LES MEILLEURES SÉRIES SELON TASCHEN

Parce qu’elles ne cessent de nourrir notre imaginaire et qu’elles ont, depuis quelques années, placé la barre si haut que le cinéma peine à rivaliser, les séries télévisées n’ont jamais pris autant d’importance dans nos vies. En quinze ans, la prolifération des chaînes câblées aidant, leur nombre a littéralement explosé, et les genres sont si variés que chacun y trouve forcément son bonheur. Et puisque chaque génération a ses séries culte, de Lost à Game Of Thrones en passant par The Sopranos et Sex And The City, Taschen a eu la bonne idée de revenir sur les plus marquantes de ces vingt-cinq dernières années dans un ouvrage monumental et de toute beauté. Mais s’il fera joli sur la table du salon, ce livre donnera surtout envie aux néophytes de découvrir quelques-uns de ces chefs-d’œuvre de la culture populaire, et séduira également les affranchis, qui en apprendront davantage sur leurs séries préférées.

 

Hannibal Hugh

« Aujourd’hui, les séries télévisées ne se contentent plus d’utiliser les prises de vues comme instruments d’une action linéaire, mais mettent en avant leur nature énigmatique. Cette façon d’aborder le langage visuel est remarquable, parce qu’elle délègue le monopole de l’interprétation à la communauté des fans. » Jürgen Müller

 

L’univers des séries TV : Le meilleur de ces 25 dernières années selon Taschen
Supervisé par Jürgen Müller (éditeur)
Paru le 5 juin 2015 (Relié – 33 x 4,7 x 25 cm — 744 pages)
49,99 €

tv_series_va_f_3d_02867_1505261043_id_966768

Soixante-huit séries parmi les plus marquantes depuis 1989 figurent dans cet ouvrage, qui ne se prétend en aucun cas exhaustif (le « selon Taschen » en témoigne). La sélection n’est pourtant pas passée loin du sans-faute, même si à la place de Revenge, on aurait préféré Mentalist, Justified, Sons Of Anarchy, The Gilmore Girls, Life On Mars ou encore Dawson, la cultissime série ado. Et si on se félicite de la présence de Top Of The Lake ou de l’anglaise The Office (l’originale), on mettra en revanche un petit bémol au design de la couverture du livre, qui manque un peu de subtilité, même si elle est illustrée par une photo de la mythique Twin Peaks.

Cela étant dit, le contenu ne réserve que de bonnes surprises. A commencer par « Bienvenue dans la famille », la préface de Jürgen Müller et Steffen Haubner. En s’appuyant notamment sur la récente Breaking Bad, les deux auteurs évoquent l’évolution de la série télévisée, qui se fait le miroir des changements sociaux.

« Dans une série familiale classique, chaque spectateur trouve parmi les protagonistes exactement le membre de la famille qui lui convient. Toutefois, les producteurs d’aujourd’hui ne trouvent plus de cadre de réception homogène et prévisible. Ils ont affaire à un public complètement hétérogène qui appréhende les contenus proposés à des niveaux de réflexion très différents. »

tv_series_va_gb_open_0476_0477_02867_1505271001_id_970415

 

Pas moins de douze pages sont ensuite consacrées à chaque série. Elles bénéficient d’un éventail de photos magnifiques et superbement mises en valeur, et d’un texte analytique fourmillant d’informations. Sous la direction de l’Allemand Jürgen Müller, critique d’art et auteur de nombreux ouvrages sur le cinéma (dont le fameux Film Noir, 100 All-Time Favourite, déjà chroniqué ici), vingt-neuf auteurs (professeurs, psychanalystes, spécialistes en sciences politiques, journalistes, historiens…) se sont partagé les dissections de ces œuvres d’art à part entière, sans oublier de se pencher sur les sources littéraires et l’étude des enjeux et des personnages. Leurs glossaires sont particulièrement savoureux. Les auteurs s’attardent ainsi sur « la main à la cravate » de David Brent (Ricky Gervais) dans The Office, « les chaussures » des héroïnes de Sex And The City, « les caméos » d’Entourage, le fameux « projet Dharma » de Lost, « la voix off » de Veronica Mars, « la grève des scénaristes » pour Desperate Housewives ou… « Mads Mikkelsen » dans Hannibal

tv_series_va_gb_open_0676_0677_02867_1505271002_id_970442

tv_series_va_gb_open_0434_0435_02867_1505271001_id_970406

tv_series_va_gb_open_0734_0735_02867_1505271002_id_970451

 

Le panorama respectant l’ordre chronologique de création, le livre se clôt sur True Detective (saison 1). C’est pourtant au sujet d’ Hannibal que l’on retiendra la réflexion la plus pertinente concernant les séries les plus récentes, celles dont le savant cocktail « violence/immoralité » est la clé du succès.

« Hannibal fait un peu l’effet d’un protocole expérimental visant à pousser jusqu’à leurs limites certaines caractéristiques des nouvelles séries américaines… Bryan Fuller semble vouloir tester la durée pendant laquelle les spectateurs continueront à suivre une série dénuée de véritable possibilité d’identification. En combien de temps seront-ils prêts à tenir avant que le mal ne reçoive la punition toujours prévue par les règles du polar, de l’horreur et du thriller ? C’est particulièrement cet aspect, qu’Hannibal, impitoyablement, porte à son paroxysme… »

Mads-Mikkelsen-Hannibal-a-sang-froid_article_landscape_pm_v8

LOVE & MERCY/ ALL IS BY MY SIDE

De tous les biopics qui déferlent sur les écrans depuis quelques mois, le musical n’est pas le moins excitant. Au vu des récentes productions (Amy) et de celles qui s’annoncent (sur Freddie Mercury, sur Janis Joplin…), force est de constater que le genre, pourtant pavé d’embûches, affiche une belle santé. Il a aussi le mérite d’inspirer des cinéastes atypiques, audacieux et passionnés, tel Bill Pohlad, réalisateur du bouleversant Love & Mercy, qui retrace le parcours édifiant de Brian Wilson, leader des Beach Boys, et John Ridley, qui a signé le modeste et sous-estimé All Is By My Side, sur Jimi Hendrix, récemment paru en DVD/Blu-ray.

 

Paul-Dano-far-right-as-Brian-Wilson-in-LOve-Mercy-credit-Columbia-Pictures-Corporation-Ltd.

« We’re not surfers, we never have been and real surfers don’t dig our music anyway ! »
Brian Wilson

 

Love & Mercy

love-and-mercy-dano-e1435809159857

Bill Pohlad
2014 (dans les salles françaises depuis le 1er juillet 2015)

Au milieu des années 60, les tubes des Beach Boys déferlent sur les ondes US, et Brian Wilson (Paul Dano), leur leader, annonce au groupe (composé, entre autres, de ses deux frères) qu’il ne montera plus sur scène avec eux et se consacrera désormais à l’écriture des chansons en studio. Alors que son génie fait l’admiration de tous, le compositeur est de plus en plus sujet à des crises d’angoisse et de schizophrénie, dues à des traumatismes d’enfance. Vingt ans plus tard, Brian Wilson (John Cusack), qui n’est plus que l’ombre de lui-même et vit sous l’emprise d’un psychiatre véreux et manipulateur (Paul Giamatti), rencontre la femme qui pourrait bien lui sauver la vie (Elizabeth Banks)…

Le biopic musical peut prendre des formes diverses et variées. Il en est des académiques, des linéaires qui relatent les événements de manière très chronologique (Ray) et des déjantés, qui tiennent davantage de la vision que de la biographie, tels Velvet Goldmine ou I’m Not There. Certains ont eu l’autorisation d’utiliser les chansons originales, d’autres non (et parmi ceux-là, certains sont cependant des bons films, Velvet Goldmine en témoigne). Love & Mercy (titre d’une chanson de Brian Wilson publiée en 1988 sur l’album éponyme) a bénéficié de l’aval et de la totale collaboration du musicien, ce qui permet non seulement d’entendre les tubes mythiques (« God Only Knows », « Good Vibrations »…), mais également d’assister, telle une petite souris qui se serait glissée dans le studio d’enregistrement, à la reconstitution de leur création. Le film ramène dès l’ouverture dans la Californie des sixties, reconstituée de manière saisissante par un travail soigné des couleurs et du grain de l’image. Très vite, on bascule dans la période sombre des années 80, et s’ensuit un va-et-vient très habile entre les deux décennies, qui permet aux séquences de se répondre mutuellement. On ne dévoilera pas tout du film, tant cette histoire (incroyable mais vraie) réserve de surprises. Basé sur un scénario de Michael A. Lerner, peaufiné par Oren Moverman (déjà scénariste de I’m Not There), Love & Mercy est signé Bill Pohlad, un passionné de la musique de Brian Wilson. Même s’il s’agit seulement de son deuxième long-métrage en tant que réalisateur (après l’obscur Old Explorers, paru en 1990), ce fils de milliardaire et producteur réputé (12 Years A Slave, Into The Wild, The Tree Of Life, The Runaways…) a accompli ici un tour de force. Son film parvient à propulser le spectateur à l’intérieur de la tête du génial Brian Wilson, compositeur touché par la grâce, et à rendre palpable sa souffrance, sa solitude et son désarroi. Sensationnel, Paul Dano fait un Brian Wilson tourmenté troublant de ressemblance, John Cusack est littéralement bouleversant, Paul Giamatti campe son rôle de vilain avec jubilation et Elizabeth Banks, en héroïne et personnage clé de l’histoire, n’a jamais paru aussi fabuleuse. Ce film est une merveille et son épilogue, un petit bijou.
Et avec : Jake Abel, Kenny Wormald, Brett Davern, Tyson Ritter…

BANDE-ANNONCE

LOVE-MERCY-1-1940x1293

AR-AJ849_Mercy_J_20150527163222
Love
love-mercy10
AP_love_mercy_jef_150603_16x9_992

 

◊◊◊◊◊

 

2014-09-27-AndreImogen

« I want my music to go inside the soul of a person. You know, for me it’s colors. I want people to feel the music the same way I see it. It’s just colors. That’s it. The rest is just painted with a little science-fiction here and there. »
Jimi Hendrix

All Is By My Side

uy80qoqfn6cxbflzcfyw

John Ridley
2013 (paru directement en France en DVD/Blu-ray le 26 mai 2015 chez Universal)

Dans un club de New York, en 1966, l’Anglaise Linda Keith (Imogen Poots), petite amie de Keith Richards, est abasourdie par le talent d’un jeune guitariste (André Benjamin) qui accompagne le chanteur Curtis Knight. Tombée sous le charme, elle va l’encourager à devenir star à part entière et à chanter (Jimi Hendrix détestait sa voix). Elle va aussi lui faire découvrir le LSD (« la drogue des blancs ») et le présenter à son premier manager, Chas Chandler (Andrew Buckey), le bassiste des Animals qui voulait se reconvertir. Tous deux vont pousser Jimi Hendrix à se produire à Londres, alors La Mecque de la musique pop…

Mort d’une overdose quatre ans après son avènement, Jimi Hendrix a traversé l’histoire du rock comme une comète. Le biopic de John Ridley se consacre à la période qui a précédé son sacre, à « sa construction ». Contrairement à Love & Mercy, All Is By My Side n’a pas obtenu des ayants droit (la famille de Jimi Hendrix, résolument contre le projet, pas assez gratifiant pour Hendrix selon elle) l’autorisation d’utiliser sa musique. Cette gageure, impardonnable pour certains, a valu au film des critiques assassines et totalement imméritées. Malgré les écueils, John Ridley, plus connu en tant qu’écrivain et scénariste (il a reçu un Oscar pour le scénario de 12 Years A Slave), a réalisé un portrait de la star tout à fait séduisant et un témoignage plutôt pertinent sur le show-business de l’époque, les groupies hystériques, la consommation d’hallucinogènes, les jalousies entre musiciens etc. La véracité des faits a été contestée par certains des protagonistes vivants (dont sa petite amie Kathy Etchingham, interprétée par Hayley Hatwell dans le film, très remontée dans la presse), pas forcément très fiables. Pas calculateur pour un sou, Jimi Hendrix apparaît tel un feu follet qui se laisse facilement manipuler par les femmes (elles se crêpent volontiers le chignon pour ses beaux yeux) et qui semble n’avoir qu’un seul centre d’intérêt : la musique. Epatant dans le rôle, malgré la différence d’âge avec son personnage, André Benjamin (ou André 3000) du groupe OutKast, campe un Jimi Hendrix stupéfiant de ressemblance et très convaincant, jusque dans son jeu de gaucher. A défaut des originaux, les morceaux « à la manière de » donnent le change, et la mise en scène inventive sied idéalement à la reconstitution de cette période mythique. Les seconds rôles, principalement anglais, font un sans-faute, Imogen Poots en tête. Et certaines séquences valent le détour, comme celle dans laquelle Jimi Hendrix reprend « Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band » devant les Beatles, sidérés par l’audace et le talent de ce virtuose venu d’ailleurs.
Et avec : Burn Gorman, Ruth Negga, Ashley Charles,

BANDE-ANNONCE

Jimiiii
75
Jimi-All-Is-By-My-Side-9-André-Benjamin

 

Test Blu-ray :

jimi-hendrix-all-is-by-my-side-320x428

 

 

Interactivité
Rien de rien, hélas !

Image ***
Format : 2.40
Le travail sur l’image restitue les ambiances un peu psyché de l’époque. La photo joue sur les couleurs et les contrastes plus que sur la perfection du piqué, d’où la présence de grain ou de flous qui ne nuisent en rien aux qualités esthétiques du film.

Son ***
DTS Master Audio 5.1 en anglais
DTS Surround 5.1 en français
La musique profite idéalement de ce 5.1 efficace. Les dialogues sont un peu en retrait, mais rien de dommageable.

o-JIMI-ALL-IS-BY-MY-SIDE-facebook

 

EN TÊTE À TÊTE AVEC ORSON

Orson Welles, dont on fête le centenaire de la naissance cette année (il était né le 6 mai 1915), est partout ! La chaîne TCM a diffusé en juin l’intégralité de ses films — dont beaucoup (Citizen Kane notamment) sont parus et paraissent en Blu-ray et DVD restaurés, excellents bonus à l’appui — et deux documentaires, This Is Orson Welles et Orson Welles, autopsie d’une légende, ont été projetés au dernier festival de Cannes. La Cinémathèque française lui consacre une rétrospective et, cerise sur le gâteau, un livre d’entretiens savoureux avec le réalisateur et le cinéaste Henry Jaglom, réunis par Peter Biskind, vient de paraître, en français, chez Robert Laffont.

Photo Credit: Courtesy of the Academy of Motion Pictures Arts and Sciences

Photo Credit: Courtesy of the Academy of Motion Pictures Arts and Sciences

 

« Je ne lis pas tout ce qui concerne le cinéma, ou le théâtre. Les films ne m’intéressent pas beaucoup. Je n’arrête pas de dire ça aux gens, mais ils ne veulent pas me croire, alors que, réellement, je ne suis pas très intéressé. Pour moi, c’est seulement passionnant à faire. Vois-tu, je n’ai pas de curiosité pour les autres cinéastes – c’est affreusement arrogant de dire ça, je sais – ou pour l’expression cinématographique. Selon moi, c’est la forme d’art la moins passionnante à regarder. Excepté le ballet, qui est encore plus inintéressant que le cinéma. J’aime simplement faire des films, tu comprends ? Et c’est la vérité ! »
Orson Welles à Henry Jaglom

 

En tête à tête avec Orson 
Conversations entre Orson Welles et Henry Jaglom
Robert Laffont, Avril 2015
Traduit de My Lunches with Orson… Peter Biskind 2013

9782221141533

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au début des années 70, Henry Jaglom, ancien élève de l’Actor’s Studio, est happé par le mouvement du Nouvel Hollywood. Il décide de passer derrière la caméra, et de réaliser des films d’auteur. Comme tous les jeunes cinéastes de l’époque, il vénère Orson Welles, et rêve de le faire tourner. Son amitié avec le réalisateur Peter Bogdanovich, qui côtoie régulièrement Welles pour un projet de livre, sera son sésame. Il va parvenir avec beaucoup d’astuce à convaincre l’acteur et réalisateur légendaire de jouer dans Un coin tranquille (A Safe Place), son premier long-métrage, aux côtés de Tuesday Weld et Jack Nicholson. Le film poétique et fantasque sera un échec mais, entre les deux hommes, naîtra une véritable amitié, consolidée en 1982 lorsqu’ils entameront un rituel de rencontres au restaurant Ma Maison, à Hollywood. Ils y déjeuneront ensemble, chaque semaine, jusqu’en 1985, année du décès de Welles (mort d’un infarctus dans la nuit du 10 octobre, sa machine à écrire sur les genoux).

WellesJaglom

Leurs conversations à bâtons rompus sur Hollywood, le cinéma, la politique, les femmes, devaient à l’origine nourrir l’autobiographie que Welles avait l’intention d’écrire (ce dernier avait imposé à Jaglom de cacher le magnétophone dans son sac, hors de sa vue). Demeurés au fond d’un tiroir durant plus de vingt-cinq ans, ces enregistrements ont été exhumés par la volonté de Peter Biskind, auteur du fameux Le Nouvel Hollywood, qui a convaincu Jaglom de les lui confier pour les publier. Paru en 2013 aux Etats-Unis, ces conversations révèlent un Orson Welles excessif et drôle malgré son amertume envers une industrie du cinéma qui s’est toujours refusée à lui, et qui n’a pas son pareil pour dynamiter les légendes.

« J’ai vu récemment ce qu’on m’a toujours dit être le plus grand film de Jack (John Ford), et c’est horrible ! The Searchers (La prisonnière du désert). Il a fait plein de mauvais films. »

Orson Welles et Henry Jaglom
orson_jaglom_4-04f48f194d8000e06e7d6cc3b8b42cb757c0cf5f-s6-c30

Orson Welles : « L’autre soir, j’ai vu l’un des pires films qui soient, tu sais, ce truc d’Hitchcock avec Jimmy Stewart qui passe son temps devant une fenêtre. »
Henry Jaglom : Rear Window (Fenêtre sur cour).
OW : Totalement stupide ! Aucune compréhension de ce qu’une histoire de voyeurisme devrait être…
HJ : Si tu trouves celui-là mauvais, il y en a un autre vraiment terrible avec Jimmy Stewart et Kim Novak.
OW : Vertigo ! C’est encore pire ! »

Tantôt enfantin, tantôt provocateur, le cinéaste apparaît au fil de ces pages sous des facettes parfois contradictoires. La spontanéité des propos permet au lecteur de reconstituer au moins partiellement le puzzle de cette personnalité hors normes, un roi déchu qui n’a plus rien à perdre et n’essaie pas de se rendre sympathique. Désabusé, revenu de tout et diablement intelligent, Orson Welles parle sans langue de bois du passé et du monde d’aujourd’hui. Il évoque avec une tendresse teintée de condescendance sa deuxième épouse, Rita Hayworth, qui ne rêvait que d’être femme au foyer, parle du jour où il a présenté Marlene Dietrich à Greta Garbo, et ses piques envers les personnalités du 7ème art valent invariablement leur pesant de cacahuètes.

Orson Welles en famille, avec Rita Hayworth et la jeune Christopher Welles
50496576_a_181173b

Sur Irène Dunne : « Tellement collet monté et une foutue bonne catholique, au point que j’avais envie de lui foutre mon pied au derrière. Une sainte-nitouche. »

Sur Joan Fontaine : « Ni elle ni sa sœur, Olivia de Havilland, ne savaient jouer. Je n’ai jamais compris la carrière qu’elles ont eue. »

Sur Woody Allen : « Il est arrogant. Comme chez tous les indécis, sa présomption est sans limite. Ceux qui parlent tout bas et se ratatinent en société sont en fait incroyablement arrogants. Il fait le timide mais il ne l’est pas. Il a peur. Il se déteste et il s’adore à la fois. Ce qui créé beaucoup de tension… »

undefined_15b5a5fdc42858e26a57fb270d4e0435

 

Et lorsqu’il s’enthousiasme, c’est avec la même ferveur :

A propos de La grande illusion :
« Probablement l’un des trois ou quatre meilleurs films de tous les temps. Je fonds en larmes chaque fois que je le vois… Tous les acteurs sont divins ! »

La règle du jeu : « C’est comme écouter du Mozart. »

Sur Gary Cooper et Humphrey Bogart : « Devant Gary Cooper, je me transforme en pucelle ! Et toi tu aimes Bogey ! Aucun des deux ne valait grand-chose, mais on est simplement amoureux d’eux. »

XVMdf97baae-f278-11e4-8946-3abad4ddcc57

Si Orson Welles parle des coulisses d’Hollywood avec une sauvagerie jubilatoire, ne ménageant rien ni personne, il évoque avec le même esprit et la même lucidité ses soucis financiers, ses films avortés, et ses mauvais choix. A l’automne 1985, un mois après son décès, le restaurant Ma Maison fermait ses portes. Depuis, Henry Jaglom a continué à faire des films et à monter des pièces de théâtre, au succès très confidentiel et mitigé. En 1997, un documentaire, Who Is Henry Jaglom? , de Henry Alex Rubin et Jeremy Workman, lui a été consacré, pour tenter de cerner cette personnalité très controversée, un génie méconnu pour les uns, un imposteur égocentrique pour les autres.
01_henryjaglom

 

A noter que Carlotta Films publiera le 8 juillet prochain, pour la première fois en Blu-ray et DVD, et en version nouvellement restaurée, Dossier Secret a.k.a Mr Arkadin, d’Orson Welles, ainsi que la mini-série inédite Autour du monde avec Orson Welles

Site Carlotta Films, DVD et VOD

3d-dossier-secret-a.k.a.-mr.-arkadin-bd-def

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Orson Welles à la Cinémathèque française jusqu’au 2 août 2015

Orson Welles and Rita Hayworth in Lady from Shanghai