres de la fin de l’époque victorienne est magnifique). La beauté ténébreuse d’Alexander Skarsgard sied parfaitement au personnage. C’est de Jane, alias Margot Robbie (révélée par Le Loup de Wall Street), que vient la surprise. Bien plus qu’un faire-valoir du héros, la jeune Anglaise, qui a grandi en Afrique auprès d’un père missionnaire, est une femme moderne, humaniste et cultivée, qui sait en découdre avec ses adversaires. Visuellement, Tarzan décoiffe et transporte dès la première scène. Il a beau avoir été tourné en studio, en Angleterre, le dépaysement est total. Les mauvais coucheurs railleront les singes créés par ordinateurs (ceux du film de Hudson étaient joués par des comédiens déguisés, et, en tout état de cause, l’espèce des singes mangani évoquée dans l’œuvre de Burroughs est inconnue de la science). Le film ne restera probablement pas dans les annales, mais ce spectacle familial au charme rétro est éminemment sympathique. Nulle raison de le bouder donc.
1h 50 Et avec Djimon Hounsou, Osy Ikhile, Mens-Sana Tamakloe, Antony Acheampong, Casper Crump, Ben Chaplin…

BANDE-ANNONCE

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Singes
trioEau
Prisonnière
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