BREAKING AWAY (La bande des quatre)

Invisible depuis presque quatre décennies, le teen movie mis en scène en 1979 par le réalisateur de Bullitt est à l’honneur dans les salles obscures ce mois-ci, grâce à une splendide version restaurée. L’occasion de (re) découvrir cette comédie sociale atypique, un film initiatique subtil, drôle et émouvant, porté par un quatuor de jeunes acteurs extrêmement attachants.

« He’s never tired, he’s never miserable.
– He’s young !
– When I was young, I was tired and miserable. »

 

Breaking Away (La bande des quatre)


Peter Yates
1979
En version restaurée dans les salles françaises depuis le 31 octobre 2018

A Bloomington, ville étudiante de l’Indiana, Dave (Dennis Christopher), Mike (Dennis Quaid), Cyril (Daniel Stern) et Moocher (Jackie Earle Haley) partagent leur temps entre les parties de baignade dans une carrière abandonnée et les filles, et ne savent toujours pas, un an après avoir quitté le lycée, ce qu’ils vont faire de leur vie. Pour ces quatre amis issus de la classe ouvrière, côtoyer les étudiants de milieux plus favorisés qui les prennent volontiers de haut, ne va pas sans mal. Lorsque Dave, passionné par l’Italie et le vélo, se met en tête de participer à la course cycliste organisée par l’université, les tensions montent…

En 2016, à la sortie de son Everybody Wants Some!!, portrait nostalgique de jeunes étudiants du début des eighties, Richard Linklater ne tarissait pas d’éloges à propos de Breaking Away. Pourtant, en 1980, trois nominations et l’Oscar du Meilleur scénario original n’ont pas suffi pour que le film de Peter Yates, rebaptisé en France La bande des quatre, obtienne en salles le succès auquel il pouvait prétendre. Boudé par le public à cette époque, le film a ensuite disparu durant des décennies. Il se révèle aujourd’hui dans toute sa splendeur et sa fraîcheur, intacte. C’est même avec un certain émerveillement qu’on découvre cette chronique sociale qui regorge d’humanité et d’humour. Bien qu’ancré dans son époque (la fin des seventies), Breaking Away possède une véritable dimension universelle, comme tous les films réussis sur le passage à l’âge adulte, tels La fureur de vivre ou American Graffiti, et son classicisme le rend presque intemporel. Il en émane un vrai parfum d’authenticité, dû au scénario quasiment autobiographique de Steve Tesich, qui fut étudiant à l’Université de Bloomington. Le personnage de Dave est directement inspiré d’un de ses camarades, Dave Blase, cycliste et féru de culture italienne, avec lequel il a même participé à des compétitions (Blase joue le speaker de la course dans le film). Le contexte économique de cette région de l’Indiana (fermetures d’usines, ici de la carrière), l’amertume des ouvriers licenciés et requalifiés, et les tensions entre les étudiants riches venus d’ailleurs et la jeunesse locale déclassée, surnommée dans le film  « Cutters » (les tailleurs de pierres), sont ainsi décrits avec acuité. Mais si Breaking Away apparaît aussi atypique, c’est également grâce à la personnalité de son réalisateur, Peter Yates. Le cinéaste britannique encensé de Bullitt a effectué la majeure partie de sa carrière aux Etats-Unis, mais il a fait ses classes en Angleterre auprès de Tony Richardson, à la grande époque du Free Cinema. On en retrouve dans le film certaines caractéristiques, dont un certain penchant pour le réalisme (on pense inévitablement à  La solitude du coureur de fond, réalisé par Richardson en 1962). Ici, pas de dramatisation forcée, pas de « glamourisation », pas non plus de bande-son truffée de tubes d’époque (Yates a opté pour la musique classique). Cette peinture de la jeunesse ne tombe dans aucun cliché. Tout en rêvant de vengeance sociale, les protagonistes ne sont pas vraiment rebelles, et leurs relations avec les adultes se règlent souvent avec bienveillance, et par des traits d’humour bon enfant. Enfin, si Breaking Away va bien au-delà de la thématique du sport, Yates a filmé toutes les scènes de vélo de main de maître, procurant au spectateur une sensation de vitesse inouïe, et la course finale, pleine de suspense, est, à elle seule, un petit bijou. De ce quatuor d’acteurs prometteurs, seul Dennis Quaid hélas obtiendra la notoriété. Dennis Christopher, qui campera le formidable cinéphile meurtrier de Fondu au noir (Fade To Black) en 1980, sera injustement sous-exploité par la suite. Daniel Stern sera cantonné à des comédies inégales, et Jackie Earle Haley aux personnages horrifiques. Les revoir ici éclatants de jeunesse rend ce film solaire et immensément attachant, encore plus précieux.
1h 41 Et avec Barbara Barrie, Paul Dooley, Robyn Douglass, Hart Bochner, P. J. Soles, Amy Wright…

BANDE-ANNONCE

 

 

 

A noter qu’en 1980, le film sera décliné en une série télévisée homonyme, dans lequel Barbara Barrie et Jackie Earle Haley reprendront leur rôle (celui de Dave étant interprété par Shaun Cassidy). Breaking Away version TV ne durera qu’une saison (huit épisodes).

 

 

Everybody Wants Some!! critique AFAP