BREAKFAST AT TIFFANY’S

Les filles averties le savent : toutes les occasions sont bonnes pour se plonger, encore et encore, dans le chef-d’œuvre de Blake Edwards. Et à l’heure où les médias les plus éclairés accordent du crédit à des Kim Kardashian et autres Enora Malagré, Audrey Hepburn, dans son incarnation de la call-girl Holly Goligthly, demeure l’ultime défi à la vulgarité ambiante. Paru pour la première fois en Blu-ray en 2011, dans une version soigneusement restaurée HD, le film revient dans une nouvelle édition digibook assortie d’un livret très glamour et de nombreux suppléments. Un cadeau idéal !

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« Vous savez, ces jours où vous êtes dans le cirage ?
      Autrement dit le cafard ?
      Non, le cafard, c’est quand on se trouve grosse et qu’il pleut pendant trop longtemps. On est triste, c’est tout. Mais le cirage, c’est horrible. Soudain, on a peur et on ne sait pas de quoi… »

 

Diamants sur canapé (Breakfast At Tiffany’s)

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Blake Edwards
1961 (Blu-ray Digibook Paramount paru le 25 mars 2014)

Mais qui est vraiment cette Holly Golightly (Audrey Hepburn), adorable call-girl new-yorkaise, qui a le don de ne rien prendre au sérieux ? C’est la question que se pose Paul Varjak (George Peppard), qui vient d’emménager dans l’appartement voisin de la jeune femme. Ce jeune écrivain, plutôt beau gosse, est lui-même entretenu par une quadragénaire fortunée (Patricia Neal). Tout naturellement, il va tomber sous le charme de la personnalité hors du commun de sa mystérieuse voisine…

Comme dans l’irrésistible La Panthère rose, que Blake Edwards allait mettre en scène deux ans plus tard, Diamants sur canapé, plus connu sous titre original Breakfast At Tiffany’s, possède ce grain de folie qui est la marque du cinéaste et atteindra son apothéose dans La Party, en 1968. Son dada : les soirées mondaines extravagantes avec délires à tous les étages. Toujours sublimes, les femmes sont chez lui complètement idiotes ou invraisemblablement spirituelles. Pour Breakfast At Tiffany’s, Blake Edwards a fait sien l’univers de Truman Capote (bien plus cynique) en lui conférant une incroyable fantaisie, tout comme Audrey Hepburn s’est approprié le personnage de Holly Golightly. Capote avait écrit la nouvelle en pensant à Marilyn Monroe. Ironiquement, ce fut une actrice à l’opposé des vamps hollywoodiennes qui rendit son héroïne inoubliable. Audrey Hepburn en fit une call-girl fantasque et romantique (la sexualité présente dans le livre est ici simplement suggérée). Non seulement la comédienne imposa son style en matière de mode (aidée par son ami et complice Hubert de Givenchy), toujours en vogue aujourd’hui, mais elle a révélé un nouveau genre d’actrice, rappelant un peu la Katharine Hepburn (même les noms coïncident) de L’impossible Monsieur Bébé : une femme indépendante, moderne, drôle, jamais vulgaire, faisant rimer sexy avec esprit et dissimulant sous une tonne de détachement et de fantaisie, une attachante vulnérabilité. Car derrière sa légèreté apparente, Holly Golightly cache des blessures profondes et une peur viscérale de la vie. « C’est une truqueuse », se plaît à dire l’agent de Holly (interprété par Martin Balsam). Audrey Hepburn a transcendé le rôle en prêtant sa fragilité et sa grâce naturelle à cette petite campagnarde devenue la call-girl sophistiquée la plus incontournable de New York. Comme Paul Varjak, le jeune écrivain sans le sou (sorte de Truman Capote jeune), interprété par le très séduisant George Peppard, le spectateur fond sous le charme de Holly qui semble ne rien prendre au sérieux et vit son désordre existentiel avec une élégance et un style incomparables. Petit à petit, Paul va amener la jeune femme à voir la réalité en face en l’apprivoisant, comme on le ferait d’un animal sauvage. Si le film remporta, à sa sortie, un succès immédiat, son tournage ne fut pas des plus sereins. Audrey Hepburn n’était pas certaine d’être à la hauteur du personnage, même si elle était consciente que ce rôle de femme de caractère, extravertie (et donc nouveau pour elle), était une vraie opportunité. Si elle se réjouissait à l’idée d’avoir pour partenaire un acteur de son âge (après avoir donné la réplique à Fred Astaire, Humphrey Bogart ou Burt Lancaster), elle était tétanisée par l’expérience de ce dernier, formé à  l’Actors Studio. En actrice d’instinct, Audrey Hepburn souffrait d’un réel complexe d’infériorité en matière de technique de jeu. Ce fut pourtant à son contact que le film de Blake Edwards prit toute sa dimension pour devenir résolument romantique. Même le compositeur Henry Mancini, grand complice de l’œuvre du cinéaste (il a signé le fameux thème de La panthère rose), a avoué s’être inspiré de la personnalité de la comédienne pour la chanson « Moon River », qu’elle interprète divinement dans le film. Qu’importent alors le choix malheureux de Mickey Rooney en improbable voisin japonais, la suffisance de George Peppard sur le plateau, la puanteur du chat, le mécontentement de Capote et les multiples dissensions avant et pendant le tournage. Breakfast At Tiffany’s est un chef-d’œuvre. Et un demi-siècle après, il reste d’une éclatante modernité.

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Test Blu-ray :

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Interactivité***
On retrouve les suppléments présents sur la précédente édition Blu-ray du 50ème anniversaire du film. Le commentaire audio du producteur Richard Shepherd recèle des anecdotes, même si le producteur, d’un certain âge, a parfois des difficultés à se souvenir de tout. On retrouve la plupart de ses propos dans le making of de16 minutes (on peut également y entendre Blake Edwards, décédé en 2010). Une soirée de retrouvailles des comédiens présents lors de la séquence de la fête délirante chez Holly, un portrait d’Audrey Hepburn, un autre de Henry Mancini, un focus sur le personnage du Japonais incarné par Mickey Rooney, un reportage sur Tiffany, suivi de la lecture de la lettre écrite par Audrey Hepburn en hommage à la célèbre joaillerie de luxe, et une courte visite des studios Paramount complètent le programme, qui comprend également des galeries de photos et la bande-annonce originale.

Image ***
Format : 1.78
Ce master HD restauré en 2011 permet de revoir le film dans des conditions idéales. Le grain a été atténué, même s’il persiste encore dans certaines scènes. On pourra reprocher les visages parfois trop roses, le flou sur certains plans (dû aux partis pris esthétiques du film), mais dans l’ensemble, l’image est propre, magnifiquement contrastée et les couleurs sont éclatantes.

Son : ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et mono restauré en anglais
Mono en français
Sous-titres français non imposés
La piste mono restaurée ravira les puristes, mais le mixage en DTS-HD 5.1 est réjouissant. L’amplification est harmonieuse. Les dialogues sont clairs et les passages musicaux sont magnifiquement mis en valeur. Une piste qui ne dénature pas le film, mais au contraire, permet une meilleure immersion.

A noter que Paramount a publié à la même date deux autres éditions digibook, consacrées à Star Trek de J.J. Abrams, et Samson et Dalila, de Cecil B. deMille, pour la première fois en Blu-ray.

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BLOOD

Porté par un quatuor d’acteurs sensationnels dont un Paul Bettany totalement habité, ce thriller psychologique britannique aux accents shakespeariens, passé inaperçu lors de sa sortie en 2012, profite d’un Blu-ray techniquement parfait.

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« Moi, j’ai de la peine pour les types qui s’en tirent. Quand tu mens à tes amis, à ta famille, leur amour doit être une torture. Je ne souhaite à personne de s’en sortir impunément. »

 

Blood

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Nick Murphy
2012 (DVD/Blu-ray Metropolitan paru le 12 mars 2014)

Dans le skate-park d’une petite ville de l’estuaire de la Mersey, proche de Liverpool, le cadavre d’une adolescente est retrouvé transpercé de coups de couteau. Deux policiers locaux, Joe et Chrissie Fairburn (Paul Bettany et Stephen Graham), fils d’un flic autoritaire et réputé, aujourd’hui retraité et atteint de la maladie d’Alzheimer (Brian Cox), sont sur l’affaire. Joe, père d’une adolescente du même âge, est particulièrement éprouvé par ce drame. Lorsqu’un bracelet et des photos de la victime sont retrouvés chez Jason Buleigh (Ben Crompton), un homme psychologiquement instable, Joe est convaincu qu’il tient le coupable. Aussi, lorsque ses supérieurs relâchent Buleigh pour insuffisance de preuves, il voit rouge et décide de le faire avouer, en utilisant les bonnes vieilles méthodes de la famille…

Selon Nick Murphy, réalisateur issu de la télévision britannique et auteur en 2011 de l’horrifique La maison des ombres (The Awakening), Blood est une fable, une tragédie grecque. Le film est le libre remake de la mini-série Conviction, produite par la BBC en 2004, et écrite par Bill Gallagher, auteur du scénario ici. L’intrigue policière est prétexte à explorer la complexité de la nature humaine. Dans cette petite ville aux ciels plombés de l’estuaire de la Mersey, battue par les vents, deux frères marqués par l’éducation autoritaire et tyrannique d’un père policier, dérapent. Joe commet l’irréparable, et ce crime monstrueux, spontané et irréfléchi, sur lequel il doit enquêter, va le détruire. C’est une descente aux enfers qui s’annonce pour ce père de famille sans reproche. Le poids de la culpabilité devient à chaque instant plus lourd à porter, et Joe ne parvient plus à affronter le regard de ses proches et de ses collègues. Paul Bettany, comédien éclectique et invariablement excellent (il était formidable dans Un homme d’exception), livre ici une véritable performance. A ses côtés, Stephen Graham (This Is England) et le vétéran Brian Cox (The Boxer)  se révèlent attachants, tandis que le charismatique Mark Strong, en justicier bienveillant, crève l’écran. Passée inaperçue à sa sortie en 2012, cette série B britannique à petit budget (Sam Mendes est l’un des producteurs exécutifs), riche en atmosphères, tire profit, en outre, d’une remarquable photographie, signée George Richmond.
Avec Natasha Little et Zoë Tapper
92 minutes

BANDE-ANNONCE

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Test Blu-ray :

Interactivité**
On découvre avec plaisir une interview du cinéaste en compagnie de Paul Bettany. Entre deux plaisanteries de Bettany, très en verve, et qui ne cesse de clamer son admiration pour ses partenaires (« Quand je vois la filmographie de Mark Strong, je me dis ‘Dieu que j’aimerais être lui’ »), Nick Murphy revient sur les partis-pris de la mise en scène et les ambitions du film (10 minutes). Un lot de bandes-annonces figure également au menu.

Image ****
Format : 2.35
Grand atout du film, la photo aux teintes métalliques, dominée par les bleus et les verts, est idéalement retranscrite. La définition est précise et les contrastes très probants.

Son : ****
DTS-HD Master Audio 5.1 en anglais et français
Sous-titres français non imposés
Une piste non-compressée dynamique et ample, qui met en valeur les montées de tension et la musique très inspirée, signée Daniel Pemberton.

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SACRIFICE (BURNING BUSH)

Résonnant comme un écho aux récents événements en Ukraine, la mini-série d’Agnieszka Holland revient sur une page tragique de l’occupation de la Tchécoslovaquie par l’Union Soviétique. Conçue comme un thriller judiciaire à suspense, cette saga en trois épisodes de 80 minutes reconstitue l’histoire avec une authenticité qui fait froid dans le dos.

 

Sacrifice – Burning Bush (Horící ker)

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Mini-série tchèque créée en 2013 par Agnieszka Holland et Stepan Hulik
Double-DVD Editions Montparnasse paru le 1er avril 2014 (Diffusée sur Arte le 27 et 28 mars 2014)

Le 16 janvier 1969, Jan Palach, sage étudiant en faculté de lettres, s’immole par le feu en pleine journée, sur la place Venceslas à Prague. Dans la lettre retrouvée dans son cartable, le jeune homme revendique son geste comme un acte de protestation contre l’occupation soviétique. Il appelle à la grève des ouvriers et annonce que si des mesures en faveur de la liberté d’expression ne sont pas prises, d’autres étudiants s’embraseront. Pour prévenir le mouvement populaire qui s’annonce, le gouvernement entreprend de discréditer et de faire passer Palach pour un déséquilibré. Malgré les intimidations policières, une jeune avocate humaniste, Dagmar Buresova (Tatiana Pauhofova), accepte de défendre la mère dévastée de Palach, qui intente un procès en diffamation contre un député à la solde des Soviétiques…

Il avait vingt et un ans et il ne voulait pas mourir. Son sacrifice, devenu un symbole de résistance et de liberté, a traumatisé la Tchécoslovaquie. La réalisatrice polonaise Agnieszka Holland, alors étudiante à l’Académie du Film de Prague, a assisté, le 21 août 1968, à l’invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie sous commandement soviétique. Cette agression a mis un terme au processus démocratique et aux réformes libérales engagées au printemps avec l’arrivée au pouvoir d’Alexander Dubcek. Un générique très explicite suffit à la cinéaste pour décrire le passage de la liberté à l’oppression, et l’authenticité de la reconstitution impressionne dès les premières minutes. Les jeunes et les étudiants, qui avaient été galvanisés par l’espoir d’une ouverture vers l’Occident, sont les premiers touchés par cette « normalisation » qui rétablit la censure et la répression policière. La série débute par l’immolation de Jan Palach, qui fait l’effet d’une bombe. La passivité et l’indifférence des Tchèques envers l’occupation sont alors remises en question dans tout le pays. Le régime et la police sont aussitôt sur les dents pour trouver les éventuels « suiveurs » de Palach, tandis qu’ils le décrédibilisent dans les médias. Accablée après avoir découvert les propos dévastateurs d’un député dans le journal, Madame Palach entreprend de l’attaquer pour diffamation. Le leader des étudiants lui conseille de se tourner vers Dagmar Buresova, jeune avocate spécialisée dans les affaires estudiantines. La jeune femme, mère de deux petites filles, commence par refuser cette mission impossible, vouée à l’échec et non sans danger, puis se ravise. La bataille pour réhabiliter l’honneur de Jan Palach ainsi que son sacrifice héroïque, va devenir la sienne, même si il ne fait aucun doute que dans cette partie, les dés sont pipés. C’est ce combat pour la justice, du pot de terre contre le pot de fer, qui est conté avec minutie en trois épisodes passionnants. Tournée à Prague, avec des acteurs tchèques, la reconstitution propulse dans cette Tchécoslovaquie sous chape de plomb communiste, et la mise en scène d’Agnieszka Holland, nominée aux Oscars en 1992 pour Europa Europa, et qui a récemment collaboré aux excellentes séries The Killing et Treme, est sobre, réaliste et sans effets mélodramatiques appuyés. On peut reprocher à cette série produite par HBO Europe son austérité, ses quelques longueurs et ce petit manque de peps qui lui aurait permis de séduire un large public. Mais les passionnés d’histoire, en revanche, seront à la fête. Et si son statut de mini-série « déjà diffusée » lui a valu d’être écartée des nominations à l’Oscar du Meilleur film étranger, Sacrifice a été récompensée dans plusieurs festivals, et a raflé huit Lions (les prix les plus prestigieux attribués aux œuvres de cinéma et de télévision tchèques) en 2013.

BANDE-ANNONCE
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Test DVD :

Interactivité
Pas de bonus, hélas.

Image ***
Format : 1.77
Très belle définition pour cette image qui restitue les partis pris de la photo aux teintes neutres.

Son **
DD 2.0 en tchèque sous-titré français
Une seule piste, très correcte, et adéquate au style intimiste de la série.
 

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