Après s’être emparé avec brio du Blade Runner de Ridley Scott, le temps d’un remake époustouflant, le Québécois Denis Villeneuve a relevé le défi d’adapter le roman de science-fiction culte de Frank Herbert, sur lequel Alejandro Jodorowsky et David Lynch se sont respectivement cassé les dents en 1975 et 1984. Résultat : la critique crie au chef-d’œuvre et les fans du livre sont aux anges. Verdict :
(sans spoilers)
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« Dreams make good stories, but everything important happens when we’re awake. »
DUNE
Denis Villeneuve
2021
Dans les salles depuis le 15 septembre 2021
En 10191, sur la planète Caladan, le puissant duc Leto Atréides (Oscar Isaac) se voit confier par l’Empereur la mission de prendre la gestion de la planète Arrakis, jusqu’alors aux mains de la Maison Arkonnen, ennemis héréditaires des Atréides. Arrakis, planète de sable, surnommée Dune par ses habitants autochtones, est la seule sur laquelle on peut extraire l’Épice, une substance aux propriétés miraculeuses et, surtout, indispensable à la navigation interstellaire. Leto se méfie de ce contrat de dupes, mais il ne peut refuser. Il emmène ses meilleurs guerriers, sa compagne (Rebecca Ferguson), qui possède de mystérieuses aptitudes mentales, et leur fils Paul (Timothée Chalamet). Formé à l’art du combat, ce dernier commence également à développer les mêmes capacités psychiques que sa mère…
Le problème du Dune de Villeneuve, c’est qu’il arrive après Star Wars. George Lucas a tellement emprunté à l’œuvre de Frank Herbert, écrite au milieu des années 60, que les similitudes de ce Dune avec les films de l’épique franchise (sans compter la série Le Mandalorian), dans la forme et même le fond, sont légion (un jeune élu, des pouvoirs psychiques, une planète désertique, un empereur…). Le choix du directeur photo, Greig Fraser, au lieu de l’habituel Roger Deakins, était également risqué : l’homme a travaillé sur Rogue One et Le Mandalorian. Les fans de la saga intergalactique auront inévitablement une impression de « déjà-vu ». On serait à peine surpris de voir apparaître Bébé Yoda dans un coin de l’écran. Denis Villeneuve, fan du livre depuis l’adolescence, a déclaré lui-même qu’il considérait son film comme un « Star Wars pour adultes ». L’univers complexe et riche du conte philosophique d’Herbert, qui mêle conflits de pouvoirs, tragédie familiale, mysticisme, ésotérisme, géopolitique et écologie, est ici abordé avec limpidité, sobriété voire simplicité. Contrairement à l’adaptation de David Lynch, foutraque et « barrée » (reniée par son réalisateur et aujourd’hui réhabilitée), ce nouveau Dune est un film volontairement humble, d’une grande lisibilité et efficace. Il s’adresse à toutes les générations, aux initiés comme aux néophytes. Blockbuster certes, mais blockbuster d’auteur, ce space opera est consacré à la première partie du roman de Frank Herbert (la mise en chantier du deuxième épisode dépendra du succès de celui-ci). Il se focalise sur le personnage romantique et torturé de Paul Atréides, campé par un Timothée Chalamet égal à lui-même : totalement habité, à la fois juvénile et impérieux. L’acteur « au charisme de rock star », dixit Villeneuve, est l’atout majeur de ce récit initiatique aux accents de drame antique. Oscar Isaac, Jason Momoa et Josh Brolin sont également épatants en figures héroïques, et Rebecca Ferguson est ambiguë à souhait. Porté par la musique de Hans Zimmer, lui aussi admirateur de la première heure de l’œuvre originale (on notera, dans la bande-son, les clins d’œil à son maître Ennio Morricone), Dune est un spectacle magnifique, mais un peu lisse. Les combats sont épiques, les vaisseaux vrombissent, le sable tourbillonne… C’est de la belle ouvrage, où chaque paysage, chaque plan impressionne. Il y manque juste un brin de folie, celui-là même qui aurait fait de cette monumentale adaptation le chef-d’œuvre espéré.
2 h 35. Et avec Zendaya, Stellan Skarsgård, Javier Bardem, Chen Chang, Dave Bautista, Charlotte Rampling, Stephen McKinley Henderson…