LE SECRET DERRIÈRE LA PORTE

 

Carlotta publie ce mois-ci, en DVD et Blu-ray, un des plus beaux films de Fritz Lang, en version soigneusement restaurée. La psychanalyse est au cœur de ce thriller à suspense aux atours fantastiques, divinement servi en 1947 par une des actrices fétiches du cinéaste : Joan Bennett.

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Le secret derrière la porte (Secret Beyond The Door)

Joan Bennettt as Celia Lamphere in SECRET BEYOND THE DOOR (1948, Fritz Lang).

Fritz Lang
1947 (DVD/Blu-ray Nouveau master restauré paru chez Carlotta Films le 20 mars 2014)

En vacances au Mexique, Celia Barrett (Joan Bennett), riche héritière new-yorkaise, tombe sous le charme de Mark Lamphere (Michael Redgrave), un séduisant architecte américain. Le coup de foudre est réciproque et ils se marient aussitôt. Le bonheur est de courte durée. En pleine lune de miel, Mark part précipitamment à New York pour des raisons obscures. Il demande à son épouse de l’attendre dans son manoir de famille sur la côte Est. Dans cette demeure austère, Celia découvre la face cachée de l’homme qu’elle vient d’épouser : sa première femme est morte dans des circonstances mystérieuses, et il a un fils dont il lui a caché l’existence. Comble d’étrangeté, Mark a une passion singulière : il reconstitue, dans la maison, des pièces qui ont été le théâtre d’un meurtre…

Quatrième et dernière collaboration de l’actrice Joan Bennett avec Fritz Lang après les remarquables Chasse à l’homme, La femme au portrait et La rue rouge, Le secret derrière la porte rejoint par bien des aspects, formels et narratifs, le cinéma d’Alfred Hitchcock. A la différence des drames précités, le fantastique s’invite ici d’emblée. Le mystère fait son apparition dès les premières minutes, avec la voix-off de Celia, qui, l’espace d’un instant, a ressenti le souffle de la mort autour de l’homme dont elle vient de s’éprendre. Comme dans un conte initiatique (on pense inévitablement à Barbe Bleue), l’héroïne va devoir affronter une série d’épreuves, tandis qu’elle s’interroge sur la véritable personnalité de son époux, au comportement de plus en plus étrange. Les similitudes avec Rebecca, le roman de Daphné du Maurier, dont Hitchcock a signé l’adaptation en 1940, sont également frappantes : la première épouse est décédée dans des circonstances mystérieuses ; la maison recèle des secrets, des pièces interdites, et ses occupants semblent tous avoir quelque chose à cacher… Introduites dès les premières minutes, l’angoisse et la tension vont crescendo. Lang fait se déchaîner les éléments (pluie diluvienne, éclairs, coups de tonnerre, nappes de brouillard) et multiplie les effets horrifiques venus tout droit du cinéma expressionniste allemand dont il a été un des maîtres. Le noir et blanc sied aux jeux d’ombres, et on ne compte plus les plans iconiques de la silhouette glamour de Joan Bennett se découpant dans l’obscurité des couloirs, ou ceux du visage illuminé ou inquiétant du fade Michael Redgrave (père de Vanessa Redgrave). Dans cette imagerie gothique, le personnage de Celia, très ancré dans la réalité et non dénué d’humour, détonne. Joan Bennett n’est plus la créature fatale de La femme au portrait. La femme qu’elle campe ici se distingue par son indépendance, son courage et son intelligence. L’amour pour son étrange époux est plus fort que la peur qu’il lui inspire. Pour comprendre et sauver l’homme qu’elle aime, elle sait qu’elle doit, coûte que coûte, découvrir l’origine de ses pulsions. Cinéaste du crime par excellence, Lang (comme Hitchcock) s’intéresse à la psychologie de l’assassin (voir M Le maudit). On peut regretter que les mécanismes de la névrose de Mark finissent par être décryptés de manière un tantinet simpliste, et n’y voir qu’un certain engouement du cinéaste pour la psychanalyse, alors en vogue dans le cinéma hollywoodien (Hitchcock a réalisé La maison du Dr Edwardes deux ans plus tôt). Mais tout pédagogique qu’il soit et en dépit de son échec commercial, Le Secret derrière la porte demeure un film intense et flamboyant, porté par une Joan Bennett au sommet de son art.

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 Test DVD :

Interactivité**
Le film est suivi d’un très beau portrait de l’actrice Joan Bennett, dont le texte, de Christian Viviani, est paru dans Positif en 1991 (10 minutes). Un second document (17 minutes) est consacré aux réflexions pertinentes de Fritz Lang sur la fascination de l’être humain pour le meurtre et la sienne en particulier. Ses propos sont extraits de son entretien avec Alfred Eibel publié dans le livre Trois lumières, écrits pour le cinéma. Un diaporama complète le programme.

Image ***
Format : 1.33
Belle restauration, qui permet de redécouvrir le film dans des conditions idéales. Les contrastes de ce noir et blanc sont saisissants, même si quelques plans sont parfois un peu granuleux.

Son : ***
DD 1.0 en anglais sous-titré français
Sous-titres français imposés
Fidèle à la piste d’origine, ce Mono, très propre, est satisfaisant. Les dialogues sont clairs. Les effets sonores et la musique bénéficient d’un beau relief.

Les fans de Fritz Lang et de Joan Bennett pourront également se tourner vers l’excellente édition DVD de la collection Classics Confidential de Wild Side Video, qui regroupe La rue rouge et La femme au portrait, accompagnés d’un livre de Jean-Ollé Laprune.

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