EMMY AWARDS 2020 (Les meilleures séries US)

 

« Ce qui va se passer ce soir, ce n’est pas important. Ça ne va pas arrêter le Covid, ça ne va pas arrêter les incendies. Mais c’est fun et on a besoin de quelque chose de fun. »

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Ainsi parlait Jimmy Kimmel, maître de la 72ème cérémonie des Emmy Awards qui était tout sauf « fun ». Dimanche soir, au Staples Center de Los Angeles, elle s’est déroulée en mode pandémie dans une ambiance un tantinet surréaliste. « Bienvenue aux Pandemmys ! » s’est empressée de clamer l’humoriste dont les blagues d’introduction, entrecoupées par des insertions de séquences de rires provenant de cérémonies précédentes, avaient un goût amer.

« Of course, we don’t have an audience, this is not a meeting Make America Great Again, it’s the Emmys ! »

Tandis qu’avaient été disséminées dans la salle des silhouettes en carton des stars, les vraies, restées à domicile, apparaissaient sur les écrans grâce leur webcam (excepté Jason Bateman, venu faire une blague). Quelques remettants ont malgré tout répondu présents pour assister le maître d’hôte, tels Jennifer Aniston, fraîchement liftée. D’autres l’ont fait dans des petites vidéos amusantes — David Letterman avec sa longue barbe blanche mi-Père Noël, mi-hipster a fait une apparition champêtre — ou émouvantes comme celle de l’infirmière qui a annoncé un prix en direct de l’hôpital. Les lauréats résidant à Los Angeles se sont vu remettre leur trophée chez eux, et chacun, où qu’il se trouve sur la planète, a déclamé son discours de son salon, de son hôtel, et parfois… du restaurant !

 

Les lauréats sont…

SÉRIE DRAMATIQUE

Il y avait du lourd en lice : Ozark, Strangers Things, The Mandalorian, The Crown, The Handmaid’s Tale… Mais cette année, il n’y avait pas photo et comme on s’y attendait après son Golden Globe, la formidable Succession de HBO a remporté quatre trophées majeurs pour sa saison 2 : Meilleure série, Meilleure réalisation, Meilleur scénario et Meilleur acteur pour Jeremy Strong, très ému. (lire critique AFAP).

Jeremy Strong

Le créateur du show, Jesse Armstrong, en direct de Londres, n’y est pas allé de main morte dans son discours :

« Pas merci au virus qui nous oblige à rester séparés cette année. Pas merci au président Trump pour sa gestion lamentable et dénuée de logique. Pas merci à Boris Johnson et son gouvernement qui fait la même chose dans mon pays. Pas merci à tous les gouvernements nationalistes ou quasi-nationalistes dans le monde qui font exactement l’inverse de ce dont nous avons besoin. Et pas merci aux patrons de médias qui font tant pour les garder au pouvoir. »

L’épatante Ozark n’est cependant pas repartie bredouille. À son grand étonnement la géniale Julia Garner (Ruth dans la série) reçoit l’Emmy du Meilleur second rôle pour la deuxième année de suite. Amplement mérité.

Julia Garner

 

C’est dans une ambiance d’euphorie générale que Zendaya a reçu son Emmy de la Meilleure actrice pour son rôle dans…  Euphoria (Jimmy Kimmel s’est empressée de dire qu’elle était « plus jeune que Bébé Yoda »). Le trophée du Meilleur second rôle est allé à Billy Crudup pour The Morning Show.

 

SÉRIE COMIQUE

C’est Schitt’s Creek une série canadienne qui n’a pas encore été diffusée en France, mais qui cartonne aux États-Unis sur la chaîne Pop TV, qui a raflé quasiment tous les prix de sa catégorie, soit neuf Emmy Awards (actrice, acteur, seconds rôles, réalisation etc). Fait étonnant, elle a remporté le jackpot avec sa sixième et dernière saison. Créée par l’acteur Dan Levy, elle narre les tribulations d’une famille déclassée après une histoire de fraude. Catherine O’Hara, entre autres, y fait des étincelles.

 

MINI-SÉRIE

 

L’audace a payé. Elle n’a pas validé ses vingt-six nominations (!) mais l’incroyable Watchmen, créée, entre autres, par Damon Lindelof de Lost remporte le trophée de la Meilleure mini-série ainsi que celui du Meilleur scénario. Deux de ses acteurs, Regina King et Yahya Abdul-Mateen II, sont respectivement sacrés Meilleure actrice et Meilleur second rôle masculin. Regina King qui portait un t-shirt à l’effigie de Breonna Taylor, Afro-Américaine de vingt-six ans tuée par la police, a exhorté ses concitoyens à voter.

« Vous devez voter. Je serais indigne de ne pas le dire en tant que membre d’un show aussi visionnaire que Watchmen. »

En effet, la série très librement inspirée du roman graphique de Alan Moore, Dave Gibbons et John Higgins, évoque des événements se déroulant trente ans après ceux du comics. Ils se situent dans l’Amérique de 2019, sous la présidence de Robert Redford. Toute l’intrigue tourne autour des réminiscences d’un événement tragique de l’histoire, le massacre de Tulsa en 1921, une émeute raciale particulièrement meurtrière et longtemps passée sous silence.

Yahya Abdul-Mateen II dans Watchmen

« Les feux sont toujours en train de brûler, il faut qu’on les éteigne ensemble » a asséné Damon Lindelof en recevant son Emmy.

L’Emmy du Meilleur acteur est revenu à Mark Ruffalo pour I Know This Much Is True(HBO) de Derek Cianfrance, qui a plaidé en faveur d’un vote pour « la compassion, la gentillesse et le bien ». Le trophée du Meilleur second rôle féminin a été remporté par Uzo Aduba pour Miss America (FX Networks). L’outsider Unorthodox, une des rares séries Netflix récompensées durant cette soirée, est repartie avec celui de la réalisation.

On laisse à Jimmy Kimmel le mot de la fin :

« The world may be terrible, but TV has never been better. »

Succession

Site Officiel des Emmys 2020

SUCCESSION série

Récompensée cette année par le Golden Globe de la Meilleure série dramatique tandis que l’Écossais Brian Cox recevait celui du Meilleur acteur, la série de Jesse Armstrong a fait des étincelles dans sa deuxième saison, impressionnante à tous les niveaux. Comparée à un Game Of Thrones des temps modernes, la shakespearienne Succession cultive avec brio cynisme et humour noir. Une grande différence avec GOT néanmoins : ici pas de Jon Snow à l’horizon. Pas une once de pureté. Pas une once de morale.

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« On crée sa propre réalité. Une fois que c’est fait, tout le monde trouve ça complètement naturel. »

 

SUCCESSION


Série créée par Jesse Armstrong en 2018
Saisons 1 et 2 disponibles sur OCS

L’Américain Logan Roy (Brian Cox) dirige le 5ème plus gros conglomérat de médias au monde. Cet impitoyable chef de clan qui a l’oreille du Président est à la tête d’un empire qui s’étend sur quatre continents et cinquante pays. Mais il n’est plus tout jeune. Et après l’accident cérébral dont il a été victime, ses enfants et notamment son fils Kendall (Jeremy Strong), l’héritier présumé, se demandent s’il ne devrait pas passer la main…

Comme dirait ma mère : « Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. » Et pourtant, on s’attache à cette famille dysfonctionnelle, véritable nid de vipères, dont chaque membre, antipathique de prime abord, est un vrai « cas ». Le père, l’odieux Logan Roy, est monstrueux dans sa manière de mener ses affaires tout comme dans celle de monter ses enfants les uns contre les autres. Et il a la progéniture qu’il mérite : Connor (Alan Ruck), l’imbécile heureux, Kendall, à la merci de ses addictions multiples et variées, Roman (Kieran Culkin), immature et pétri de névroses, et Shiv (Sarah Snook), seule démocrate de la famille, qui court en permanence après l’approbation paternelle. De ces enfants gâtés qui rêvent de tuer le père, mais rasent les murs dès qu’il hausse un sourcil, seul Kendall semble le plus à même de le faire. Manque de chance, il est son pire ennemi (Jeremy Strong est une révélation !). Et puis, il y a le cercle élargi, avec Tom (hilarant Matthew Macfadyen — le compagnon de Shiv, dindon de la farce désigné), le cousin Greg (Nicholas Braun), grand échalas ahuri et imprévisible, l’amusante Gerri (J. Smith-Cameron), la directrice des affaires juridiques qui ne se mouille jamais, les actionnaires et partenaires, de vraies planches pourries. Humiliations, manipulations, trahisons et insultes à gogo… On est à la fois écœuré et fasciné par ce jeu de massacre chez les (très) riches, qui vont et viennent à travers le monde comme s’il s’agissait de leur jardin — de lofts sublimes à des yachts improbables, en passant par des châteaux anglais, ou hongrois, c’est selon. Inspirée par les dynasties Murdoch et Trump, mais aussi du film danois Festen, la très américaine Succession est malgré tout l’œuvre d’un Britannique, Jesse Armstrong (réalisateur des satiriques We Are Four Lions et In The Loop). On ne s’étonnera pas de la présence du cinéaste Adam McKay (Vice, The Big Short…), producteur exécutif et réalisateur du pilote. Magistralement écrite, interprétée, filmée et photographiée, la série peut également s’enorgueillir d’avoir un des plus beaux (et plus longs) génériques de séries TV actuelles (formidable thème musical de Nicholas Britell). La première saison mettait l’eau à la bouche, la deuxième, passionnante, envoie le bois et toute la forêt. Pour savoir ce que réserve la troisième, retardée pour cause de pandémie, il faudra patienter un peu, mais il y a fort à parier que Succession, comme Logan Roy, en a encore sous la semelle.
Deux saisons (de 10 épisodes) Et avec Hiam Abass, Peter Friedman, Justine Lupe, Danny Huston, Holly Hunter, James Cromwell, Ashley Zukerman…