Le film qui a révélé Alejandro Amenábar, le petit prodige espagnol, réalisateur des remarquables Ouvre les yeux et Les Autres, s’offre la Haute Définition. Ce thriller à suspense, avec le snuff movie en guise de MacGuffin, est accompagné d’une introduction et d’une interview récente du cinéaste, qui revient généreusement sur l’aventure de ce tournage enthousiaste et juvénile, entre cinéphilie et système D.
Tesis
Alejandro Amenábar
1996 (DVD/Blu-ray parus le 25 juin 2014 chez Carlotta Films)
Etudiante en sciences de l’information, Angela (Ana Torrent) prépare une thèse sur la violence audiovisuelle et sollicite l’aide de Chema (Fele Martínez), un étudiant adepte de films gore. Elle demande également à son directeur de thèse de lui dénicher des films ultra-violents dans les archives de la vidéothèque de la faculté, auxquelles elle n’a pas accès. Le lendemain, la jeune fille découvre le vénérable professeur mort d’une crise cardiaque dans la salle de projection de l’université. Au lieu de signaler le décès, elle dérobe la cassette qu’il était en train de visionner…
Après Pedro Almodovar, Alejandro Amenábar est probablement le réalisateur espagnol contemporain le plus connu dans le monde. Pourtant, malgré des débuts fracassants, le cinéaste d’Ouvre les yeux et des Autres, chefs-d’œuvre du fantastique, n’est pas des plus prolifiques (il a réalisé cinq longs-métrages en dix-huit ans). En attendant son retour programmé pour 2015 avec l’alléchant Regression, un thriller horrifique qui réunit Ethan Hawke et Emma Watson, on se réjouit de cette superbe réédition en version remasterisée HD de Tesis, son premier long-métrage, qui en a le charme, la fraîcheur et les défauts, mais demeure un petit bijou d’angoisse. Première idée de génie : confier le rôle principal à Ana Torrent, l’inoubliable petite interprète de Cria Cuervos et de L’esprit de la ruche. Ses grands yeux interrogateurs et son minois de biche apeurée font merveille dans ce thriller manipulateur, inquiétant et tendu, où chacun avance masqué. Deuxième trouvaille : situer l’intrigue dans une université (celle de Madrid, dans laquelle Amenábar était alors étudiant en sciences de la communication), et en faire un décor anxiogène, avec ses dédales de couloirs uniformes et déserts et son labyrinthe souterrain. Film à petit budget écrit par Alejandro Amenábar et son complice Mateo Gil, Tesis a bénéficié de l’implication d’une équipe enthousiaste et ingénieuse qui s’est pliée sans rechigner au tournage éreintant imposé par le cinéaste d’à peine vingt-trois ans. Les sens du rythme, de la mise en scène et du cadrage exercés dans ses premiers courts-métrages de genre sont parfaitement développés dans ce film qui multiplie les supports visuels. Grand admirateur d’Alfred Hitchcock, Amenábar y maîtrise déjà les faux-semblants et les effets de suspense. Même la bande originale, dont il est le compositeur, renoue avec le style de Bernard Herrmann. Et si le thème sulfureux du snuff movie (films dans lesquels des personnes sont torturées et tuées en direct) est l’alibi pour se livrer à un exercice de style purement hitchcockien, il est abordé avec suffisamment d’intelligence pour amener une réflexion sur le pouvoir des images et de la violence, et la fascination malsaine qu’elles suscitent. Enfin, il émane de ce thriller palpitant une formidable sensualité due au charisme des trois jeunes acteurs principaux (les scènes de séduction entre les personnages campés par l’ambiguë Ana Torrent et le ténébreux Eduardo Noriega sont particulièrement réussies). En 1997, Tesis a été couronné par sept Goyas (les César espagnols), dont celui du Meilleur film. Un an plus tard, dans le terrifiant Ring, de Hideo Nakata, il sera à nouveau question d’une cassette vidéo qui tue, mais c’est une autre histoire…
Test DVD :
Interactivité****
Outre la courte et sympathique introduction au film par le réalisateur, cette édition est enrichie d’une interview d’Alejandro Amenábar (40 minutes) réalisée en 2014 par Robert Fischer. Le metteur en scène espagnol parle sans langue de bois de sa carrière, de ses influences, et revient largement sur l’expérience gratifiante que fut le tournage de Tesis, délivrant au passage des conseils aux aspirants cinéastes. On peut également profiter du making of d’époque (22 minutes) avec analyses de scènes clés à l’appui. On ne négligera pas les sept minutes de scènes inédites enchaînées et non restaurées. La bande-annonce originale complète le programme.
Image ****
Format : 1.85
Très belle restauration en HD, qui respecte les caractéristiques de la photo originale. L’image est propre, les contrastes bien gérés et la compression quasi parfaite.
Son : ****
DD 5.1 en espagnol
Sous-titres français non imposés
Seule piste proposée, ce DD 5.1 dynamique et enveloppant met efficacement en valeur les effets sonores et musicaux, et se fait très immersif.