SUCCESSION série

Récompensée cette année par le Golden Globe de la Meilleure série dramatique tandis que l’Écossais Brian Cox recevait celui du Meilleur acteur, la série de Jesse Armstrong a fait des étincelles dans sa deuxième saison, impressionnante à tous les niveaux. Comparée à un Game Of Thrones des temps modernes, la shakespearienne Succession cultive avec brio cynisme et humour noir. Une grande différence avec GOT néanmoins : ici pas de Jon Snow à l’horizon. Pas une once de pureté. Pas une once de morale.

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« On crée sa propre réalité. Une fois que c’est fait, tout le monde trouve ça complètement naturel. »

 

SUCCESSION


Série créée par Jesse Armstrong en 2018
Saisons 1 et 2 disponibles sur OCS

L’Américain Logan Roy (Brian Cox) dirige le 5ème plus gros conglomérat de médias au monde. Cet impitoyable chef de clan qui a l’oreille du Président est à la tête d’un empire qui s’étend sur quatre continents et cinquante pays. Mais il n’est plus tout jeune. Et après l’accident cérébral dont il a été victime, ses enfants et notamment son fils Kendall (Jeremy Strong), l’héritier présumé, se demandent s’il ne devrait pas passer la main…

Comme dirait ma mère : « Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. » Et pourtant, on s’attache à cette famille dysfonctionnelle, véritable nid de vipères, dont chaque membre, antipathique de prime abord, est un vrai « cas ». Le père, l’odieux Logan Roy, est monstrueux dans sa manière de mener ses affaires tout comme dans celle de monter ses enfants les uns contre les autres. Et il a la progéniture qu’il mérite : Connor (Alan Ruck), l’imbécile heureux, Kendall, à la merci de ses addictions multiples et variées, Roman (Kieran Culkin), immature et pétri de névroses, et Shiv (Sarah Snook), seule démocrate de la famille, qui court en permanence après l’approbation paternelle. De ces enfants gâtés qui rêvent de tuer le père, mais rasent les murs dès qu’il hausse un sourcil, seul Kendall semble le plus à même de le faire. Manque de chance, il est son pire ennemi (Jeremy Strong est une révélation !). Et puis, il y a le cercle élargi, avec Tom (hilarant Matthew Macfadyen — le compagnon de Shiv, dindon de la farce désigné), le cousin Greg (Nicholas Braun), grand échalas ahuri et imprévisible, l’amusante Gerri (J. Smith-Cameron), la directrice des affaires juridiques qui ne se mouille jamais, les actionnaires et partenaires, de vraies planches pourries. Humiliations, manipulations, trahisons et insultes à gogo… On est à la fois écœuré et fasciné par ce jeu de massacre chez les (très) riches, qui vont et viennent à travers le monde comme s’il s’agissait de leur jardin — de lofts sublimes à des yachts improbables, en passant par des châteaux anglais, ou hongrois, c’est selon. Inspirée par les dynasties Murdoch et Trump, mais aussi du film danois Festen, la très américaine Succession est malgré tout l’œuvre d’un Britannique, Jesse Armstrong (réalisateur des satiriques We Are Four Lions et In The Loop). On ne s’étonnera pas de la présence du cinéaste Adam McKay (Vice, The Big Short…), producteur exécutif et réalisateur du pilote. Magistralement écrite, interprétée, filmée et photographiée, la série peut également s’enorgueillir d’avoir un des plus beaux (et plus longs) génériques de séries TV actuelles (formidable thème musical de Nicholas Britell). La première saison mettait l’eau à la bouche, la deuxième, passionnante, envoie le bois et toute la forêt. Pour savoir ce que réserve la troisième, retardée pour cause de pandémie, il faudra patienter un peu, mais il y a fort à parier que Succession, comme Logan Roy, en a encore sous la semelle.
Deux saisons (de 10 épisodes) Et avec Hiam Abass, Peter Friedman, Justine Lupe, Danny Huston, Holly Hunter, James Cromwell, Ashley Zukerman…

LA PETITE DORRIT

Chef-d’œuvre de la télévision britannique inédit en France, l’adaptation par la BBC de Little Dorrit, de Charles Dickens, vient de paraître en DVD chez Koba Films, et est attendue sur Arte fin novembre. Elle est signée Andrew Davies, le maître du period drama, auquel on doit déjà les remarquables séries Orgueil et préjugés, Bleak House, House of Cards ou Mr Selfridge, et force est de constater que sous sa plume, cette critique acerbe du capitalisme n’a rien perdu de sa pertinence. Il y est question d’une jeune fille vertueuse et pauvre, née et élevée en prison, de l’homme chevaleresque qui tente d’arracher sa famille à la misère, de gens malintentionnés, de secrets de famille inavouables et de revers de fortune. Romanesque par excellence !

 

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« Chut ! Ce serait vraiment étrange de vous voir oublier quelque chose, vous qui n’oubliez jamais personne et qui n’oubliez jamais rien. »
Arthur Clennam à Amy Dorrit

 

La petite Dorrit (Little Dorrit)

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Mini-série produite par la BBC, créée en 2008 par Andrew Davies d’après l’œuvre de Charles Dickens
En DVD chez Koba Films depuis le 22 octobre 2014, diffusée sur Arte du 27 novembre au 18 décembre 2014

En voyage en Orient depuis de nombreuses années avec son père homme d’affaires, Arthur Clennam (Matthew Macfadyen) est contraint de rentrer en Angleterre à la mort soudaine de ce dernier. Dans un dernier souffle, le vieil homme lui a fait promettre d’obliger sa mère à lui révéler un secret de famille et à réparer les torts commis. A Londres, Arthur est accueilli plutôt sèchement par cette dernière, une femme acariâtre, qui refuse de lui donner une quelconque explication. Il est cependant intrigué par la présence d’une jeune fille, Amy Dorrit (Claire Foy), venue effectuer de menus travaux de couture, et par la sollicitude inattendue que sa mère lui témoigne. En suivant discrètement Amy, il découvre qu’elle vit depuis toujours avec son père dans la prison de la Maréchaussée, où sont incarcérés les endettés…

Moins célèbre qu’Oliver Twist, David Copperfield ou Les grandes espérances, La petite Dorrit, de Charles Dickens (1812-1870), est une formidable immersion dans le Londres capitaliste et corrompu de l’époque victorienne. Paru à l’origine sous forme de feuilleton mensuel entre 1855 et 1857, le onzième roman de l’un des plus populaires auteurs anglais était considéré par le dramaturge George Bernard Shaw comme « le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre » et « plus séditieux que Le Capital de Karl Marx. » Jamais en effet, Dickens ne s’est attaqué aussi directement aux institutions politiques, à l’inertie de la bureaucratie et aux aristocrates incompétents dont est constellé le gouvernement (voir le très kafkaïen ministère des Circonlocutions). Et si le sinistre banquier Merdle semble préfigurer Bernard Madoff, Dickens publie le livre en 1857, alors que les directeurs de la Royal British Bank sont arrêtés pour avoir berné leurs clients (il l’évoque dans sa préface). Parce qu’il a souffert dans son enfance du manque d’argent (son propre père a été incarcéré pour dettes à la prison de la Maréchaussée), le romancier sait qu’il est le nerf de la guerre, et il s’amuse ici à le faire changer de mains de façon spectaculaire. Le roman est ainsi séparé en deux parties, illustrant le destin de la famille Dorrit. Elles sont sobrement intitulées Pauvreté et Les riches. Critiqué à sa publication pour la complexité de son intrigue et son manque de nuances, Little Dorrit a été réhabilité au cours du XXe siècle. Nul doute que cette adaptation d’Andrew Davies, présentée ici en huit épisodes de 52 minutes, va susciter l’envie de le (re)découvrir. L’univers de Dickens n’a jamais été aussi éclatant, caustique et romanesque. Autour des nobles figures d’Amy et d’Arthur, évoluent des personnages secondaires truculents, telle Flora, l’amour de jeunesse d’Arthur, qui amènent une légèreté bienvenue à un contexte plutôt sombre. La distribution est prestigieuse. Tom Courtenay fait un Mr Dorrit bouleversant, Andy Serkis (Rigaud) en psychopathe, est terrifiant, Matthew Mcfadyen (il campait le Mr Darcy d’Orgueil et préjugés, de Joe Wright) fait un Arthur Clennam extrêmement touchant, et Claire Foy une héroïne moderne et sage. Cette mini-série, qui a remporté sept Emmy Awards en 2009, est en tout point remarquable.
Et avec James Fleet, Eddie Marsan, Emma Pierson, Alex Wyndham, Russell Tovey, Ron Cook…

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Test DVD :

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Interactivité *

On doit se contenter d’une biographie de Dickens et d’un lot de bandes-annonces des productions de la BBC, tout aussi excellentes, déjà parues chez l’éditeur.

Image ****
Format : 1.77
On se félicite de cette image riche aux couleurs somptueuses, superbement définie. Les noirs sont profonds et les clairs-obscurs, de toute beauté.

Son ****
DD 2.0 en anglais et français
Sous-titres français non imposés
Une piste stéréo dynamique et efficace, qui met en valeur les bruits d’ambiance comme les dialogues. La version originale est à privilégier.

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rigaud
fanny dorrit
Little_Dorrit

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