À CAUSE D’UN ASSASSINAT/SENS UNIQUE

Cet été, sont parus deux Blu-ray inédits en France, mettant à l’honneur deux films « de complot » qui ont marqué leur époque, mais pas de la même façon.

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« Ce qui vous crée des ennuis est cela même qui vous rend précieux… »

  

À CAUSE D’UN ASSASSINAT (The Parallax View)

Alan J. Pakula
1974
Coffret Ultra Collector Blu-ray + DVD + Livre disponible depuis le 17 juin 2025 chez Carlotta Films

Le 4 juillet 1971, jour de l’anniversaire de l’Indépendance des États-Unis, le sénateur démocrate Charles Carroll, candidat à la présidence, est abattu en pleine réception à Seattle. L’enquête conclut à un acte isolé perpétré par un déséquilibré. Trois ans plus tard, la journaliste Lee Carter (Paula Prentiss), témoin du drame, alerte son confrère et ex-amant Joseph Frady (Warren Beatty) sur le fait que la plupart des personnes qui ont assisté à l’événement sont, depuis, mortes dans des circonstances suspectes. La jeune femme semble terrorisée, mais elle ne parvient pas pour autant à convaincre Frady. Quelques jours après, elle est victime d’un accident fatal…

Les assassinats politiques successifs commis dans les années 60 ont traumatisé l’Amérique. Le mystère entourant l’identité du ou des meurtriers de JFK a particulièrement ébranlé la confiance du peuple à l’égard de ses dirigeants. À la fin de la décennie, l’idée d’un complot ourdi dans les plus hautes sphères de l’état s’est largement répandue outre-Atlantique, a fortiori dans le camp démocrate, dont l’acteur Warren Beatty a embrassé la cause. La politique sera même la priorité du golden-boy durant la décennie suivante (ami de Bob Kennedy, il sera ensuite le fervent soutien du candidat George McGovern). Ce n’est donc pas un hasard si on le retrouve tête d’affiche de ce film d’Alan J. Pakula, qui s’intercale, dans la « trilogie de la conspiration » du cinéaste, entre Klute et Les Hommes du président.

Contrairement à ces deux œuvres, À cause d’un assassinat, dont le titre original est bien plus pertinent, revêt un aspect abstrait, presque expérimental, notamment dans sa dernière partie. Ce thriller paranoïaque tourné en plein scandale du Watergate paraît d’ailleurs la même année que Conversation secrète, de Francis Ford Coppola, avec lequel il partage les ambiances dépressives et une certaine déshumanisation. Si le début du film laisse entrevoir une intrigue à la Hitchcock, ce n’est qu’un faux-semblant. Dans sa quête de vérité, le héros journaliste sera tour à tour manipulé et happé dans les trous noirs d’une machination de grande ampleur. Warren Beatty, particulièrement mutique, semble disparaître dans des décors gigantesques et très géométriques photographiés par le génial Gordon Willis (Le Parrain, Manhattan…). La musique dissonante signée Michael Small contribue à l’atmosphère cauchemardesque de ce thriller à la limite du fantastique, dont une scène n’est pas sans rappeler Orange mécanique. Adoré par la critique et emblématique du Nouvel Hollywood, ce film militant n’a pourtant pas eu les faveurs du public à sa sortie. De fait, il n’a rien « d’aimable ». Et en dépit de ses qualités artistiques, il suscite un sentiment de frustration (rythme très lent, récit parfois décousu, psychologie peu fouillée du protagoniste, démonstration pataude…). On peut lui préférer Klute ou Les Hommes du président.
1 h 42 Et avec Hume Cronyn, Walter McGinn, Kelly Thordsen, William Daniels, Chuck Waters…

  

TEST EDITION ULTRA COLLECTOR BLU-RAY

 

Carlotta a mis les petits plats dans les grands pour cette très belle édition exhaustive, limitée et numérotée à 2 500 exemplaires, dont le visuel est une création de Laurent Durieux.

Le film, restauré en 2K à partir d’un scan 4K, offre une très belle qualité d’image et de son. Les suppléments sont passionnants. Le livre de Jean-Baptiste Thoret (160 pages, 40 photos d’archives), revient abondamment sur la genèse du film, dont le tournage s’est déroulé pendant une grève des scénaristes, ainsi que sur son contexte politique. Il inclut en outre deux interviews de Pakula. Au menu des bonus du Blu-ray, on trouve une analyse du cinéaste Alex Cox (15 minutes), un entretien avec Jon Boorstin, assistant sur le film (les deux documents existaient déjà sur l’édition Criterion) et un autre, inédit, avec le réalisateur français Nicolas Pariser, qui évoque « le cinéma du complot » (27 minutes).

 

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« Wanna dance ?
– The twist ? No thank you. »

 

SENS UNIQUE (No Way Out)

Roger Donaldson
1987
Blu-ray et DVD disponibles depuis le 25 juin 2025 chez BQHL

Héros de la marine américaine, le lieutenant Tom Farrell (Kevin Costner), est recruté par Scott Pritchard (Will Patton) un ami d’université devenu conseiller du secrétaire à la Défense David Brice (Gene Hackman). Tom doit assurer la liaison entre le Pentagone et le service des renseignements concernant une affaire délicate de sous-marin. Lors d’une soirée électorale, le fringant militaire tombe sous le charme d’une jeune femme pétillante (Sean Young) avec laquelle il entame une aventure torride. Il ignore qu’elle est la maîtresse de David Brice. Ce dernier, soupçonnant une infidélité de sa belle, lui fait une crise de jalousie et la tue accidentellement. Suivant l’avis de son conseiller, il décide de faire porter le chapeau au second amant de la jeune femme, et charge l’infortuné Tom de retrouver l’homme en question…

1987 était l’année de la consécration pour Kevin Costner, repéré deux ans plus tôt dans Silverado, de Lawrence Kasdan. Le beau gosse déjà féru de western va en effet casser la baraque avec deux films, Les Incorruptibles, de Brian De Palma, et ce Sens unique, thriller d’espionnage sexy où son charisme fait des étincelles. À la barre, l’Australien Roger Donaldson, installé en Nouvelle-Zélande (il est le premier cinéaste néo-zélandais à avoir été distribué aux États-Unis), auteur, trois ans auparavant, du remake peu inspiré des Révoltés du Bounty – Mel Gibson y succédait tant bien que mal à Marlon Brando et Clark Gable. Donaldson s’illustrera ensuite avec les populaires Cocktail, La Mutante ou Le Pic de Dante, et plus récemment avec The Recruit, Burt Munro ou Braquage à l’anglaise.

Plus à l’aise dans le thriller, le réalisateur signait avec Sens unique un efficace film de série B, truffé de suspense et d’ingéniosité. On accroche pour de bon à cette intrigue sinueuse, qui virevolte du cœur du Pentagone et s’insinue jusque dans les milieux de la CIA et du KGB. Un concept hitchcockien que l’on doit surtout à Kenneth Fearing, l’auteur du livre dont est tiré le scénario, intitulé Le Grand horloger (The Big Clock). Ce roman noir avait déjà été porté brillamment à l’écran en 1948 par John Farrow, puis trois décennies plus tard par Alain Corneau lequel, faute d’avoir pu en acquérir les droits, se contentera de le transposer (plutôt adroitement) dans Police Python 357. Le héros, journaliste dans le récit d’origine (flic dans la version de Corneau) devient militaire chez Donaldson dans un contexte de Guerre froide. En dépit de personnages un peu trop caricaturaux et, surtout, d’un twist final improbable, ce jeu du chat et de la souris au rythme soutenu (la musique est de Maurice Jarre), et qui fit un tabac à sa sortie, se revoit sans déplaisir. Will Patton excelle en âme damnée du ministre ; Sean Young, l’inoubliable androïde de Blade Runner, fait une femme fatale aussi drôle que sexy et, à la faveur d’un petit rôle, on y découvre la mannequin Iman, pas encore Madame David Bowie…
1 h 54 Et avec Howard Duff, George Dzundza, Jason Bernard, Fred Thompson…

TEST BLU-RAY

 

Une édition de très belle facture. La définition de l’image (contrastée et lumineuse) est particulièrement impressionnante. Le son, très frontal, est un peu en deçà.

Un seul bonus au programme, mais appréciable : il s’agit d’une solide présentation du film par le journaliste Vincent Nicolet, de Culturopoing, qui aborde avec brio tous les aspects de ce succès des années 80 (28 minutes).

 

 

THE RYAN INITIATIVE

Contre toute attente, c’est l’Irlandais et très shakespearien Kenneth Branagh qui a réveillé en 2014 la célèbre saga d’espionnage de Tom Clancy, emblématique du début des années 90. Ce thriller d’action à suspense qui allie modernité et élégance old school remonte avec brio aux sources du personnage de Jack Ryan, campé par un Chris Pine très convaincant en boy-scout intelligent. Kevin Costner joue au mentor, Keira Knightley à la fiancée de rêve et Kenneth Branagh au vilain terroriste. Mission accomplie, en Blu-ray et DVD !

 

The Ryan Initiative (Jack Ryan : Shadow Recruit)

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Kenneth Branagh
2014 (en DVD et Combo Blu-ray/DVD chez Paramount Home Entertainment depuis le 4 juin 2014)

Le 11 septembre 2001, Jack Ryan (Chris Pine), brillant étudiant en économie, assiste à la télévision à l’attentat du World Trade Center et décide d’interrompre ses études pour s’engager dans les US Marines. Soldat courageux, il frôle la mort dans un accident d’hélicoptère en Afghanistan et écope d’une grave blessure au dos. Durant sa rééducation, il est approché par Thomas Harper (Kevin Costner), une pointure de la CIA, qui le recrute en tant qu’analyste moyennant qu’il achève son doctorat. C’est aussi à ce moment-là que Jack rencontre la femme de sa vie (Keira Knightley)…

A trente-trois ans, Chris Pine peut voir l’avenir en rose. Ce Californien issu d’une famille de comédiens hollywoodiens – sa grand-mère, Anne Gwynne, était une star des films d’horreur Universal et son père, Robert Pine, est un acteur de télévision populaire, bien connu, entre autres, des fans de la série Chips – a fait un joli petit bout de chemin depuis ses débuts dans la comédie pour ado (il donnait notamment la réplique à Lindsay Lohan dans le sympathique Lucky Girl en 2006). Charismatique, intelligent, aussi à l’aise dans l’action (Unstoppable), le film de genre (Infectés, Mi$e à prix) ou dans la comédie romantique (Target), Chris Pine a l’étoffe des héros. Après avoir donné un coup de jeune au Capitaine Kirk de Star Trek, il endosse ici le costume de Jack Ryan, le célèbre héros de la série de romans d’espionnage de Tom Clancy, et succède à Alec Baldwin (A la poursuite d’Octobre Rouge, 1990), Harrison Ford (Jeux de guerre, 1992, Danger immédiat, 1994) et Ben Affleck (La somme de toutes les peurs, 2002). L’écrivain, disparu en octobre 2013, avait donné son aval à ce projet de prequel, supervisé par le producteur Lorenzo di Bonaventura et imaginé par les scénaristes Adam Cozad et David Koepp (Jurassic Park, Mission Impossible, La guerre des mondes…). Même s’il n’est pas adapté d’un roman, le film, qui remonte aux sources du personnage, reprend de nombreux éléments de la saga. On découvre un Jack Ryan jeune et novice en matière d’espionnage. Fonctionnaire boy-scout propulsé sur le terrain par des circonstances extraordinaires, cet apprenti espion brille par son authenticité, son humanité et son ingéniosité. Le scénario ancre l’intrigue dans un contexte contemporain (Jack doit enquêter sur une organisation financière terroriste) et revigore la vieille rivalité américano-russe. Après avoir signé un Thor honorable, Kenneth Branagh, plus connu pour ses envolées shakespeariennes (Henry V, Beaucoup de bruit pour rien, Hamlet, Peines d’amour perdues, Comme il vous plaira), réalise ici un film d’espionnage high-tech de toute beauté. Non content de s’acquitter de sa mission avec brio (mention spéciale à Chris Pine, dont la fougue pimente des scènes d’action moins consensuelles que la moyenne), il réussit des séquences de pure comédie, notamment dès qu’apparaît Keira Knightley, fiancée futée et transie d’amour. Sans être original, ce thriller palpitant qui balade de New York à Moscou profite intelligemment de ses atouts. Les deux acteurs principaux sont attachants, Kevin Costner, tout en sourires narquois, est comme il faut, et Kenneth Branagh, en vilain, n’en fait même pas trop. Beau travail !

BANDE-ANNONCE

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JACK RYAN: SHADOW RECRUIT

JACK RYAN: SHADOW RECRUIT
Test Blu-ray :

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Interactivité***
On profite d’un intéressant commentaire audio de Kenneth Branagh accompagné du producteur Lorenzo di Bonaventura. Les deux hommes confient avoir souhaité faire de Jack Ryan un personnage authentique et presque ordinaire, et non une machine de guerre à la Jason Bourne. Un making of de 13 minutes, astucieusement intitulé The Smartest Guy In The Room, revient sur la genèse du projet et le choix de l’interprète de Jack Ryan. Une featurette est consacrée à Kenneth Branagh, réalisateur qui aime jouer collectif, et une autre à Vic Armstrong, roi des cascadeurs. Un reportage étayé d’interviews de spécialistes se penche sur la légendaire rivalité Russie-Amérique (22 minutes). Le programme s’achève sur 5 minutes de scènes inédites ou rallongées, avec option de commentaires du cinéaste et du producteur.

Image ****
Format : 1.85
La photo signée Haris Zambarloukos joue à fond la carte de l’élégance et du glamour. Les noirs profonds, les contrastes appuyés et les couleurs explosives sont magnifiquement restitués par cette image Blu-ray quasi-irréprochable.

Son : ****
DTS-HD Master Audio 7.1 en anglais
DD 5.1 en français
Sous-titres français non imposés
La piste anglaise, détaillée, ample et très efficace, fait un sans-faute, et sert admirablement la musique de Patrick Doyle, compositeur fétiche de Branagh. En comparaison, le DD 5.1 français est sensiblement moins puissant.

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JACK RYAN

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JACK RYAN