MAL DE PIERRES/UNE VIE ENTRE DEUX OCÉANS

Deux mélodrames éblouissants et romanesques en diable sont à l’affiche depuis début octobre. Tous deux adaptés de best-sellers, ils sont mis en scène par des cinéastes sensibles et intelligents, et transcendés par des acteurs sensationnels. Emotions garanties !

 

« Vous voulez vous marier avec moi ? Vous êtes fou. Je ne vous aimerai jamais. »

  

Mal de pierres

Nicole Garcia
2016 (dans les salles françaises depuis le 19 octobre)
Présenté en compétition au festival de Cannes 2016

En Provence, dans les années 50, Gabrielle (Marion Cotillard) s’ennuie et rêve du grand amour dans la petite exploitation agricole de ses parents. On la dit folle à cause de son caractère excessif et ses attitudes provocantes. Désemparée, sa mère (Brigitte Roüan) finit par convaincre José (Alex Brendemühl), l’un des saisonniers espagnols, de la demander en mariage. Sensible à beauté de Gabrielle, il accepte, même si celle-ci l’avertit qu’elle ne l’aimera jamais. Mais Gabrielle souffre aussi de la « maladie de la pierre », autrement dit de calculs rénaux, qui pourraient l’empêcher de devenir mère. Pour la soigner, José la conduit dans un sanatorium en Suisse. Là, elle va s’éprendre follement d’un beau militaire de retour d’Indochine (Louis Garrel), gravement malade…

Depuis son premier long-métrage, Un week-end sur deux, en 1990, la carrière de réalisatrice de Nicole Garcia s’est révélée un tantinet inégale. Spécialiste des drames passionnels et romanesques, du Fils préféré à Un balcon sur la mer en passant par Place Vendôme ou L’Adversaire, sa sensibilité fait toutefois souvent merveille, tout comme sa maîtrise en matière de direction d’acteurs. Elle signe avec ce très beau Mal de pierres, librement adapté du roman homonyme de l’Italienne Milena Agus, son film le plus fiévreux, sensuel et intense, à l’image de son héroïne incarnée par Marion Cotillard. L’actrice est impressionnante dans ce rôle de femme passionnée, exaltée, frustrée par une vie dictée par les conventions et prise au piège d’un mariage sans amour. Totalement habitée par son personnage farouche, qui semble bouillonner intérieurement comme un animal en cage, elle se jette à corps perdu dans chaque scène. Il y a quelque chose d’organique dans ce mélodrame à la fois âpre et incandescent (la photo de Christophe Beaucarne est magnifique), marqué par les ciels, paysages et minéraux de la Provence et la Suisse. Et lorsque le fantastique s’invite de manière inattendue (un peu maladroitement aussi… ), brouillant la frontière entre le réel et l’imaginaire, c’est pour mieux mettre en relief le pouvoir du fantasme. On saluera les prestations de Louis Garrel, incarnation de la figure romantique par excellence, et de l’acteur hispanique Alex Brendemühl, bouleversant en époux martyr consentant, taiseux, et passionnément amoureux de sa femme.
2 h Et avec Victoire Du Bois, Aloïse Sauvage, Daniel Para, Jihwan Kim, Victor Kilichini…

BANDE-ANNONCE

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« Un jour, tout cela ne sera plus qu’un rêve. Je te le promets. »

  

Une vie entre deux océans (The Light Between Oceans)

THE LIGHT BETWEEN OCEANS

Derek Cianfrance
2016 (dans les salles françaises depuis le 5 octobre)
Présenté en compétition au festival de Venise 2016

Rescapé de la Grande guerre, Tom Sherbourne (Michael Fassbender) veut oublier les horreurs du champ de bataille et accepte le poste vacant de gardien de phare sur la petite île déserte de Janus Rock, ballottée par les océans Austral et Indien au large de la côte ouest de l’Australie. Avant d’embarquer, il fait la connaissance de la jolie Isabel (Alicia Vikander) à qui il promet d’écrire. De lettres en lettres, ils tombent amoureux. Ils se marient. La vie de solitude sur l’île n’effraie pas la jeune femme et les tourtereaux y vivent un bonheur absolu jusqu’à ce qu’Isabel, enceinte, fasse une fausse couche, puis une deuxième. L’amour de Tom ne suffit pas à lui faire oublier son chagrin. Un jour, comme un cadeau du ciel, une embarcation s’échoue sur le rivage avec, à son bord, un homme mort et un bébé bien vivant. Tom veut aussitôt signaler cette découverte, mais son épouse l’implore de se taire afin qu’ils puissent faire passer cet enfant pour le leur…

Lorsque le réalisateur américain de Blue Valentine et du magnifique The Place Beyond The Pines adapte le roman tire-larmes et plébiscité dans le monde entier de l’Australienne Margot L. Stedman, cela donne un mélodrame dans la pure tradition du genre et totalement assumé. Tout est sublime dans ce film déchirant qui en appelle au cinéma de Terrence Malick : les images de l’île battue par les vents et des océans déchaînés remarquablement photographiés par le chef-opérateur Adam Arkapaw (True Detective, Top Of The lake) ; la musique symphonique, tour à tour intime et épique, d’Alexandre Desplat, qui inonde chaque séquence, et les comédiens filmés en plans rapprochés, incroyablement émouvants. Comme dans Mal de pierres, c’est aussi ici l’époux qui sacrifie son âme, son intégrité, par amour pour sa femme. Et plus encore que la très douée Alicia Vikander, Michael Fassbender bouleverse dans la peau de cet homme rongé, torturé par un mensonge qui va, implacablement, le rattraper. Car cet enfant trouvé a bien sûr une mère désespérée qui le pleure (campée par une formidable Rachel Weisz). « Il n’y a ni bons ni méchants. Juste des gens bien qui font des mauvais choix, qui ont des conséquences insoupçonnées. » La morale, les cas de conscience sont des entraves au bonheur. Avec un mysticisme quasi religieux, Derek Cianfrance jongle avec les émotions, ne cherche pas à les éluder non plus, et sa mise en scène, malgré un certain classicisme, n’est jamais pesante. Le dénouement, un tantinet frustrant, rend le film encore plus cruel.
2h 13 Et avec Jack Thompson, Thomas Unger, Bryan Brown, Leon Ford…

BANDE-ANNONCE

THE LIGHT BETWEEN OCEANS


THE LIGHT BETWEEN OCEANS

THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS
THE LIGHT BETWEEN OCEANS

CAROL

D’une beauté et d’une délicatesse sidérantes, le mélodrame de Todd Haynes, adaptation d’un roman de Patricia Highsmith, sulfureux en son temps, a été unanimement salué par la critique, qui le place d’ores et déjà sur le podium des meilleurs films de 2016. Certes, Carol frise la perfection, mais c’est aussi son plus grand défaut. Elle tend en effet à n’en faire qu’un bel écrin pour des actrices constamment sublimées et tout en poses, qui peinent à insuffler de l’émotion, excepté par fulgurances.

Robe de chambre

 « Just when it can’t get any worse, you run out of cigarettes. »

 Carol
Magasin

Todd Haynes
2015 Dans les salles françaises depuis le 13 janvier 2016
Prix d’interprétation féminine (Rooney Mara) au Festival de Cannes 2015
Six nominations aux Oscars 2016

Au début des années 50 à Manhattan, à quelques jours de Noël, Thérèse (Rooney Mara), jeune vendeuse du rayon jouets d’un grand magasin, est fascinée par une cliente fortunée, belle et particulièrement élégante (Cate Blanchett) venue acheter un cadeau pour sa fille. Thérèse trouve un prétexte pour la revoir en lui faisant livrer la paire de gants qu’elle a oubliée sur le comptoir. Les deux femmes entament très vite une relation d’amitié ambiguë et nourrie d’admiration mutuelle. Mais tandis que Thérèse s’éloigne sans trop de difficulté de son petit ami (Jake Lacy), Carol, elle, doit se défaire d’un mari jaloux et possessif (Kyle Chandler)…

En 2002, dans Loin du paradis, brillant hommage de Todd Haynes à Douglas Sirk, un père de famille se débattait avec ses pulsions homosexuelles dans la société bourgeoise et conservatrice du début des années 50, tandis que pour se consoler, son épouse tombait amoureuse d’un jardinier noir. Treize ans après, Carol ramène en plein maccarthysme et narre les tribulations d’une grande bourgeoise, mère d’une petite fille, qui tente de s’échapper d’un mariage raté pour vivre en accord avec elle-même, ses sentiments et ses penchants saphiques. Elle succombe au charme de Thérèse, ingénue timide et mystérieuse, comme « tombée du ciel » et qui semble ne pas avoir froid aux yeux. Mais en 1953, l’homosexualité est considérée comme illégale aux Etats-Unis (elle l’est encore dans de nombreux pays) et les passions de Carol peuvent lui valoir des sérieux ennuis. Comme le roman quasi-autobiographique de Patricia Highsmith duquel il est inspiré (la romancière l’a d’abord publié sous un pseudonyme en 1952), le film adopte le point de vue de Thérèse, qui observe avec fascination, comme une icône, cette femme plus âgée qu’elle et plus expérimentée. Son parfum, son vernis à ongle impeccable, ses poses lascives, son regard perdu, sa façon de tenir sa cigarette, de rejeter ses cheveux en arrière… tout chez Carol émerveille la jeune fille, vendeuse par défaut et aspirante photographe. Thérèse suit son instinct et se laisse entraîner dans cette histoire sans savoir exactement ce qu’elle en attend. Le réalisateur du cultissime Velvet Goldmine filme le rapprochement, à pas feutrés, de ces deux femmes avec une délicatesse qui tend au fétichisme, et sa mise en scène astucieuse confère au récit un caractère imprévisible. Tourné en Super 16 avec un grain très vintage, et élégamment souligné par la musique de Carter Burwell et le jazz de l’époque, Carol transporte dans les peintures d’Edward Hopper et les photos des années 50, de Saul Leiter ou Ruth Orkin. Les touches de couleur vives sont éblouissantes. Dans la continuité de Blue Jasmine, Cate Blanchett fait une Anna Karénine des 50’s touchante et remarquable, et dame le pion à sa partenaire Rooney Mara, qui, sous ses faux airs d’Audrey Hepburn (et de Jean Simmons aussi), reste un peu trop souvent impénétrable. C’est aussi le reproche que l’on peut faire à cette œuvre un peu figée, un peu trop feutrée, qui manque de fièvre et de passion, d’élans de vie et de révolte (seul le personnage de l’époux éconduit, campé avec justesse par Kyle Chandler, semble être fait de chair). La scène finale, en revanche, est si magnifique qu’elle absout définitivement le film.
1 h 58 Et avec Jake Lacy, Sarah Paulson, Cory Michael Smith, John Magaro…

BANDE-ANNONCE

Thérèse
Noel
Danse
Kylie
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file

Sarah
Fille
Pleurs
Rooney-Mara-Carol
Dehors