De tous les biopics qui déferlent sur les écrans depuis quelques mois, le musical n’est pas le moins excitant. Au vu des récentes productions (Amy) et de celles qui s’annoncent (sur Freddie Mercury, sur Janis Joplin…), force est de constater que le genre, pourtant pavé d’embûches, affiche une belle santé. Il a aussi le mérite d’inspirer des cinéastes atypiques, audacieux et passionnés, tel Bill Pohlad, réalisateur du bouleversant Love & Mercy, qui retrace le parcours édifiant de Brian Wilson, leader des Beach Boys, et John Ridley, qui a signé le modeste et sous-estimé All Is By My Side, sur Jimi Hendrix, récemment paru en DVD/Blu-ray.
« We’re not surfers, we never have been and real surfers don’t dig our music anyway ! »
Brian Wilson
Love & Mercy
Bill Pohlad
2014 (dans les salles françaises depuis le 1er juillet 2015)
Au milieu des années 60, les tubes des Beach Boys déferlent sur les ondes US, et Brian Wilson (Paul Dano), leur leader, annonce au groupe (composé, entre autres, de ses deux frères) qu’il ne montera plus sur scène avec eux et se consacrera désormais à l’écriture des chansons en studio. Alors que son génie fait l’admiration de tous, le compositeur est de plus en plus sujet à des crises d’angoisse et de schizophrénie, dues à des traumatismes d’enfance. Vingt ans plus tard, Brian Wilson (John Cusack), qui n’est plus que l’ombre de lui-même et vit sous l’emprise d’un psychiatre véreux et manipulateur (Paul Giamatti), rencontre la femme qui pourrait bien lui sauver la vie (Elizabeth Banks)…
Le biopic musical peut prendre des formes diverses et variées. Il en est des académiques, des linéaires qui relatent les événements de manière très chronologique (Ray) et des déjantés, qui tiennent davantage de la vision que de la biographie, tels Velvet Goldmine ou I’m Not There. Certains ont eu l’autorisation d’utiliser les chansons originales, d’autres non (et parmi ceux-là, certains sont cependant des bons films, Velvet Goldmine en témoigne). Love & Mercy (titre d’une chanson de Brian Wilson publiée en 1988 sur l’album éponyme) a bénéficié de l’aval et de la totale collaboration du musicien, ce qui permet non seulement d’entendre les tubes mythiques (« God Only Knows », « Good Vibrations »…), mais également d’assister, telle une petite souris qui se serait glissée dans le studio d’enregistrement, à la reconstitution de leur création. Le film ramène dès l’ouverture dans la Californie des sixties, reconstituée de manière saisissante par un travail soigné des couleurs et du grain de l’image. Très vite, on bascule dans la période sombre des années 80, et s’ensuit un va-et-vient très habile entre les deux décennies, qui permet aux séquences de se répondre mutuellement. On ne dévoilera pas tout du film, tant cette histoire (incroyable mais vraie) réserve de surprises. Basé sur un scénario de Michael A. Lerner, peaufiné par Oren Moverman (déjà scénariste de I’m Not There), Love & Mercy est signé Bill Pohlad, un passionné de la musique de Brian Wilson. Même s’il s’agit seulement de son deuxième long-métrage en tant que réalisateur (après l’obscur Old Explorers, paru en 1990), ce fils de milliardaire et producteur réputé (12 Years A Slave, Into The Wild, The Tree Of Life, The Runaways…) a accompli ici un tour de force. Son film parvient à propulser le spectateur à l’intérieur de la tête du génial Brian Wilson, compositeur touché par la grâce, et à rendre palpable sa souffrance, sa solitude et son désarroi. Sensationnel, Paul Dano fait un Brian Wilson tourmenté troublant de ressemblance, John Cusack est littéralement bouleversant, Paul Giamatti campe son rôle de vilain avec jubilation et Elizabeth Banks, en héroïne et personnage clé de l’histoire, n’a jamais paru aussi fabuleuse. Ce film est une merveille et son épilogue, un petit bijou.
Et avec : Jake Abel, Kenny Wormald, Brett Davern, Tyson Ritter…
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« I want my music to go inside the soul of a person. You know, for me it’s colors. I want people to feel the music the same way I see it. It’s just colors. That’s it. The rest is just painted with a little science-fiction here and there. »
Jimi Hendrix
All Is By My Side
John Ridley
2013 (paru directement en France en DVD/Blu-ray le 26 mai 2015 chez Universal)
Dans un club de New York, en 1966, l’Anglaise Linda Keith (Imogen Poots), petite amie de Keith Richards, est abasourdie par le talent d’un jeune guitariste (André Benjamin) qui accompagne le chanteur Curtis Knight. Tombée sous le charme, elle va l’encourager à devenir star à part entière et à chanter (Jimi Hendrix détestait sa voix). Elle va aussi lui faire découvrir le LSD (« la drogue des blancs ») et le présenter à son premier manager, Chas Chandler (Andrew Buckey), le bassiste des Animals qui voulait se reconvertir. Tous deux vont pousser Jimi Hendrix à se produire à Londres, alors La Mecque de la musique pop…
Mort d’une overdose quatre ans après son avènement, Jimi Hendrix a traversé l’histoire du rock comme une comète. Le biopic de John Ridley se consacre à la période qui a précédé son sacre, à « sa construction ». Contrairement à Love & Mercy, All Is By My Side n’a pas obtenu des ayants droit (la famille de Jimi Hendrix, résolument contre le projet, pas assez gratifiant pour Hendrix selon elle) l’autorisation d’utiliser sa musique. Cette gageure, impardonnable pour certains, a valu au film des critiques assassines et totalement imméritées. Malgré les écueils, John Ridley, plus connu en tant qu’écrivain et scénariste (il a reçu un Oscar pour le scénario de 12 Years A Slave), a réalisé un portrait de la star tout à fait séduisant et un témoignage plutôt pertinent sur le show-business de l’époque, les groupies hystériques, la consommation d’hallucinogènes, les jalousies entre musiciens etc. La véracité des faits a été contestée par certains des protagonistes vivants (dont sa petite amie Kathy Etchingham, interprétée par Hayley Hatwell dans le film, très remontée dans la presse), pas forcément très fiables. Pas calculateur pour un sou, Jimi Hendrix apparaît tel un feu follet qui se laisse facilement manipuler par les femmes (elles se crêpent volontiers le chignon pour ses beaux yeux) et qui semble n’avoir qu’un seul centre d’intérêt : la musique. Epatant dans le rôle, malgré la différence d’âge avec son personnage, André Benjamin (ou André 3000) du groupe OutKast, campe un Jimi Hendrix stupéfiant de ressemblance et très convaincant, jusque dans son jeu de gaucher. A défaut des originaux, les morceaux « à la manière de » donnent le change, et la mise en scène inventive sied idéalement à la reconstitution de cette période mythique. Les seconds rôles, principalement anglais, font un sans-faute, Imogen Poots en tête. Et certaines séquences valent le détour, comme celle dans laquelle Jimi Hendrix reprend « Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band » devant les Beatles, sidérés par l’audace et le talent de ce virtuose venu d’ailleurs.
Et avec : Burn Gorman, Ruth Negga, Ashley Charles,
Test Blu-ray :
Interactivité
Rien de rien, hélas !
Image ***
Format : 2.40
Le travail sur l’image restitue les ambiances un peu psyché de l’époque. La photo joue sur les couleurs et les contrastes plus que sur la perfection du piqué, d’où la présence de grain ou de flous qui ne nuisent en rien aux qualités esthétiques du film.
Son ***
DTS Master Audio 5.1 en anglais
DTS Surround 5.1 en français
La musique profite idéalement de ce 5.1 efficace. Les dialogues sont un peu en retrait, mais rien de dommageable.