2001, l’odyssée de l’espace : Making of

En 1968, un an avant le premier pas de l’homme sur la lune, bond prodigieux pour l’humanité et les esprits, Stanley Kubrick tissait un fil d’Ariane entre l’être humain et l’espace, marquant à jamais l’histoire du cinéma et de la science-fiction. En 2014, l’éditeur Taschen avait consacré à 2001, l’odyssée de l’espace un remarquable ouvrage, présenté dans un coffret métallique reproduisant le monolithe noir. Il réunissait quatre volumes abondamment illustrés de photos et documents inédits, truffés d’entretiens et de témoignages, ainsi que les fac-similés du scénario original et des notes de production. Limitée à 1500 exemplaires et plutôt onéreuse (1 000 € selon le site de Taschen), cette édition collector monumentale réalisée en étroite collaboration avec le Kubrick Estate et la Warner Bros est aujourd’hui déclinée en version allégée et beaucoup plus abordable.

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Dave : « I don’t know what you’re talking about, HAL.
HAL : I know that you and Frank were planning to disconnect me, and I’m afraid that’s something I cannot allow to happen. »

 

The Making Of Stanley Kubrick’s 2001 : A Space Odyssey

Kubrick

De Piers Bizony et M/M Paris
Publié par Taschen en septembre 2015
En anglais, relié (16,9 x 37,8) 562 pages (59,99 €)

Piers Bizony est bien connu des amoureux du chef-d’œuvre visionnaire de Stanley Kubrick. Cet écrivain spécialisé dans la science et l’histoire de la technologie est l’auteur de l’ouvrage de référence 2001 : Filming The Future, dont la version française, 2001 : le futur selon Kubrick, éditée en 2000, est aujourd’hui épuisée. C’est une version enrichie de ce livre que l’on trouve ici, dans cette nouvelle édition, proposée uniquement en anglais (comme la précédente), du monumental coffret collector paru en 2014 chez Taschen, dont le design est signé M/M (Paris). Ce studio graphique français d’art et de design fondé en 1992 par Mathias Augustyniak et Michael Amzalag collabore régulièrement avec des créateurs de mode (Yohji Yamamoto, Marc Jacobs…), des musiciens (Benjamin Biolay, Etienne Daho, Madonna, Björk, Kanye West…), et des artistes contemporains (Pierre Huyghe, Inez & Vinoodh…). Selon l’éditeur, Mathias Augustyniak et Michael Amzalag ont conçu le livre (en forme de monolithe) « comme une symphonie, entièrement composée de pages dépliantes, à expérimenter si possible avec Le beau Danube bleu en fond sonore ». Le format inhabituel (et très controversé) n’est pas un hasard. Aussi insolite et imposant que le monolithe noir du film, l’ouvrage « qui n’a jamais été pensé comme expérience ordinaire ou un plaisir superficiel » est une œuvre d’art à part entière, au service de son sujet, et dont la manipulation doit interpeller le lecteur et le bousculer. Illustrant les propos de Piers Bizony, qui relate l’aventure que fut la création du film — de la genèse jusqu’à son héritage — les photos de plateaux et des coulisses du tournage, croquis, tableaux préparatoires et éléments publicitaires trouvent subtilement leur place. Le lecteur va de découverte en découverte en dépliant les pages de ce coffre au trésor. Hommage au génie de Kubrick et Arthur C. Clarke, ce livre permet de plonger au cœur d’un film révolutionnaire, et d’en découvrir non seulement les secrets, mais aussi les acteurs, les chefs-décorateurs, les experts en effets spéciaux… tous ceux qui ont contribué à cet éblouissement.

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2001, l’odyssée de l’espace

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Stanley Kubrick
1968

Des grands singes peuplant la terre il y a quatre milliards d’années à la conquête de l’espace en 2001, l’évolution de l’homme est une aventure vertigineuse et mystérieuse dont la clé semble être un étrange monolithe…

En 1963, après Docteur Folamour, son film déjanté sur l’amorce de la troisième guerre mondiale, le cinéaste américain Stanley Kubrick s’attelle à l’élaboration du projet le plus ambitieux jamais réalisé au cinéma : tenter d’élucider le mystère de l’humanité. Mais au cours des cinq années que dura sa création, ce programme audacieux prit des proportions démesurées. S’étant allié avec l’écrivain de science-fiction de renom Arthur C. Clarke, qui adapta pour la cause sa nouvelle intitulée The Sentinel, le cinéaste avait envisagé au départ de réaliser un semi-documentaire, qui aurait recours à des voix-off et des interviews scientifiques et métaphysiques. Cependant, soucieux de mettre en évidence sa vision de la relation de l’homme avec l’univers, Stanley Kubrick finit par opter pour la représentation purement cinématographique, prouvant ainsi que l’art, dépourvu de limites, peut explorer des domaines situés bien au-delà de la raison. Dans le même dessein, le réalisateur se débarrasse de la parole (« les mots étant un terrible carcan »). De fait, ce film de plus de deux heures ne comporte pas plus de quarante minutes de dialogues. Pour y suppléer, le cinéaste choisit avec une inspiration de génie une bande-son des plus originale. En effet, alors que l’usage dans le cinéma de science-fiction était de recourir à de la musique à connotation expérimentale, tentative de se rapprocher au maximum d’une certaine idée du modernisme, 2001, l’odyssée de l’espace va être transcendé par des chefs-d’œuvre de la musique classique, dont Le beau Danube bleu (qui accompagne à merveille les mouvements du vaisseau dans l’espace), de Johann Strauss et Ainsi parlait Zarathoustra, de Richard Strauss. Ce décalage crée une osmose foudroyante, et s’offre l’assurance de l’intemporalité (voir interview Nicolas Godin). Le lyrisme échevelé allié avec l’expérimentation scientifique et l’intelligence de la mise en scène font de ce film une vision de génie encore jamais égalée, posant par là même les bases du cinéma de science-fiction moderne. Les effets spéciaux innovateurs (soixante pour cent du budget du film), créés par une équipe de quatre techniciens chevronnés (dont Douglas Trumbull, réalisateur de Brainstorm en 1983) furent supervisés par Stanley Kubrick lui-même, qui effectua un travail très minutieux sur les modèles réduits. L’académie des Oscars lui offrira pour cela la seule statuette de sa carrière (suprême ironie !), bien que le film ait été nominé dans les catégories Meilleur réalisateur, Meilleur scénario et Meilleure direction artistique. Qu’importe ! Le cinéaste obtint avec ce film sa consécration définitive en même temps qu’un statut de mégalomane. Mais ce qui fait la puissance de ce chef-d’œuvre ne réside pas seulement dans la magnificence et l’inventivité visuelle. Parce qu’il touche à l’essentiel et à l’intouchable, 2001, l’odyssée de l’espace provoque chez le spectateur un sentiment indéfinissable de terreur. La solitude de l’homme devant l’immensité de l’univers et le pouvoir grandissant des machines représenté par l’implacable ordinateur HAL (les trois lettres précédant IBM) sont un sombre présage pour le destin de l’humanité, que la fin romantique (le fœtus astral) ne parvient pas à estomper. Le pessimisme exacerbé de Stanley Kubrick, dont la réputation de misanthrope ne cessera de croître avec les années, est à fleur du film. Bien des questions restent sans réponse. Car, si le monolithe est la clé de l’univers, qu’est-il vraiment ? Dieu ? Le néant ? « Chacun est libre de spéculer à son gré sur la signification philosophique et allégorique du film. J’ai essayé de créer une expérience visuelle » affirmait le cinéaste. Tout comme Hitchcock avec le suspense, Stanley Kubrick a révolutionné avec 2001 le cinéma de science-fiction si intensément que les autres réalisateurs préfèrent s’y référer plutôt que de se risquer à le contourner. Suprême ironie encore, Stanley Kubrick, disparu le 7 mars 1999, n’aura jamais vu l’année 2001.
Avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, Robert Beatty…

BANDE-ANNONCE

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Chronique rédigée pour fnac.com en 2001