EDDINGTON

Descendu en flammes par la critique lors de sa présentation au festival de Cannes dernier, où il était en compétition, l’impopulaire Eddington a réussi à inverser la tendance au point de s’imposer trois mois plus tard comme « Le film de l’été 2025. » Ce n’est que justice pour le quatrième long-métrage du réalisateur des cauchemardesques Hereditary, Midsommar et Beau Is Afraid. Ici, il se penche sur le cas de l’Amérique au temps du Covid, tournant selon lui de l’histoire d’une société qui ne fait plus la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.  Emmenée par un Joaquin Phoenix littéralement possédé, cette satire hystérique aux allures de western, aussi drôle que flippante, est surtout terriblement pertinente.(PAS DE SPOILERS DANS CET ARTICLE)

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« Comment en est-on arrivé là ? »

 

EDDINGTON

Ari Aster
2025
Dans les salles françaises depuis le 16 juillet 2025

Mai 2020. Quelques jours après le meurtre de George Floyd à Minneapolis, les États-Unis font face à des émeutes et des manifestations antiracistes. Mais ce qui préoccupe surtout Joe Cross (Joaquin Phoenix), shérif de la petite ville d’Eddington au Nouveau-Mexique, ce sont les mesures pour limiter la propagation du Covid-19 (distanciation, port du masque…) mises en place par le maire (Pedro Pascal) qu’il a dans le collimateur depuis longtemps…

Le chaos. C’est à cela que ressemble le dernier opus en date de Ari Aster, cinéaste américain réputé pour ses fims horrifiques et malaisants. Avec Eddington, son quatrième long-métrage, le quadragénaire s’attaque cette fois aux dérives de l’Amérique, à la fracture sociale (le Civil War de Alex Garland, n’est pas loin), et met dans une même cocotte-minute tous les fléaux modernes : addiction aux réseaux sociaux, débilité, racisme, wokisme, anti-wokisme, complotisme, désinformation, paranoïa, corruption, violence… Dans une ville en vase clos, deux personnalités s’affrontent : un maire progressiste qui favorise l’implantation d’un data center, et un shérif pétri de névroses et de rancœurs, époux d’une femme dépressive et épié par une belle-mère conspirationniste. L’obligation du port du masque sera chez ce gardien de la paix au bord de l’implosion (et asthmatique de surcroît…) la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Joaquin Phoenix, déjà de Beau Is Afraid, s’en donne à cœur joie dans la peau de ce loser frustré qui part en vrille. Son comportement erratique et absurde (puis extrême) suscite souvent l’hilarité. Pedro Pascal est impeccable en maire pas si propre sur lui qui ne cesse d’humilier et de damer le pion à son rival. Dans ce western magnifiquement photographié par Darius Khonji, où le téléphone portable a remplacé les armes à feu, quasiment chaque personnage est, à sa manière, un syndrome de la déliquescence de la société contemporaine. Chronique d’une catastrophe annoncée, Eddington, excessif et outré (l’épilogue est carrément grotesque), est un miroir à peine déformant de son époque et d’un monde en perdition dont le sort est entre les mains de psychopathes avérés. Hélas, c’est le nôtre.

 À noter qu’Eddington n’existe pas. La ville du Nouveau-Mexique qui sert de décor au film se nomme en réalité Truth or Consequences. Ironie ? On ne sait pas…

2 h 28. Et avec Emma Stone, Austin Butler, Luke Grimes, Michael Ward, Deirdre O’Connell, Clifton Collins Jr., Matt Gomez Hidaka, William Belleau, Amelie Hoeferle, Cameron Mann…