TASK la mini-série

Si vous avez aimé Mare Of Easttown, vous adorerez la nouvelle création de Brad Ingelsby, un polar sur fond de drames familiaux dans la Pennsylvanie des cols-bleus. Un bijou, porté par des comédiens remarquables. (Pas de spoilers dans cet article) 

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« Even if I wanted to go home, I don’t know the way no more. »

  

TASK

Mini-série américaine créée par Brad Ingelsby
2025
Diffusée sur HBO Max depuis le 7 septembre 2025

Dans une banlieue industrielle de Pennsylvanie, Tom Brandis (Mark Ruffalo), agent du FBI en arrêt-maladie, doit reprendre du service pour diriger une équipe spéciale (une task force ou « force opérationnelle »). Sa mission : arrêter une bande de cambrioleurs qui sévit depuis plusieurs mois dans le comté et reste introuvable. Et pour cause, son leader, Robbie Prendergrast (Tom Pelphrey), est un père de famille insoupçonnable. Cet éboueur revanchard a entrepris de détrousser les dealers membres du gang de bikers local pour assurer le futur de ses enfants. Un braquage foireux va cependant mettre sa petite entreprise en péril…

Brad Ingelsby serait-il en passe de devenir le showrunner le plus prisé d’Hollywood ? Quatre ans après Mare Of Easttown, récompensée aux Golden Globes et aux Emmy Awards, voici Task, la nouvelle mini-série très réussie créée par cet originaire du Delco (comté de Delaware, dans l’État de Pennsylvanie), très attaché à la région. La mini-série de sept épisodes met en parallèle deux hommes éprouvés par la vie, chacun du côté opposé de la loi, mais non sans points communs. Comme dans Mare Of Easttown, qui se déroule au même endroit, la famille est au cœur du récit. Tom Brandis et Robbie Prendergrast doivent chacun surmonter une tragédie personnelle, et sont attachés à leur progéniture. L’art de Brad Ingelsby réside dans la manière dont il développe ses personnages, très soucieux de leur authenticité et de leur humanité.

Ses polars regorgent d’émotion, de poésie et de réflexions sur le sens de la vie. Ici, il est aussi question de spiritualité. Tom Brandis est un ancien prêtre qui a intégré les rangs de la police (le personnage est inspiré d’un membre de la famille d’Ingelsby). C’est un flic plein de compassion qui croît au bien et à la rédemption. Mark Ruffalo, cheveux grisonnants et kilos en trop, campe magistralement ce veuf brisé, qui noie son désespoir dans l’alcool, mais s’applique à accomplir sa mission. Il doit en outre pallier le manque d’expérience de certains membres de sa petite équipe, dépêchés en urgence. Ils sont incarnés par Alison Oliver, Fabien Frankel (vu dans House Of The Dragon) et Thuso MBedu. Mais si l’ensemble de la distribution excelle, les performances les plus impressionnantes restent celles de Tom Pelphrey (déjà épatant dans Ozark) et de Emilia Jones (interprète de Maeve, la nièce avisée de Robbie). Ces deux-là sont littéralement bouleversants. Tout comme Nic Pizzolatto, qui a imprégné l’anthologie True Detective de la culture locale de Louisiane, sa région, Brad Ingelsby se plaît à dépeindre celle du Delco, l’Amérique des cols-bleus, des gens simples. Ça ne l’a pas empêché de se distinguer aussi avec le scénario de The Lost Bus, reconstitution de l’incendie meurtrier de Camp Fire, survenu en 2018 en Californie et habilement mis en scène, en 2025, par Paul Greengrass, avec Matthew McConaughey en chauffeur de bus héroïque (le film est disponible sur Apple TV.
7 épisodes. Et avec Martha Plimpton, Phoebe Fox, Jamie McShane, Ben Lewis Doherty, Sam Keeley, Silvia Dionicio, Margarita Levieva…

DARK WATERS

C’est Mark Ruffalo, l’interprète de Hulk dans la récente saga Marvel, qui est à l’origine de ce thriller judiciaire environnementaliste inspiré de faits réels, dans la lignée des films engagés d’Alan J. Pakula ou Sidney Lumet. En acteur et producteur futé, il a confié la mise en scène au talentueux réalisateur de Safe, Velvet Goldmine, Loin du Paradis ou Carol, qui a rendu cette aventure humaine passionnante et incroyablement cinématographique.

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« Le système est corrompu. On nous fait croire qu’il nous protège, mais c’est faux. Nous nous protégeons nous-mêmes, nous et personne d’autre. Ni les compagnies, ni les scientifiques, ni le gouvernement. Nous. »

 

Dark Waters

Todd Haynes
2019
Dans les salles françaises depuis le 26 février 2020

Le jeune et modeste avocat Robert Bilott (Mark Ruffalo) vient d’être promu dans un prestigieux cabinet d’affaires de Cincinnati (Ohio) spécialisé dans la défense de l’industrie chimique. Un matin de 1998, il est sollicité par un fermier de la petite ville de Parkersburg, en Virginie-Occidentale, celle de sa grand-mère et dont il est originaire. L’éleveur, photos édifiantes à l’appui, accuse l’usine du puissant groupe DuPont, premier employeur local, d’empoisonner l’eau et la terre, et d’être responsable de la mort de quasiment tout son cheptel. Non sans réticence, et surtout par égard pour sa grand-mère, Rob accepte de se rendre sur place. Il va découvrir que la contamination ne touche pas seulement les animaux…

Ça commence comme un film d’horreur des années 70, par un bain de minuit de jeunes gens dans une rivière à l’apparence inoffensive. Mais ici ni requin ni piranhas, juste une substance chimique toxique invisible. Nous sommes en 1975. Dès son ouverture Dark Waters en appelle aux codes et à l’esthétique de cette période du cinéma engagé, symbolisés par Klute, Les Hommes du Président ou Les trois jours du condor. Le gris sera la couleur dominante, celle des tours d’acier de Cincinnati, du ciel plombé de Parkersburg, où le scandale sanitaire a éclaté, jusqu’à la mine de Rob Billot, incarné par un Mark Ruffalo sombre, sourcilleux et inquiet. Basé sur l’article de Nathaniel Rich « The Lawyer Who became DuPont’s Worst Nightmare » (L’avocat devenu le pire cauchemar de DuPont) publié en 2016 dans le New York Times Magazine, le film reconstitue les événements avec une authenticité et une méticulosité stupéfiantes. La mise en scène de Todd Haynes, volontairement anti-spectaculaire, est presque procédurière. Elle permet de suivre avec passion les pérégrinations de cet avocat intègre, d’abord acharné à comprendre un sujet qu’il ne maîtrise pas (les substances ont des dénominations nébuleuses — PFOA, PFOS…), puis bien décidé, alors que la partie adverse lui met constamment des bâtons dans les roues, à faire éclater la vérité. Rien ne peut détourner Rob de sa mission : ni les avertissements de ses collègues cyniques, ni la lenteur des procédures, ni son épouse (excellente Anne Hathaway) que cette quête de justice qui tourne à l’obsession inquiète. La caméra de Todd Haynes saisit admirablement les états d’âme de cet homme que rien ne destinait à devenir le chevalier des laissés pour compte. Elle navigue entre les gratte-ciels de Cincinnati et les zones rurales de Virginie-Occidentale où la misère sociale saute au visage. Les formidables Tim Robbins, Bill Pullman, Bill Camp, Victor Garber ou Mare Winningham contribuent à la réussite de ce thriller d’investigation aussi haletant que militant. Tout aussi désireux de rendre hommage à une communauté gravement exposée durant plusieurs décennies que de mettre en garde contre les pratiques criminelles de l’industrie chimique dans le monde – toujours soutenue aujourd’hui par les institutions publiques – Mark Ruffalo a travaillé main dans la main avec le vrai Robert Bilott. Ici, pas de happy end à la Erin Brockovich, le constat est glaçant : « Nous sommes tous contaminés. » Ironie, même si c’est tout sauf drôle, de l’histoire : la Virginie Occidentale soutient massivement Donald Trump, dénué de conscience écologique, qui se félicite d’avoir fait abroger bon nombre de régulations de santé publique mises en place sous Barack Obama.
2 h 06 Et avec Louisa Krause, William Jackson Harper, Bruce Cromer…