Ce n’est pas Damien Chazelle qui dira le contraire, Hollywood et ses mythes sont une formidable source d’inspiration pour les cinéastes et scénaristes. Après Feud : Bette and Joan et Hollywood, il faut se ruer sur ce bijou de mini-série, disponible sur Paramount+ depuis la fin décembre. Adaptée des mémoires du producteur Albert S. Ruddy, elle narre la genèse et l’histoire rocambolesque du tournage du Parrain, de Francis Ford Coppola. On y découvre qu’entre les intrigues des mafieux et des hommes d’affaires, les états d’âme des artistes en questionnement et les humeurs de Frank Sinatra, l’existence même de ce classique tient du miracle. Un régal.
(Click on the planet above to switch language.)
« Hey, who is that guy ?
– Bob Evans, head of Paramount. That guy’s more connected than God, and yeah, he’s always that tan. »
THE OFFER
Leslie Greif et Michael Tolkin
2022
Première diffusion sur Paramount+ en avril 2022 aux USA et le 1er décembre 2022 en France
Dans les années 60, Albert S. Ruddy (Miles Teller) est programmateur au sein d’un laboratoire d’idées, la Rand Corporation, mais rêve de cinéma. Par l’entremise d’un ami scénariste, il rencontre l’exubérant Robert Evans (Matthew Goode), vice-président du département production de Paramount. Parallèlement, l’écrivain américain d’origine napolitaine Mario Puzo (Patrick Gallo), endetté et échaudé par l’échec de son dernier roman, se lance sur les conseils de son épouse dans l’écriture d’un ouvrage susceptible de toucher le public : un livre sur la mafia…
Il n’y avait pas de plus belle façon d’inaugurer la plateforme Paramount+ proposée pour la première fois en France par Canal+, ni de rendre hommage au Parrain, dont on a fêté le cinquantenaire en 2022. Le film de Francis Ford Coppola a non seulement remporté trois Oscars en 1973 — Meilleur film, Meilleur acteur (Marlon Brando) et Meilleur scénario adapté — sur onze nominations, mais il est unanimement considéré comme l’un des cinq plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma. The Offer permet de découvrir à quel point sa création ne fut pas un chemin de roses. Écrite par Michael Tolkin, auquel on doit le scénario de The Player, formidable satire sur les coulisses d’Hollywood réalisée par Robert Altman, elle reconstitue cette aventure extraordinaire avec brio et un sens de l’ironie qui fait mouche. Si tout le monde associe le nom de Coppola au Parrain, peu connaissent celui de son producteur, Albert S. Ruddy, sans qui ce film-là n’aurait pu voir le jour. Sans expérience, mais avec la passion et l’ambition chevillées au corps, ce jeune homme audacieux s’est démené pour que les coscénaristes (Francis F. Coppola et Mario Puzo) puissent porter leur vision à l’écran. Ruddy, incarné ici par le solide Miles Teller, confiera que chaque jour du tournage était le pire de sa vie. Alors que tout semblait voué à l’échec, cette tête brûlée va pourtant surmonter les obstacles (et pas des moindres, la mafia ayant dès le départ le film dans le collimateur) avec l’aide d’une jeune secrétaire-assistante aussi fougueuse que lui, et campée dans la mini-série par la formidable Juno Temple (dans un rôle similaire à celui qu’elle incarnait dans l’épatante série Vinyl). Grâce aux dialogues piquants et aux comédiens renversants, les dix épisodes fourmillent de scènes jubilatoires. En Francis F. Coppola et Mario Puzo, Dan Fogler et Patrick Gallo sont délicieusement drôles, à l’instar de Burn Gorman en Charlie Bluhdorn (l’impitoyable propriétaire de Paramount), et Colin Hanks, en cadre dirigeant tête à claques du studio (personnage résultant d’un mélange de plusieurs personnalités de l’époque). Jake Cannavale (frère de Bobby) et Giovanni Ribisi (en Joe Columbo) font des mafieux touchants tandis que Justin Chambers impressionne en Marlon Brando. Mais la palme revient à Matthew Goode. Il incarne un Robert Evans flamboyant, playboy tantôt génial tantôt pathétique, producteur des futurs Chinatown et Marathon Man. L’acteur britannique (excellent dans Match Point, A Single Man, Downton Abbey ou The Crown), est tout à fait semblable à la description d’Evans faite par Peter Biskin dans son livre sur le Nouvel Hollywood (c’est aussi son titre), et qui ne manque pas de sel :
« Exubérant et ambitieux, il était effectivement furieusement beau. Bronzé toute l’année, des dents blanches éblouissantes, les cheveux en arrière, il ressemblait un peu à Robert Wagner… Evans était l’homme de ces dames. S’il n’avait pas eu la chance de rencontrer Charlie Bluhdorn, il aurait probablement passé sa vie à faire le gigolo en escortant des douairières à travers tous les spas d’Europe. »
The Offer prend certes des raccourcis, fait la part belle aux clichés et aux fantasmes d’Hollywood circa 70, mais ces dix épisodes palpitants rendent un hommage somptueux à la création artistique et au cinéma.
Et avec Nora Arnezeder, Lou Ferrigno, Josh Zuckerman, Eric Balfour, Frank John Hugues, T.J. Thyne, Anthony Skordi, Anthony Ippolito…