THE MUSKETEERS

Tombé en désuétude depuis des lustres, le genre « cape et d’épée » revient en force avec la série anglaise The Musketeers, créée en 2014 par la BBC et qui fait un tabac outre-Manche. Très librement inspirée de l’œuvre d’Alexandre Dumas, elle s’en détache pour mieux y revenir et célèbre avec brio les valeurs de camaraderie, d’héroïsme, et le romanesque du fameux roman Les trois mousquetaires. Personnages sexy et charismatiques, humour volontiers spirituel, complots en veux-tu en voilà, action et romance tous azimuts, décors somptueux… The Musketeers renoue avec les séries populaires des sixties, mais revisite également l’histoire (et des sujets qui résonnent curieusement avec l’actualité) avec une jolie modernité. Pas de surenchère de violence, de sexe ni de cynisme, soit un parti pris à contre-courant qui apparaît comme une véritable bouffée d’air. En attendant la troisième saison prévue courant 2016, les deux premières viennent de paraître en Blu-ray et DVD.

 

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Aramis : « Let him take the credit. We don’t need praise or glory.
Porthos : Praise and glory are two of my favorite things. »

 

The Musketeers 

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Série britannique coproduite par BBC One et BBC America, créée par Adrian Hodges en 2014
Diffusée pour la première fois en janvier 2014 sur BBC One (Saisons 1 et 2 en DVD et Blu-ray chez Francetv distribution)

En 1630 en France. Alors qu’ils se rendent à Paris pour porter une pétition au roi Louis XIII, deux honorables Gascons, D’Artagnan père et fils, s’arrêtent dans une auberge pour la nuit. Des brigands masqués, menés par le mousquetaire Athos, font alors irruption et tuent l’aubergiste. En tentant de s’interposer, le père de D’Artagnan est mortellement blessé. Ce dernier (Luke Pasqualino), n’a désormais qu’un but : retrouver Athos et venger son père…

Les puristes de l’œuvre d’Alexandre Dumas ont dû crier à la gageure, et pourtant on retrouve dans cette série anglaise tout ce qui fait le charme du roman Les trois mousquetaires, lequel, faut-il le rappeler, est lui-même une fiction adaptée de personnages réels. Ne pas se fier non plus aux deux premiers épisodes, les moins réussis du show, même s’ils annoncent les enjeux à venir. Petit à petit, Adrian Hodges (scénariste de My Week With Marilyn) et sa productrice Jessica Pope ont trouvé le ton juste, l’harmonie entre la légèreté et le drame, et la série a gagné en profondeur. La distribution est un sans-faute, à commencer par le quatuor héroïque, campé par des acteurs extrêmement charismatiques. Luke Pasqualino (Skins, The Borgias, Snowpiercer) campe un D’Artagnan pur et fougueux à souhait, et sa romance avec la pétillante Constance Bonacieux (Tamla Kari), suffragette avant l’heure, est un régal. Affublée d’un époux ridicule, et bien qu’elle passe le plus clair de son temps à se faire kidnapper, emprisonner, menacer de mort, Constance saute sur toutes les occasions pour jouer les justicières, et se jeter dans la bagarre aux côtés des garçons. Plus romantique encore et plus ténébreux, Athos, campé par l’excellent Tom Burke (Only God Forgives, The Hour) est hanté par son passé, soit sa passion fatale pour Milady de Winter (Maimie McCoy), la Mata Hari de l’époque, qui va lui revenir en pleine figure. Aramis, l’homme à femmes de la bande, a le charme de Santiago Cabrera (Merlin, Heroes), tandis que Porthos (Howard Charles), doté d’une stature aussi imposante que son humour pince-sans-rire, réserve des surprises. On citera aussi l’exquise Alexandra Dowling, délicate interprète d’Anne D’Autriche, la « demoiselle en détresse » du royaume, et Ryan Gage (l’infâme Alfrid du Hobbit), qui apporte à Louis XIII une excentricité et un aspect comique inattendu. Quant aux vilains Richelieu (Peter Capaldi) et Rochefort (Marc Warren), ils sont à la hauteur de leur réputation. Tournée en extérieur dans les environs de Prague, cette superproduction se distingue par la beauté de ses décors et de la reconstitution du Paris du XVIIe. Le Louvre et les jardins royaux ont été recréés de manière bluffante, et certains épisodes en mettent plein les mirettes (voir L’éclipse funèbre). Mise en valeur par une mise en scène virevoltante et une bande-son épique, cette série réjouissante, un brin fleur bleue, se savoure comme une bonne bande dessinée. Mine de rien et sans se prendre au sérieux, The Musketeers séduira les nostalgiques des héros au cœur pur, de plus en plus rares à la télévision. Par les temps qui courent, plus qu’un plaisir coupable, c’est un plaisir tout court.

BANDE-ANNONCE

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Test DVD :

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Interactivité *
Les deux coffrets 4-DVD comprennent dix épisodes de 52 minutes. Seule la deuxième saison bénéficie d’un bouquet de suppléments. Il s’agit de six mini-reportages d’environ quatre minutes sur les coulisses du tournage, très sympathiques au demeurant. On y découvre les dessous de la reconstitution et de la création des décors, ainsi qu’une interview du compositeur Paul Englishman, qui livre ses secrets de fabrication jusqu’à l’enregistrement de sa musique par le Grand Orchestre Philharmonique de Prague.

Image ***
Format : 1.77
Une image de toute beauté, qui met en valeur la richesse des costumes et des décors. On dénotera même parfois un léger grain, qui l’empêche d’apparaître trop lisse.

Son ***
DD 2.0 en français et anglais sous-titré
Une piste dynamique, surtout en version originale, à privilégier.

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LES MEILLEURES SÉRIES SELON TASCHEN

Parce qu’elles ne cessent de nourrir notre imaginaire et qu’elles ont, depuis quelques années, placé la barre si haut que le cinéma peine à rivaliser, les séries télévisées n’ont jamais pris autant d’importance dans nos vies. En quinze ans, la prolifération des chaînes câblées aidant, leur nombre a littéralement explosé, et les genres sont si variés que chacun y trouve forcément son bonheur. Et puisque chaque génération a ses séries culte, de Lost à Game Of Thrones en passant par The Sopranos et Sex And The City, Taschen a eu la bonne idée de revenir sur les plus marquantes de ces vingt-cinq dernières années dans un ouvrage monumental et de toute beauté. Mais s’il fera joli sur la table du salon, ce livre donnera surtout envie aux néophytes de découvrir quelques-uns de ces chefs-d’œuvre de la culture populaire, et séduira également les affranchis, qui en apprendront davantage sur leurs séries préférées.

 

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« Aujourd’hui, les séries télévisées ne se contentent plus d’utiliser les prises de vues comme instruments d’une action linéaire, mais mettent en avant leur nature énigmatique. Cette façon d’aborder le langage visuel est remarquable, parce qu’elle délègue le monopole de l’interprétation à la communauté des fans. » Jürgen Müller

 

L’univers des séries TV : Le meilleur de ces 25 dernières années selon Taschen
Supervisé par Jürgen Müller (éditeur)
Paru le 5 juin 2015 (Relié – 33 x 4,7 x 25 cm — 744 pages)
49,99 €

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Soixante-huit séries parmi les plus marquantes depuis 1989 figurent dans cet ouvrage, qui ne se prétend en aucun cas exhaustif (le « selon Taschen » en témoigne). La sélection n’est pourtant pas passée loin du sans-faute, même si à la place de Revenge, on aurait préféré Mentalist, Justified, Sons Of Anarchy, The Gilmore Girls, Life On Mars ou encore Dawson, la cultissime série ado. Et si on se félicite de la présence de Top Of The Lake ou de l’anglaise The Office (l’originale), on mettra en revanche un petit bémol au design de la couverture du livre, qui manque un peu de subtilité, même si elle est illustrée par une photo de la mythique Twin Peaks.

Cela étant dit, le contenu ne réserve que de bonnes surprises. A commencer par « Bienvenue dans la famille », la préface de Jürgen Müller et Steffen Haubner. En s’appuyant notamment sur la récente Breaking Bad, les deux auteurs évoquent l’évolution de la série télévisée, qui se fait le miroir des changements sociaux.

« Dans une série familiale classique, chaque spectateur trouve parmi les protagonistes exactement le membre de la famille qui lui convient. Toutefois, les producteurs d’aujourd’hui ne trouvent plus de cadre de réception homogène et prévisible. Ils ont affaire à un public complètement hétérogène qui appréhende les contenus proposés à des niveaux de réflexion très différents. »

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Pas moins de douze pages sont ensuite consacrées à chaque série. Elles bénéficient d’un éventail de photos magnifiques et superbement mises en valeur, et d’un texte analytique fourmillant d’informations. Sous la direction de l’Allemand Jürgen Müller, critique d’art et auteur de nombreux ouvrages sur le cinéma (dont le fameux Film Noir, 100 All-Time Favourite, déjà chroniqué ici), vingt-neuf auteurs (professeurs, psychanalystes, spécialistes en sciences politiques, journalistes, historiens…) se sont partagé les dissections de ces œuvres d’art à part entière, sans oublier de se pencher sur les sources littéraires et l’étude des enjeux et des personnages. Leurs glossaires sont particulièrement savoureux. Les auteurs s’attardent ainsi sur « la main à la cravate » de David Brent (Ricky Gervais) dans The Office, « les chaussures » des héroïnes de Sex And The City, « les caméos » d’Entourage, le fameux « projet Dharma » de Lost, « la voix off » de Veronica Mars, « la grève des scénaristes » pour Desperate Housewives ou… « Mads Mikkelsen » dans Hannibal

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Le panorama respectant l’ordre chronologique de création, le livre se clôt sur True Detective (saison 1). C’est pourtant au sujet d’ Hannibal que l’on retiendra la réflexion la plus pertinente concernant les séries les plus récentes, celles dont le savant cocktail « violence/immoralité » est la clé du succès.

« Hannibal fait un peu l’effet d’un protocole expérimental visant à pousser jusqu’à leurs limites certaines caractéristiques des nouvelles séries américaines… Bryan Fuller semble vouloir tester la durée pendant laquelle les spectateurs continueront à suivre une série dénuée de véritable possibilité d’identification. En combien de temps seront-ils prêts à tenir avant que le mal ne reçoive la punition toujours prévue par les règles du polar, de l’horreur et du thriller ? C’est particulièrement cet aspect, qu’Hannibal, impitoyablement, porte à son paroxysme… »

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SOUTHCLIFFE, THE FALL, PEAKY BLINDERS, LES ENQUÊTES DE MORSE : les petites anglaises ont du génie !

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Les séries anglaises ont du charme, de l’esprit et de l’audace. Les séries anglaises sont imprévisibles, exigeantes et se distinguent de leurs consœurs américaines par un climat exacerbé et une étrangeté qui flirte facilement avec le fantastique. En attendant la troisième saison de l’épatante Mr Selfridge et la deuxième de Broadchurch, retour sur quelques pépites qu’il ne fallait par rater en ce début d’année. (Pas de spoilers dans cette chronique)

Southcliffe

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Tony Grisoni
2013 (Channel 4, parue en DVD aux Editions Montparnasse le 3 février 2015)

Par une matinée brumeuse du 2 novembre 2011, à Southcliffe, petite ville paisible de la banlieue de Londres, le discret Stephen Morton (Sean Harris) prend son fusil et abat sans raison apparente quinze habitants. Le journaliste David Whitehead (Rory Kinnear), qui grandi dans cette bourgade, y est dépêché par sa rédaction pour couvrir l’événement. Mais le retour dans cette ville qu’il a toujours cherché à fuir, va réveiller chez le reporter un passé douloureux…

« Les séries télévisées, disait la professeur et chercheuse Geneviève Jacquinot Delaunay, offrent des ressources pour penser le monde. ». Découverte sur Canal + en septembre 2014 et rediffusée ce mois-ci, cette chronique sombre, âpre et violente d’une petite ville anglaise dévastée par un massacre, prend aux tripes, bouleverse et dérange. D’une manière plutôt adroite et imprévisible, Southcliffe nous met face à la mort, absurde, brutale, et à l’expérience du deuil. Le premier épisode déstabilise totalement. C’est exprès. Mais la narration déstructurée, la distorsion du temps, les silences, les non-dits intriguent plus qu’ils ne découragent. L’avant et après du massacre sont soigneusement entremêlés, comme les destins de ces quelques individus plus ou moins liés à Steven Morton. Tony Grisoni, créateur de cette mini-série, a confié avoir eu peur en l’écrivant. Car il y a quelque chose de pourri dans ce petit bourg sans histoire et sans attrait, où la vie semble morne, où le pub reste la seule attraction. Les rancunes, humiliations et traumatismes ressurgis du passé suffisent-ils à expliquer le geste de Stephen Morton ? En approchant au plus près des personnages, dans leur quotidien et intimité, la série, réaliste et d’une rare puissance émotionnelle, rend palpable leur détresse. Pas de mélodrame, mais une honnêteté qui se répercute aussi dans le jeu des acteurs, très impliqués. Sean Harris (The Borgias, Prometheus) et Rory Kinnear (Black Mirror, Skyfall, Penny Dreadful) sont particulièrement excellents (la performance du premier lui a valu en 2014 le BAFTA du Meilleur acteur). Mise en scène par Sean Durkin, dont le Martha Marcy May Marlene n’était pas passé inaperçu, Southcliffe, ironiquement ponctuée de chansons pop, comprend quatre épisodes de soixante minutes. Attention ! On n’en revient pas indemne.
Et avec Shirley Anderson, Eddie Marsan, Anatol Yusef, Kaya Scodelario, Joe Dempsie…

BANDE-ANNONCE

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Test DVD :

 

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« Don’t You Want Me », de Human League, résonne dans le menu animé, mais côté bonus, rien de rien, hélas !

Image **
Format : 1.77
Un ensemble de bonne facture, en dépit de petits fourmillements, et une image un peu terne. La part belle est faite aux couleurs froides, à la grisaille ambiante et aux paysages brumeux, accentuant l’aspect réaliste de la série.

Son **
DD 2.0 en anglais sous-titré français
DD 2.0 en français
Sous-titres français imposés
Une piste en VO convaincante, qui ne donne pas dans le sensationnel et privilégie le naturel.

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The Fall

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Allan Cubitt
2013 (RTÉ One et BBC Two)

La commissaire Stella Gibson (Gillian Anderson) est dépêchée de Londres à Belfast où un tueur en série (Jamie Dornan) donne du fil à retordre à la police locale. Mystérieuse, autoritaire et sexy, elle déstabilise ses collègues masculins peu habitués à se faire diriger par une femme. Sa personnalité interpelle l’assassin lui-même, Paul Spector, un prédateur sexuel qui met en scène ses meurtres d’une manière particulièrement tortueuse alors qu’il se révèle dans la vie un jeune père de famille très dévoué…

La bonne idée de cette série : mettre en parallèle les agissements d’un tueur en série et ceux de la commissaire de police chargée de l’arrêter. Peu à peu, on discerne des similitudes dans les personnalités de ces deux individus plus intelligents que la moyenne, hantés par un passé traumatisant, et marginaux, chacun à leur manière. Stella Gibson a beau avoir dépassé la quarantaine, elle fait tourner les têtes des hommes de son entourage. Après avoir campé la psychanalyste d’Hannibal dans la série éponyme, Gillian « X Files » Anderson redore ici le blason de la cougar. Aussi féminine que féministe, elle affectionne les talons hauts, les jupes en cuir et les chemisiers échancrés. Jamais vulgaire, elle assume sa sexualité libérée avec un flegme un peu méprisant. Mais derrière son assurance, se profile quelque chose de sombre et mystérieux, lié à un passé douloureux. Face à elle, Jamie Dornan, autrement plus sulfureux que dans 50 nuances de Grey, se révèle très intrigant dans la peau de ce tueur de femmes séduisant, manipulateur et complexe. Le jour, Paul Spector excelle en tant qu’assistant social. Il est marié à une femme ordinaire, infirmière de nuit, avec laquelle il a eu deux petites filles qu’il place au-dessus de tout. Le Britannique Allan Cubitt, scénariste et producteur de télévision plutôt doué, s’intéresse à la psychologie de ses personnages, et prend son temps pour les développer. The Fall, dont les titres des épisodes font référence au Paradis perdu, de John Milton, est le jeu du chat et de la souris entre un flic et un assassin qui s’attirent de manière inéluctable, et où chacun prend la main à son tour. On notera la présence impeccable, entre autres, de John Lynch, Archie Panjabi et Colin Morgan (héros de la série Merlin). La première saison de cinq épisodes (de 55 minutes) se contentait de poser le décor, la deuxième (de six épisodes), dont la diffusion vient de s’achever sur 13ème rue, est intense et palpitante. La troisième, en cours de production, promet un dénouement aux petits oignons.
Et avec Bronagh Waugh, Aisling Franciosi, Stuart Graham, Valene Kane…

BANDE-ANNONCE

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Peaky Blinders 

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Steven Knight
2013 (BBC Two)

Au lendemain de la Première Guerre mondiale à Birmingham, ville industrielle située au nord-ouest de Londres, des gangs criminels se livrent une guerre sans merci pour contrôler le marché noir, le commerce de l’alcool et du jeu. Le plus dangereux est celui des Peaky Blinders, dirigée par la famille Shelby, dont la tête pensante, Thomas (Cillian Murphy), héros de guerre dont il est revenu traumatisé, est une figure respectée dans les quartiers pauvres. Mais le gouvernement de Churchill a décidé de faire le ménage. Il envoie sur place un flic zélé et retors de la Police Royale Irlandaise (Sam Neill), qui va bientôt faire de l’arrestation de Tommy Shelby une affaire personnelle…

Le gang des Peaky Blinders (que l’on pourrait traduire « aveugleurs à visières ») a réellement existé. Ainsi nommés pour leur casquette à visière qui leur tombait sur les yeux, très en vogue à l’époque, mais aussi parce que les membres du gang avaient l’habitude de coudre des lames de rasoir dans leur visière pour en faire à l’occasion une arme d’attaque, ils étaient des figures notoires de la pègre de Birmingham au début du siècle dernier. Steven Knight, réalisateur de Crazy Joe, scénariste des Promesses de l’ombre et créateur de cette série, connaît parfaitement son sujet. Sa famille était liée aux Peaky Blinders et le récit de leurs aventures lui a été conté lorsqu’il était enfant. Il s’en est largement inspiré pour imaginer ce drame historique où criminels, militants communistes, membres de l’IRA et policiers s’affrontent, se trahissent et parfois, s’allient. Dans la veine de Boardwalk Empire ou Gangs of New York, la série, visuellement magnifique, et souvent contemplative, est aussi un hommage à Birmingham. A cette époque, ce fleuron de la révolution industrielle est déjà la deuxième ville la plus peuplée d’Angleterre, en majorité par des ouvriers vivant dans des taudis, à proximité des usines, dans un air irrespirable. Steven Knight a souhaité restituer l’aspect magique, conte de fées, de ses souvenirs d’enfance. La crasse, la pollution, la violence sont filmées avec un souci de poésie et d’esthétique constant. Le contexte est violent, mais on baigne dans le romanesque. Personnage central du récit, Tommy Shelby, redoutable stratège qui semble au départ dénué d’émotions, est un gangster romantique, intelligent, torturé et très charismatique. Le talent de Cillian Murphy, trop rare au cinéma (en dépit de ses performances dans 28 jours plus tard, Breakfast On Pluto ou Le vent se lève), fait merveille. L’interprétation dans son ensemble est brillante. La composition de Sam Neill fait froid dans le dos et Annabelle Wallis (la Jane Seymour des Tudors) est ambiguë à souhait. Enfin, Peaky Blinders se distingue également par sa bande-son, anachronique et audacieuse, qui confère au récit une dimension moderne et intemporelle. Dans la première saison, Nick Cave & The Bad Seeds (qui illustrent le superbe générique), The White Stripes et The Raconteurs y ont largement contribué. Les six épisodes de 55 minutes de la première saison ont été diffusés sur Arte en mars 2015. La deuxième l’a déjà été outre-Manche, et une troisième est en préparation.
Et avec Iddo Goldberg, Paul Anderson, Helen McCrory, Tommy Flanagan, Sophie Rundle

BANDE-ANNONCE

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Les enquêtes de Morse (Endeavour) 

Shaun Evans
Colin Dexter et Russel Lewis
2013 (ITV)

En 1965, Endeavour Morse (Shaun Evans) décide de devenir policier après avoir entamé des études à l’université d’Oxford qu’il a quittée sans avoir obtenu de diplôme. Il rejoint le commissariat d’Oxford, mais se fait difficilement aux règles établies et multiplie les désillusions. Il s’apprête à démissionner, mais son supérieur, l’Inspecteur Thursday (Roger Allam), le dissuade, car il a remarqué la perspicacité du jeune homme. Convaincu, contrairement à ses collègues, que Morse a le potentiel pour devenir un excellent limier, il décide de le prendre sous son aile…

Impossible de résister à son allure de bon élève discret et un peu gauche, mais diablement intelligent et nanti d’un culot et d’un courage à la limite de l’inconscience. L’agent Morse, campé par Shaun Evans, n’a certes pas le bagou de Patrick Jane dans Le Mentaliste, mais il séduit tout autant. Son âpreté à vouloir résoudre les énigmes les plus épineuses, à voir le diable dans les détails, son humanité et son intégrité à toute épreuve en font un flic très attachant. Le personnage n’est pas le seul atout de cette préquelle de la célèbre série Inspecteur Morse (véritable institution en Angleterre où elle a été diffusée de 1987 à 2000, le temps de sept saisons). Adaptée comme son illustre aînée de l’œuvre de Colin Dexter, Les enquêtes de Morse, qui revient sur la jeunesse et les débuts de l’inspecteur, se révèle une formidable reconstitution de l’Angleterre des sixties, et notamment celle de la classe moyenne. L’authenticité des costumes et décors extrêmement soignés propulse immédiatement dans l’époque. Au gré des enquêtes, les milieux étudiant, ouvrier, celui des ménagères ordinaires ou de la bourgeoisie sont passés au crible, et avec elles sont abordées les luttes de classe, la corruption des fonctionnaires publics, l’émancipation de la femme, de la jeunesse etc. Alliant tradition et modernité, la série, adaptée par Russell Lewis, brille par une mise en scène audacieuse et subtile. La distribution est un régal. Roger Allam incarne un Thursday idéal, en mentor et père de substitution du jeune Morse au passé familial mystérieux. Diffusée sur France 3 en mars 2014 (seul bémol, l’absence de la version originale sous-titrée), la deuxième saison, de quatre épisodes de 90 minutes, a laissé les téléspectateurs en haleine. Il faudra patienter, la saison 3 n’est attendue qu’en 2016.
Et avec Jack Laskey, Sean Rigby, Anton Lesser, Sara Vickers…

BANDE-ANNONCE

LES ENQUETES DE MORSE
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