THE HANDMAID’S TALE — LA SERVANTE ÉCARLATE

Chef-d’œuvre télévisuel, la série adaptée du conte dystopique de Margaret Atwood a été érigée en phénomène dès le début de sa diffusion en avril 2017 aux Etats-Unis, où elle a trouvé une résonance particulière. Dans un pays traumatisé par l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, cette peinture d’une Amérique qui bascule soudainement dans l’obscurantisme et la dictature, réduisant les femmes en esclavage, a fait froid dans le dos. La romancière elle-même a confié que sa fiction ne lui avait jamais paru aussi pertinente qu’aujourd’hui. Et tandis que les médias débattent pour déterminer si oui on non, The Handmaid’s Tale doit être appréhendée comme une série féministe, le show fait un tel tabac qu’il a été reconduit pour une deuxième saison après avoir récolté treize nominations aux Emmy Awards. Verdict le 17 septembre ! *

(Pas de spoilers dans cette chronique)

 

« Better never means better for everyone. It always means worse, for some. »

 

The Handmaid’s Tale – La servante écarlate Saison 1

Créée par Bruce Miller
2017
Diffusée pour la première fois sur la chaîne américaine Hulu en avril 2017 (sur OCS Max en France depuis le 27 juin)

Aux Etats-Unis, une série de catastrophes environnementales et la chute du taux de fertilité ont poussé une secte de Chrétiens extrémistes à fomenter un coup d’état et à instaurer une dictature répressive. Tandis que les homosexuels, les défenseurs de l’avortement et de la liberté sous toutes ses formes sont pendus haut et court aux murs des villes, les femmes, privées de leurs droits les plus fondamentaux, sont devenues les esclaves de la classe dirigeante. Les plus fertiles, reconnaissables à leur uniforme rouge écarlate, sont affectées au service des couples dont la femme est stérile. June (Elisabeth Moss) est une de ces servantes. Capturée alors qu’elle tentait de fuir au Canada avec son époux et leur fille, elle doit se plier aux exigences du Commandant (Joseph Fiennes) et de son épouse (Yvonne Strahovski), qui ne parviennent pas à procréer…

The Handmaid’s Tale, roman de science-fiction de Margaret Atwood publié en 1985 (paru en France sous le titre La servante écarlate), avait été porté à l’écran en 1990 par le cinéaste allemand Volker Schlöndorff. Pas étonnant que ce pourfendeur du fanatisme, réalisateur de L’honneur perdu de Katharina Blum et du Tambour, ait été interpellé par la dystopie (ou contre-utopie) monstrueuse imaginée par l’écrivain canadienne. Mais en dépit de la collaboration d’Harold Pinter, qui en avait signé l’adaptation, et de la présence de Faye Dunaway et Robert Duvall, le film, un tantinet poussif, n’avait que moyennement convaincu. La puissance du récit d’Atwood méritait un traitement plus ambitieux. Depuis avril 2017, grâce à cette série créée par Bruce Miller (Eureka, The 100…), c’est chose faite. La mise en scène intelligente, la photo léchée et les visuels chocs la rendent incroyablement captivante malgré la cruauté, la perversité et l’horreur du propos. La talentueuse Elisabeth Moss — Mad Men, Top Of The Lake — toujours dans les bons coups donc (elle est aussi coproductrice du show), excelle à rendre palpable les sentiments qui habitent l’infortunée héroïne, humiliée, violée, brutalisée, et qui refuse de céder au désespoir. Magaret Atwood, qui a supervisé cette série anxiogène (elle fait également une apparition dans le premier épisode), avait été inspirée par un séjour à Berlin d’avant la chute du Mur, en 1984, où elle avait fortement ressenti la claustrophobie ambiante et avait été frappée par l’atmosphère oppressante qui émanait des pays, au-delà du rideau de fer, qu’elle avait pu visiter à la même époque. L’écrivain souhaitait décrire une dystopie du point de vue d’une femme, une première dans la littérature de science-fiction, ce qui valut au livre le surnom de « 1984 féministe » — Atwood est d’ailleurs une fervente admiratrice de George Orwell. Pour autant, elle a toujours pris ses distances avec le label « féministe », préférant parler d’humanisme (à l’instar des créateurs de la série). Cela n’a pas empêché son œuvre de devenir un manifeste pour les militantes des droits de la femme. En mars dernier, des Américaines avaient endossé l’uniforme moyenâgeux et cauchemardesque des servantes de la série, composé d’une cape rouge sang et d’une cornette blanche — une réalisation de la costumière Ane Cabtree — pour protester contre les lois anti-avortement votées par le Sénat du Texas. La phrase-clé de la série « Nolite Te Bastardes Carborundorum » (latinisation fantaisiste de mots anglais qui signifie « Ne laisse pas les bâtards te tyranniser ») est ainsi devenue la devise des féministes. The Handmaid’s Tale apparaît d’autant plus troublante qu’elle est d’un réalisme frappant. Margaret Atwood s’était attachée à ne rien inclure dans le récit qui n’ait pas déjà été pratiqué dans une société de par le monde. De fait, la répression dans la République de Gilead a des relents de l’esclavage, du nazisme, de la Guerre froide ou du puritanisme du 17ème siècle. Et si l’on considère le sort peu enviable réservé aux femmes dans certains pays du Golfe, et dans ceux où la laïcité est en recul (la Turquie au hasard…), on se dit que, de la fiction à la réalité, il n’y a qu’un pas qui pourrait être franchi plus vite qu’on le croit.
Et avec : Max Minghella, Ann Dowd, Madeline Brewer, Samira Wiley, Alexis Bledel, O-T Fagbenle, Ever Carradine…

 

BANDE-ANNONCE







 

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Natasha Richardson dans The Handmaid’s Tale de Volker Schlöndorff

Le 27 juin 2017 à Washington, des femmes ont revêtu l’uniforme des servantes écarlates et défilent devant le Capitole pour protester contre la réforme de la loi sur la santé.

* Des travaux d’écriture (sur Performance, Saturday Night Fever, entre autres…) m’ont tenue éloignée de mon blog ces derniers mois, mais soleil ou pas, je n’ai pas l’intention d’attendre la rentrée pour rattraper mon retard…

 

TOP OF THE LAKE, Generation War, Tunnel, In The Flesh : les mini-séries qui ont tout des grandes ! (1/4)

THRILLER NEW AGE
AN_26287619-(Read-Only)Top Of The Lake

Mini-série américano-australo-britannique créée par Jane Campion et Gerard Lee
2013 (Blu-ray Arte Vidéo)

Dans une petite ville du Sud de la Nouvelle-Zélande, Tui Mitcham, douze ans, est retrouvée par son institutrice à moitié immergée dans le lac. On découvre qu’elle est enceinte de cinq mois. Robin Griffin (Elisabeth Moss), jeune inspectrice de Sydney spécialisée dans les affaires d’agressions sexuelles, et originaire de la région, est sollicitée pour assister l’inspecteur Al Parker (David Wenham) dans son enquête. Mais à son grand dam, l’adolescente est ramenée chez son père, Matt Mitcham (Peter Mullan), un homme violent qui vit de petits trafics. Quelques jours plus tard, Tui disparaît…

Première série à avoir eu les honneurs du festival de Sundance, Top Of The Lake est une réussite à tous points de vue. Influencée par la récente série The Killing, mais aussi par la sulfureuse Deadwood, Jane Campion, lauréate d’un Oscar en 1994 pour La leçon de piano (Palme d’Or à Cannes l’année précédente) et réalisatrice douée de Portrait de femme, In The Cut ou Bright Star, l’a imaginée avec l’écrivain australien Gerard Lee, avec lequel elle avait coécrit son Sweetie en 1989. Dès l’ouverture, on est séduit par l’atmosphère un brin fantastique qui émane des paysages grandioses de la Nouvelle-Zélande et de la musique entêtante de Mark Bradshaw. Si la disparition de Tui devient l’obsession de la jeune inspectrice, elle n’est qu’un prétexte pour les auteurs à exposer leur vision de l’humanité, du bien et du mal. Dans ce maelstrom de mensonges et de crimes, l’enquête de Robin tourne à la quête de vérité, à laquelle son propre passé n’est pas étranger. Rarement la beauté n’aura abrité autant de mystère et de noirceur. Du patriarche fou furieux et imprévisible incarné avec brio par Peter Mullan, à ce gourou énigmatique d’une communauté New Age à qui Holly Hunter donne toute sa causticité (ses cheveux longs argentés font d’elle une sorte de clone de la cinéaste), les personnages composent une véritable galerie de freaks. Truffée de mystères et de rebondissements, la mini-série de six épisodes d’une heure se révèle un récit initiatique palpitant, emmené par une Elisabeth Moss, célèbre pour son rôle de Peggy Olson dans Mad Men, émouvante et lumineuse. Déterminée, au péril de sa vie et de sa santé mentale, à élucider l’énigme, Robin avance dans les ténèbres tel un héros antique, un chevalier sans armure, qui jamais ne défaille même si le sort semble constamment s’acharner contre lui. Saluée avec enthousiasme dès sa première diffusion outre-Atlantique en mars 2013 (les téléspectateurs français ont pu la découvrir en novembre sur la chaîne Arte), Top Of The Lake croule sous les nominations et les récompenses. Elle a notamment reçu deux nominations aux prochains Golden Globes. Verdict le 12 janvier 2014.

TOP OF THE LAKE
Test Blu-ray :

Interactivité****
Les six épisodes d’une heure sont enrichis d’un excellent documentaire de 51 minutes, From The Bottom Of The Lake, de Clare Young, qui revient intimement sur la genèse de la série. De l’écriture à la réalisation en passant par les répétitions des acteurs, le reportage recèle des séquences étonnantes et de belles réflexions sur la création artistique. Le programme comprend également un aperçu du tournage (5 minutes) et des mini-interviews d’Elisabeth Moss et Holly Hunter.

Image ****
Format : 1.78
Détaillée, nuancée et lumineuse, l’image rend justice à la remarquable photo du film. Les noirs sont profonds à souhait.
 
Son : ***
DTS-HD Master audio 2.0 en français et anglais
Sous-titres français non-imposés
Sous-titres pour sourds et malentendants
Le DD 2.0 joue la subtilité et se révèle suffisamment dynamique pour mettre en valeur la musique obsédante et les montées de tension.

Top Of The Lake
top-of
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Top Of The Lake