SLOW HORSES

Merveille d’humour noir britannique portée par un Gary Oldman impérial, cette série d’espionnage s’est intensifiée au fil des saisons au point de devenir incontournable. Sans surprise, elle a remporté en septembre dernier le Emmy Award du Meilleur scénario pour une série dramatique. Ne passez pas à côté ! (pas de spoiler dans cet article)

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« You’re fucking useless. The lot of you. Working with you has been the lowest point in a disappointing career. »

 

SLOW HORSES

Série britannique créée par Will Smith en 2022
Quatre saisons disponibles sur Apple TV

Parce qu’il a échoué en beauté à une mission d’entraînement du MI5, le jeune agent River Cartwright (Jack Lowden) est mis au rebut à l’Étable (Slough House), un immeuble délabré de Londres, un purgatoire pour les espions ratés. Cantonnés à exécuter des besognes inutiles et des travaux de paperasse, ces bras cassés doivent par-dessus le marché endurer les humeurs massacrantes d’un patron qui fut autrefois une gloire des services secrets de Sa Majesté, mais qui n’est plus qu’un alcoolique aux cheveux gras et à l’haleine de chacal (Gary Oldman) …

Manifestement, Gary Oldman s’amuse beaucoup dans la peau de Jackson Lamb, héros déchu de la série de romans d’espionnage du Britannique Mike Herron. Slow Horses, qui emprunte son titre au premier tome, devenu en français La Maison des tocards, est apparue sans faire de bruit sur Apple TV en 2022. C’est au talentueux Will Smith (à ne pas confondre avec l’acteur-rapper américain), déjà créateur de la célèbre Veep, qu’on doit cette adaptation fidèle et pleine d’esprit. Lors du premier épisode, on a pu être surpris par la différence de rythme entre l’introduction, décoiffante, et la suite, beaucoup plus flegmatique. Un changement de tempo qui a amené certains téléspectateurs à abandonner la partie. Erreur ! Peu à peu, la série, truffée de rebondissements et de révélations, est montée en puissance. Mine de rien, elle a imposé un ton unique, de cynisme et de drôlerie mêlés, et des interprètes absolument truculents. Kristin Scott Thomas force le respect en directrice glaciale et peau de vache du MI5, et ses prises de bec avec ce vieux briscard de Gary Oldman, roublard et aussi brillant qu’il est cradingue, sont savoureuses. On s’attache aussi aux membres de l’équipe de l’Étable (surnommés « les veaux »), qui ont chacun leur charme, du nerd à qui on mettrait des claques (Christopher Chung) à la vénérable secrétaire en apparence inoffensive qui en a sous la semelle (Saskia Reeves). Au sein de cette galerie de losers, se distingue le pur et courageux River Cartwright (un mix entre Luke Skywalker et Ethan Hunt), dont la fougue permanente a le don d’agacer son boss. Bien évidemment, tout ce petit monde a beau être la risée du MI5, il réussit souvent à lui damer le pion, et à sauver l’Angleterre par la même occasion. Et bien évidemment aussi, le cynisme affiché par Lamb et ses acolytes n’est que de façade, et le show se révèle parfois étonnamment émouvant. Chaque saison comprend six épisodes, dont le dernier arrive toujours trop vite. Heureusement, Gary Oldman ne compte pas lâcher l’affaire et la saison 5 est pour bientôt. À noter que la chanson du générique (« Strange Game »), divinement interprétée par Mick Jagger, a été composée spécialement pour la série par ce dernier, avec la complicité de Daniel Pemberton. Excusez du peu !
4 saisons de 6 épisodes d’environ 50 mn. Et avec Jonathan Pryce, Sophie Okonedo, Rosalind Eleazar, Aimée-Ffion Edwards, Kadiff Kirwan, Freddie Fox, Chris Reilly, Samuel West, Hugo Weaving, Catherine McCormack, Olivia Cooke… 

Clip officiel Strange Game

LE BUREAU DES LÉGENDES Saison 4

Certains doutaient de sa résistance et de sa force de survie, mais trois ans après sa création, la série d’Eric Rochant n’a rien perdu de sa capacité à captiver et innover. Contre toute attente, la disparition de protagonistes majeurs a même permis l’éclosion de figures tout aussi intéressantes. Car les geeks ont beau repousser les limites de la technologie, le nouveau monde se moquer de l’ancien, l’humain est plus que jamais au cœur de cette quatrième saison sous haute tension : profonde, subtile et bouleversante.

 

« Je viens d’avoir Malotru. Ils sont sur place.
– Je sais.
– Il est inquiet…
– De quoi ?
– Je ne sais pas. Il est inquiet…
– Ok…
– Il a des raisons d’être inquiet ?
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– Je ne sais pas…
– Ok… »

 

Le bureau des légendes – Saison 4

Série française créée par Eric Rochant
2018
Sur Canal + depuis le 22 octobre

Malotru (Mathieu Kassovitz), qui a faussé compagnie à l’équipe de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) et aux Américains venus l’appréhender pour l’interroger, se cache à Moscou. Marie-Jeanne (Florence Loiret-Caille), désormais à la tête du Bureau des légendes, est dans le collimateur de JJA (Mathieu Amalric), terreur du contre-espionnage, déterminé à trouver la faille dans cette équipe qu’il soupçonne d’être sous l’influence néfaste de Malotru et d’avoir facilité son évasion…

On a adoré 24 h chrono pour son côté épique et son héros sacrificiel. On adore Homeland pour son univers anxiogène et son héroïne paranoïaque. Mais Le bureau des légendes, dans sa façon bien à elle de traiter de l’espionnage, n’a rien à leur envier. D’ailleurs les Américains sont si séduits par la série française qu’un remake est en cours (sous le titre The Department). Montrer les espions sous leurs aspects les plus ordinaires, fonctionnaires et ronds de cuir œuvrant pour la sécurité du monde dans les couloirs étroits et la grisaille de bureaux à la déco anonyme, était un vrai pari lancé en 2015 par Eric Rochant (Un monde sans pitiéLes patriotes), fan de John Le Carré devant l’Eternel. Mais ce parti pris anti-spectaculaire et réaliste n’empêche ni le suspense, ni les scènes de bravoure. Au contraire, dans Le Bureau des légendes, une séquence de traque d’un virus informatique sur des écrans donne autant de frissons qu’une attaque des Marcheurs Blancs dans Game Of Thrones. Signe des temps, cette saison 4 met les jeunes, spécialistes du codage et de la cybersécurité, en première ligne (Ah ! les yeux ronds de Marie-Jeanne quand elle est en leur présence…). Tandis que Malotru tente de jouer au plus fin avec le FSB en Russie où il est entré clandestinement, d’autres agents s’activent sur le terrain. Rocambole, ex-Phénomène, alias Marina Loiseau (Sara Giraudeau) est en mission à Moscou, et Janus (formidable Artus), fait ses premiers pas en Syrie pour récupérer des informations sur les djihadistes français qui fomentent des attentats sur le territoire. Car comme le fait remarquer Sylvain Ellenstein (Jules Sagot) à César, le roi des geeks (Stefan Crepon) : « L’humain, c’est bien aussi. » L’humain, justement, est un facteur nuisible pour le glaçant JJA incarné avec brio par Mathieu Amalric et obsédé par la traque d’agents doubles. Pourvoyeur de phrases vachardes et de coups tordus, il réussit à instiller le doute dans les cerveaux les plus aguerris et à y implanter l’idée qu’un espion romantique est aussi dangereux qu’une arme de destruction massive. On n’aura jamais tant détesté l’acteur sur un écran.
Dix épisodes de 52 minutes. Et avec Jonathan Zaccaï, Irina Muluile, Grégory Fitoussi, Aleksey Gorbunov, Maryana Spivak, Surho Sugaipov, Stéfan Godin, Gilles Cohen, Anne Azoulay…

On notera que non seulement la DGSE a donné son assentiment à la production du Bureau des légendes, mais elle y collabore en procurant volontiers des conseils aux scénaristes (ce qui ne veut pas dire que tout ce qu’on voit dans la série est vrai). Du coup, les agents eux-mêmes sont archi-fan du show, plus que ravis de l’image qu’il renvoie de leur profession.

BANDE-ANNONCE

 

AU SERVICE DE LA FRANCE Saison 2

Trois ans après la première saison, la brillante série imaginée par Jean-François Halin, le scénariste des deux OSS 117 interprétés par Jean Dujardin, est revenue en grande forme. Le réalisateur Alexandre Courtès a cédé la place à Alexis Charrier, mais on retrouve avec bonheur la même brochette de comédiens truculents ainsi qu’une musique originale, ad hoc et joliment chic, de Nicolas Godin.

 

« Mon Colonel, pourquoi a-t-on d’aussi bonnes relations avec le FLN ? Et quel est le problème exactement avec l’OAS ? Ils sont turbulents, impulsifs, voire excessifs, c’est vrai. Mais il faut dire aussi qu’ils ont l’impression de ne pas être compris alors qu’on leur a dit qu’on les avait compris… »

 

Au service de la France – Saison 2

Créée par Jean-François Halin
2018
Diffusée sur Arte en juillet 2018
Disponible depuis le 27 juin en DVD et Blu-ray chez Arte Editions

André Merlaux (Hugo Becker), la jeune recrue des services secrets français, se fait passer pour mort et est hébergé secrètement par « Moïse » (Christophe Kourotchine), son supérieur, seul dans la combine. Les deux hommes ont bien l’intention de faire tomber leur patron, le respecté Colonel Mercaillon (Wilfred Benaïche), au sombre passé de collabo et que Merlaux soupçonne d’avoir fait exécuter ses parents résistants. Mais pendant ce temps, Jacquard (Karim Barras), Calot (Jean-Edouard Bodziak) et Moulinier (Bruno Paviot) — fleuron de l’espionnage français — sont confrontés aux grands événements de cette année 1961…

Le décor ayant été planté lors de la saison précédente, cette deuxième partie se veut davantage une plongée dans la période gaullienne. Tout au long de ces douze épisodes, seront ainsi évoqués, avec une ironie dévastatrice, la décolonisation de l’Afrique, la crise de Cuba et la Baie des Cochons, les troubles en Algérie, la Guerre Froide, la construction du Mur de Berlin et tutti quanti. Etant donné que les enjeux géopolitiques échappent totalement à nos trois agents pieds nickelés (surtout Jacquard et Moulinier) qui abordent toutes les missions avec une logique de petits fonctionnaires arrogants et racistes, obsédés par leurs primes et notes de frais, les situations se révèlent d’une absurdité jubilatoire. Leurs aventures à l’étranger sont hilarantes, notamment dans un épisode surréaliste, clin d’œil à l’univers d’Hergé. Les trois machos vont aussi devoir s’accoutumer à l’affranchissement de Marie-Jo (excellente Marie-Julie Baup), qui passe de secrétaire nunuche à agent à part entière, et fait preuve de ressources insoupçonnées. Car si la saison fait la part belle à l’émancipation de la femme (la séquence de comédie musicale est très réussie), elle se fait plus émouvante lorsqu’elle évoque la répression de l’homosexualité, considérée en France en ce début des 60s comme un « fléau social ». Truffés de références (même Star Wars y passe), les dialogues spirituels, écrits par Jean-François Halin, Claire Le Maréchal et Jean-André Yerlès sont un régal, à l’instar de la bande-originale classieuse de Nicolas Godin, dont on se réjouit de la parution en vinyle et digital. Elle se révèle indispensable lors de l’Happy Hour pour crier : « Y a pot ! »
12 épisodes de 30 mn Et avec les formidables Stéphanie Fatout, Mathilde Warnier, Khalid Maadour, Antoine Gouy…

BANDE-ANNONCE




 

Test Coffret 3-DVD :

Interactivité ***
Un joli programme de suppléments vient enrichir ces douze épisodes. Le créateur et scénariste Jean-François Halin revient sur la genèse de la saison, et replace certains aspects de l’intrigue, et notamment l’homosexualité, dans le contexte de l’époque. Il exprime également son envie de rempiler pour une troisième saison, à ce jour encore non confirmée par la chaîne. Le réalisateur Alexis Charrier, qui a succédé à Alexandre Courtès, livre lui également, ses impressions, tandis que le compositeur Nicolas Godin parle de ses influences et de l’enthousiasme qu’il a eu à créer ces ambiances musicales et cet épatant générique, clin d’œil aux séries télévisées des années 60 et 70. Enfin, les trois scénaristes sont réunis pour commenter l’épisode 6 et l’épisode 12, qui révèlent au passage quelques secrets de l’intrigue.

Image ****
Format : 1.85
Image précise, soignée et contrastée. Les couleurs sont magnifiques.

Son ****
DD 5.1 et 2.0 en français
La piste 5.1 met idéalement en valeur les ambiances musicales.