(AU) REVOIR DELON

 

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Le plus romanesque des acteurs français s’en est allé, presque sur la pointe des pieds. Tel un héros de Stendhal, il aura eu une fin aussi triste que ses débuts ont été éclatants. Le jeune loup ambitieux et arriviste avait fait le pari de la flamboyance, mais il a oublié d’être sage. La vieillesse ne lui seyait pas. Qu’importe ! Il a connu la gloire et a été adoré. Détesté aussi, par certains. Tant pis pour eux. Ils n’ont rien compris. Alain Delon n’était pas parfait, loin de là. Père destructeur, injuste souvent, cruel parfois, notamment envers Ari, le fils qu’il avait eu avec Nico, la mythique chanteuse du Velvet Underground, qu’il a jusqu’au bout refusé de reconnaître malgré l’évidence. Outre ses amitiés parfois douteuses, Delon avait un goût immodéré pour les déclarations grandiloquentes : une sincérité maladroite qui passait pour de l’arrogance et régalait ses détracteurs. Et pourtant, cet homme-là a été aimé d’un amour indéfectible par ses amis et les femmes de sa vie, et plus particulièrement par Mireille Darc, son âme sœur, une belle personne qui fut sa compagne pendant quinze ans et à qui on ne pouvait pourtant rien imposer. Elle disait de lui que les fées s’étaient penchées sur son berceau et lui avaient tout donné, sauf la clé du bonheur : « Il trimballe sur ses épaules les blessures profondes qui remontent à l’enfance. ». Jusqu’à sa mort survenue en 2017, Mireille a joué les anges gardiens de cet être complexe mû par une certaine idée de l’honneur et de la fidélité. Derrière cette assurance et cet orgueil démesuré — car Delon était très conscient de l’effet qu’il produisait — l’acteur laissait transparaître l’âme du gamin solitaire qu’il avait été. Son regard était triste, tourmenté. Il en émanait une mélancolie qui conférait à ses personnages une profondeur parfois déchirante dont Clément, Melville ou Visconti ont si bien su tirer parti.

 

Depuis le décès d’Alain Delon, survenu le 18 août dernier, les salles obscures et les chaînes de télévision multiplient les diffusions de ses plus beaux films (sur les quelques quatre-vingt-dix dans lesquels il a tourné). Les jeunes générations vont pouvoir découvrir que Delon n’était pas que le César d’Astérix et Obélix aux jeux olympiques, celui qui se parodiait lui-même en 2008 dans un monologue à la fois drôle et pathétique. Hélas, l’acteur n’aura pas eu la chance, comme son ami Belmondo, d’avoir un Itinéraire d’un enfant gâté, un film testament qui aurait pu anoblir sa fin de carrière. De fait, pour aborder la légende Delon, il faut impérativement rembobiner, revenir aux années soixante et soixante-dix. Deux décennies grandioses. On peut ainsi revoir l’audacieux Plein soleil (1960), le film par lequel tout a commencé. Le nombre de gros plans sur le visage de Delon reflète la fascination du réalisateur René Clément pour cet acteur d’instinct, animal, à la beauté saisissante. Même Patricia Highsmith, l’auteur du livre (Monsieur Ripley), a chanté les louanges de cette adaptation très libre et plus ambiguë qu’elle n’aurait osé l’imaginer. Cette beauté du diable, totalement assumée par le comédien, a inévitablement fait chavirer l’esthète Luchino Visconti qui le dirigera dans deux chefs-d’œuvre : Rocco et ses frères et Le Guépard. Clément profitera encore de l’ambiguïté et du magnétisme de l’acteur dans Les Félins, où il donne la réplique à une mutine Jane Fonda. Delon joue à cette époque sur tous les tableaux, alignant films d’auteur et cinéma populaire. Il sublime L’Éclipse, d’Antonioni et éblouit dans Mélodie en sous-sol de Verneuil, aux côtés de Jean Gabin, qu’il vénère. Et puis, en 1967, dans Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville, il campe Jef Costello, peut-être le rôle de sa vie. Ce tueur à gages mutique, beau et élégant va faire de lui une icône internationale, et notamment en Asie. Considéré comme un dieu vivant au Japon, Delon a aussi été (et est toujours) la référence ultime pour le cinéma d’action hongkongais et coréen (The Killer, de John Woo, Vengeance de Johnnie To, A Bittersweet Life de Kim Jee-woon…). Sous la direction de Melville, il tournera encore le fabuleux Cercle rouge et l’intrigant Un flic. Dans cet ultime film du réalisateur qui débute par une inoubliable séquence de braquage à Saint-Jean-de-Monts, sous une pluie battante, l’acteur campe pour la première fois un rôle de policier, ce qui deviendra chez lui une habitude. Il y apparaît tout aussi taiseux, froid et ambigu. Puis il y aura les remarquables Les Aventuriers, La Piscine, Le Clan des Siciliens, Le Professeur, Monsieur Klein, L’homme pressé… Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ne furent pas aussi fécondes. Déjà producteur, ce control freak s’est également pris pour un réalisateur, et a fait preuve d’un manque de discernement dans ses collaborations. Quelque part, son heure était passée. Et puis, il ne s’est jamais remis de la disparition de ses mentors, amours et amis : Jean Gabin, Lino Ventura, Romy Schneider, Maurice Ronet, Mireille Darc… Il les a rejoints au paradis des monstres sacrés, dont les noms évoquent une France et un cinéma disparus. Delon était le dernier des géants. Il demeurera une icône. Désormais, il ne reste plus que des comédiens.

 


Avec Marie Laforêt dans Plein soleil, de René Clément (1960)

 


Avec Annie Girardot dans Rocco et ses frères,de Luchino Visconti (1960)

 


Avec Monica Vitti dans L’Éclipse,de Michelangelo Antonioni (1962)

 

Dans Le Guépard, de Luchino Visconti (1963)

 


Avec Jean Gabin dans Mélodie en sous-sol, d’Henri Verneuil (1963)

 


Dans Les Félins, de René Clément (1965)

 


Avec Lino Ventura dans Les Aventuriers, de Robert Enrico (1967)

 


Dans Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville (1967)

 

Avec Romy Schneider dans La Piscine, de Jacques Deray (1968)

 

Dans Le Clan des Siciliens, d’Henri Verneuil (1969)

 


Dans Le Cercle rouge, de Jean-Pierre Melville (1970)

 


Avec Catherine Deneuve dans Un Flic, de Jean-Pierre Melville (1972)

 


Dans Le Professeur, de Valerio Zurlini (1972)

 


Avec Suzanne Flon dans Mr Klein, de Joseph Losey (1976)

 


Avec Mireille Darc dans L’Homme pressé, d’Édouard Molinaro (1977)

 


Alain Delon, Palme d’Or d’honneur du festival de Cannes 2019 (© A. Thuillier / AFP)

 

WILLIAM FRIEDKIN EN 7 FILMS

©Capital Pictures KCS Presse

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Il faisait partie du clan des réalisateurs du Nouvel Hollywood, celui de la première vague, incluant Peter Bogdanovich, Robert Altman, Arthur Penn, Al Ashby ou John Cassavetes. William Friedkin était né en 1935 à Chicago, dans une famille modeste d’origine ukrainienne. Sa grande taille (1m 83) et son talent de basketteur lui ont fait, un temps, envisager une carrière de sportif professionnel. Il changera d’avis en découvrant Citizen Kane. Le film d’Orson Welles va exercer sur lui une véritable fascination et déclencher sa vocation de cinéaste. À seize ans, il est coursier pour une chaîne de télévision locale. Il ne mettra pas longtemps avant de réaliser des émissions en direct. Cette expérience va forger son style, très proche du documentaire, qui le distinguera tout au long de son parcours.

C’est d’ailleurs avec un documentaire qu’il se fait remarquer en 1962 : The People Vs Paul Crump est un plaidoyer en faveur d’un jeune homme noir condamné à mort pour avoir tué un vigile. Le téléfilm va mettre en exergue les défaillances de l’enquête au point que le dossier sera réévalué, permettant à l’accusé d’échapper à la peine capitale. Comme ses compatriotes réalisateurs, Friedkin n’échappe pas à l’influence de la Nouvelle Vague française et du cinéma italien en pleine effervescence (Godard et Fellini en tête) et ses premiers longs-métrages en seront fortement influencés. Le journaliste Peter Biskind, spécialiste du Nouvel Hollywood, raconte que c’est la rencontre avec le vétéran Howard Hawks, dont il fréquentait la fille Kitty, qui va pousser le jeune cinéaste à stopper là ses divagations. En 1971, il fait volte-face et réalise un monument, The French Connection. Ce polar urbain, réaliste et quasi-révolutionnaire dans son approche, va remporter cinq Oscars dont ceux du Meilleur film et du Meilleur réalisateur. Dès lors, William Friedkin devient incontournable. Courtisé par les studios, il sait néanmoins imposer sa vision. En 1973, il enfonce le clou en portant à l’écran L’exorciste, le best-seller casse-gueule de William Peter Blatty publié deux ans plus tôt, et signe ni plus ni moins, l’un des films d’horreur les plus terrifiants de tous les temps. Mais il ne deviendra pas le chouchou des majors. Car Billy Friedkin est un franc-tireur. Sa force de caractère, son humour acerbe, il les met au service de son art qui flirte volontiers avec la noirceur. Les heurts sur ses tournages étaient légion et sa carrière ne sera pas un chemin pavé de roses.

Tournage de L’exorciste ©Warners Bros/Hoya Productions

Cinéaste éclectique, prisant les atmosphères troubles et les personnages ambigus, Friedkin sera souvent incompris de la critique. Il connaîtra un échec cuisant en 1977 avec le remake du Salaire de la peur de Clouzot, l’un de ses films fétiches. The Sorcerer, rebaptisé pour la France Le convoi de la peur, œuvre maudite en son temps, a été réhabilité depuis. Trois ans plus tard, c’est le dérangeant Cruising, l’histoire d’un flic infiltré (campé par Al Pacino) dans le milieu sado-maso gay de New York qui fera scandale. Chéri des cinéphiles, Friedkin laisse à la postérité des œuvres provocantes, et un film (bleu) noir culte, le sublime Police Fédérale, Los Angeles, qui annonce les polars de Michael Mann, originaire de Chicago lui aussi. Ce séducteur a été marié à quatre reprises, dont une fois à Jeanne Moreau, et était père de deux enfants. Une pneumonie doublée d’une insuffisance cardiaque a terrassé ce dur à cuire. Lundi 7 août, la productrice Sherry Lansing, son épouse depuis 1991, a annoncé le décès de William Friedkin à Los Angeles. Il avait 87 ans. Il venait d’achever le remake d’Ouragan sur le Caine, d’après le roman de Herman Wouk magnifiquement porté à l’écran par Edward Dmytryk en 1954. The Caine Mutiny Court-Martial, avec Kiefer Sutherland (dans le rôle autrefois tenu par Humphrey Bogart) et Jason Clarke, sera présenté à la Mostra de Venise en septembre.

 

 7 FILMS INCONTOURNABLES

 

1971 – French Connection (The French Connection)

Inspecteurs de la brigade des stups de New York, l’énervé Popeye Doyle (Gene Hackman), raciste et violent, et son adjoint Sonny Grosso (Roy Scheider) tentent de démanteler un réseau de trafic de drogue reliant Marseille à la métropole américaine. Inspiré de faits réels, le film, réaliste et tourné en lumière naturelle, bénéficie d’une mise en scène incroyablement nerveuse. Il comprend l’une des plus belles courses-poursuites de l’histoire du cinéma (avec celle de Bullitt), ici entre une voiture et le métro aérien de New York. French Connection a permis à Gene Hackman de remporter le premier Oscar de sa carrière. L’acteur rempilera pour la suite, French Connection 2, réalisée par John Frankenheimer en 1975.

 

1973 – L’exorciste (The Exorcist)

Une adolescente de douze ans (Linda Blair) est soumise à des manifestations si terrifiantes que sa mère (Ellen Burstyn), désespérée, décide d’avoir recours à un exorciste (Max Von Sydow). Cette bataille contre les forces du mal, telle que l’a imaginée l’écrivain William Peter Blatty, est prodigieusement filmée par Friedkin. Effets spéciaux efficaces, musique de Jack Nitzsche ad hoc, « Tubular Bell » de Mike Oldfield en thème creepy … Des scènes d’anthologie et une vraie épreuve physique et psychologique pour le spectateur (malaises en série dans les salles). Linda Blair ne s’en serait jamais vraiment remise.

 

1977 – Le convoi de la peur (Sorcerer)

Friedkin voulait Steve McQueen, un temps intéressé, mais qui s’est désisté pour raison sentimentale (l’acteur ne voulait pas s’éloigner d’Ali McGraw). Roy Scheider a pris le relais avec brio, mais le public n’avait que faire de ce film sombre, pessimiste, sans véritable star (Bruno Cremer, Amidou et Francisco Rabal étaient de parfaits inconnus pour le public américain), alors que La guerre des étoiles faisait un carton sur les écrans. Pourtant, cette histoire de fugitifs recherchés dans leur pays, acceptant contre une belle somme d’argent de transporter deux camions remplis de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine, était prometteuse. Et Friedkin s’en est donné à cœur joie, dépassant allègrement le budget pour satisfaire sa vision, différente de celle de Clouzot, tandis que Tangerine Dream signait la musique. Mais le territoire hostile de la République Dominicaine a compliqué la donne, et les déboires se sont accumulés, donnant au tournage des allures de celui d’Aguirre d’Herzog. Le cinéaste, perdra vingt-cinq kilos dans l’aventure, sombrera dans la dépression tout en clamant avoir réalisé son chef-d’œuvre. Réhabilité avec le temps, Le convoi de la peur, imprégné d’onirisme et de réalisme poétique, s’impose comme un film fiévreux, à la frontière de la terreur et de la folie, totalement viscéral.

 

1980 – Cruising

Infiltré dans le milieu sado-maso homosexuel de New York afin d’attraper un tueur en série qui y sévit, un inspecteur censé jouer l’appât va perdre pied. Rebaptisé La chasse en France, Cruising, inspiré du livre de Gerald Walker, a également valu bien des déconvenues à Friedkin. Les rapports entre le réalisateur et Al Pacino, désemparé par ce rôle difficile, vont être tendus. Les associations homosexuelles accuseront le cinéaste de vouloir donner une image avilissante des gays déjà fortement stigmatisés. Les activistes de cette communauté ont d’ailleurs manifesté leur colère en sabotant le tournage. La censure va ensuite se charger d’altérer la vision de Friedkin et le film sera tronqué dans sa version finale (le cinéaste n’aura de cesse de réviser sa copie au gré des sorties vidéo). Peu épargné par la critique qui, à sa sortie, l’a taxé de voyeurisme et d’homophobie, ce polar aux atours de slasher a, depuis, été revu à la hausse. En effet, le caractère sordide de cette descente aux enfers dans les backrooms, juste avant l’arrivée du sida, reste, près d’un quart de siècle plus tard, d’une authenticité troublante.

 

1985 – Police Fédérale, Los Angeles (To Live And Die In L.A.)

S’il n’en restait qu’un, ce serait celui-là. Cette série B au budget modeste, avec des acteurs inconnus à l’époque, n’avait pourtant pas soulevé l’enthousiasme à sa parution. Mais avec le temps, le film s’est imposé comme un polar magnifique, prisé des cinéphiles. Il s’agit d’une adaptation d’un roman de Gerald Petievich (ancien agent secret américain), coauteur du scénario avec Friedkin. Il narre la vendetta d’un agent fédéral (William Petersen), après que son coéquipier et ami a été abattu alors qu’il tentait de coincer un faussaire particulièrement retors (Willem Dafoe). Avec la dualité entre le flic tête brûlée qui n’hésite pas à franchir les limites de la légalité et le truand artiste vénéneux et séduisant en diable, la symbolique de la frontière fragile entre le bien et le mal, thème récurrent de l’œuvre de Friedkin, n’a jamais été aussi bien exposée. Emblématique des années 80 – avec la pop new wave de Wang Chung et la photo hyperréaliste de Robby Müller –, Police Fédérale, Los Angeles, tragique et crépusculaire, a fait du magnétique Willem Dafoe une icône.

 

2006 – Bug

Dans une chambre de motel sordide d’Oklahoma, deux êtres fracassés par la vie (Ashley Judd et Michael Shannon) en couple depuis peu de temps, sont confrontés à une étrange infestation d’insectes. Extrêmement dérangeant, ce thriller psychologique à la lisière du film d’horreur est une adaptation de la pièce à succès de Tracy Letts, dans laquelle brillait déjà Michael Shannon. Bug (insecte ou dérèglement ?) a été tourné quasiment en huis clos. La paranoïa, le combat intérieur entre le bien et le mal sont filmés avec ingéniosité par Friedkin, qui fait monter la tension à la manière d’un David Cronenberg. Les personnages, pris de démence, entrent littéralement en transe et les acteurs, habités tous les deux, sont impressionnants.

 

  

2011- Killer Joe

 

De nouveau, Friedkin s’associe avec Tracy Letts, auteur de la pièce homonyme dont l’humour noir ne pouvait que lui plaire. Au Texas, un petit délinquant (Emile Hirsh) doit rembourser une dette dans les plus brefs délais. Il entreprend de faire tuer sa propre mère pour empocher l’assurance vie. Le tueur à gages engagé est un sacré tordu (Matthew McConaughey, excellent). Il accepte à condition de prendre la petite sœur en garantie sexuelle en attendant sa rétribution. Doté d’une distribution aux petits oignons (Gina Gershon, Juno Temple, Thomas Hayden-Church…), ce film déjanté ne fait pas dans la dentelle. Personnages bas du front de l’Amérique profonde, famille dysfonctionnelle à souhait, tueur froid comme la mort mais sentimental dans le fond… Une farce d’une violence inouïe. Du William Friedkin pur jus.

Les revenants : 1 – TULSA KING

 PARCE QUE STALLONE SERA TOUJOURS STALLONE

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Certes, Sylvester Stallone n’avait pas vraiment disparu, mais ses deux dernières performances, dans les dispensables Rambo : Last Blood, en 2019, et Le Samaritain, en 2022, n’avaient rien d’enthousiasmant. Le créateur de Rocky et de John Rambo, dont le premier opus, faut-il le rappeler, est un chef-d’œuvre, reste malgré tout l’une des plus attachantes icônes américaines, capable du meilleur comme du pire, un outsider au regard de cocker auquel il est difficile de ne pas succomber. Grâce au plus en vue des scénaristes du moment, il fait un retour en beauté, et on s’en réjouit.

 

« This is why people break the law : because they make everything legitimate so freaking complicated. » (C’est pour ça que les gens enfreignent la loi : parce que tout ce qui est légal est un vrai casse-tête.)

 

TULSA KING Saison 1


2022
Série créée par Taylor Sheridan diffusée en France sur Paramount+ depuis le 12 février 2023

Surnommé « le Général », Dwight Manfredi (Sylvester Stallone), capo (parrain) de la mafia new-yorkaise, vient de purger une peine de vingt-cinq ans dans une prison de Pennsylvanie. À sa sortie, cet homme d’honneur, qui a refusé de balancer son boss et ses associés, pouvait s’attendre à un accueil chaleureux de la part des siens. Mais entre-temps, le fils du boss (Domenick Lombardozzi) a pris les commandes, et le respect n’est pas son fort. Pour toute récompense, Dwight est donc envoyé à Tulsa, en Oklahoma, autant dire au milieu de nulle part, avec la tâche d’y développer un empire criminel…

Tulsa King reprend peu ou prou la trame de l’excellente série Lilyhammer (voir ma critique), dans laquelle un parrain new-yorkais — campé par Steven Van Zandt — pris en charge par le programme de protection des témoins, se mettait au vert au fin fond de la Norvège. Le choc des cultures engendrait des scènes désopilantes. Tout cela fonctionne également ici. Le septuagénaire new-yorkais parachuté dans le Midwest va devoir s’acclimater et se lier avec les autochtones pour monter son business. Ni la chirurgie esthétique, ni sa carrure surdimensionnée (des épaules si larges dans des costumes si cintrés…), ni ses expressions monolithiques (une désinvolture qui s’accorde avec ses sourcils froncés et ses moues dubitatives) n’empêchent Stallone d’être impérial dans ce show jubilatoire. L’acteur voulait depuis longtemps jouer un gangster : il s’en donne donc à cœur joie dans la peau de ce personnage anachronique et cousu sur mesure par, entre autres, deux pointures de la télévision. À ma droite : Taylor Sheridan, réalisateur de Wind River, scénariste de Sicario et Comancheria, et déjà créateur des séries plébiscitées Yellowstone et 1923, avec les vétérans Kevin Costner et Harrison Ford. À ma gauche, Terence Winter, rien moins que le scénariste des Sopranos, de Boardwalk Empire ou de Vinyl. Mêlant film de gangster et western, Tulsa King est également portée par une savoureuse brochette de seconds couteaux. Andrea Savage est piquante en agent de l’ATF amoureuse sur les bords ; Martin Starr fait un truculent gérant d’une boutique de CBD ; Jay Will, un jeune chauffeur de taxi et apprenti mafieux aussi fougueux qu’inconscient ; Max Casella est tordant en truand reconverti en éleveur de chevaux, et le beau Garrett Hedlund est plus vrai que nature en propriétaire de saloon et chanteur de country à l’occasion. Flanqué de ces pieds nickelés, Dwight va tenter de faire son trou dans le business du crime local, mais les gangs implantés, le FBI et ses anciens associés vont lui mettre des bâtons dans les roues. Stallone semble se délecter à composer ce personnage sûr de lui, réac, un brin ringard et toujours à deux doigts du ridicule, s’autorisant même des répliques truffées d’autodérision (« On ne m’appelle pas “l’Étalon italien” pour rien » rétorque-t-il à la fille qu’il drague.) On adore l’ambiance un brin loufoque, les dialogues aux petits oignons et le générique dont la musique est signée par le duo Danny Bensi et Saunder Jurriaans, déjà à l’œuvre sur Ozark et Tokyo Vice. Par les temps qui courent, c’est une récréation.
La série a été reconduite pour une saison 2.
9 épisodes d’environ 40 minutes. Et avec Dana Delany, Tatiana Zappardino, Ritchie Coster, Vincent Piazza, Chris Caldovino, Emily Davis…