INFILTRATOR À DEAUVILLE

Deauville FFA 2016

« Il serait fou d’imaginer que le chaos qui ordonne le monde d’aujourd’hui ne laisse pas une trace dans les films de cette édition 2016 et une empreinte dans nos choix ». Bruno Barde, directeur du festival

Signe des temps, il y a de la tension dans l’air en ce premier jour de Festival du Film Américain. Les stars ont cédé la place aux patrouilles de l’armée, venues en renfort pour assurer la sécurité. La circulation a été fermée aux abords du CID, où se tiennent les événements, et la fouille y est systématique. Pas de quoi pourtant dissuader les cinéphiles, pressés de découvrir la sélection de cette 42ème édition, supervisée par Bruno Barde. Le jury, présidé cette année par Frédéric Mitterrand, devra départager les quatorze films de la compétition, issus du cinéma indépendant. On y trouve notamment Captain Fantastic de Matt Ross, Complete Unknown, de Joshua Marston, encensé en 2003 pour Maria Pleine de Grâce, Le teckel, nouvelle satire de Todd Solondz (Bienvenue dans l’âge ingrat), Brooklyn Village (Little Men), petite perle sur l’adolescence signée Ira Sachs ou Sing Street, de John Carney (New York Melody), sur les tribulations d’un jeune groupe de rock dans le Dublin des années 80. 

Sing Street
« Aucune femme ne peut aimer un homme qui écoute du Phil Collins. »

 

Au total, trente-sept films seront présentés, comprenant des premières prestigieuses, telles Infiltrator, de Brad Furman, qui ouvre le festival. Et puisque les grosses pointures américaines lui ont préféré l’illustre Mostra de Venise qui se déroule à la même date, Deauville, plus que jamais, a choisi de mettre l’accent sur le jeune cinéma américain, et de rendre hommage à ses étoiles montantes dignement représentées cette année par James Franco, présent pour son film In Dubious Battle, adaptation d’un roman de John Steinbeck.

Battle

 

Mais en cette soirée d’ouverture, c’est à Chloë Grace Moretz, autre rising star américaine, que Deauville a choisi de rendre hommage. L’inoubliable Hit-Girl de Kick Ass n’a pas encore vingt ans, mais sa filmographie a de quoi filer le tournis à ses pairs (elle a joué, entre autres, chez Martin Scorsese, Tim Burton, Olivier Assayas…). Toute en rondeurs enfantines, la très sympathique actrice a reçu son Prix Nouvel Hollywood devant le public du CID, et s’est fendue d’un discours d’un professionnalisme confondant. Et comme l’a souligné Lionel Chouchan en lui remettant le prix :

« 1 : elle le mérite — 2 : elle est formidable – 3 : elle est extrêmement jolie. »

Chloe Photo Olivier Vigerie

Diane 3 Photo Olivier Vigerie

C’est une Diane Kruger divinement belle, mais crispée et étonnement peu loquace, qui est ensuite montée sur scène pour présenter Infiltrator, dans lequel elle incarne la courageuse partenaire de l’agent infiltré Robert Mazur, juste avant que la toujours épatante maîtresse de cérémonie Genie Godula annonce que l’homme qui a inspiré le film, Robert Mazur en personne, était présent, incognito, dans la salle. De fait, son visage est inconnu des médias et gagne à le rester, tant l’homme est depuis longtemps menacé de mort. D’ailleurs, à ceux qui en doutaient, le film confirme cette sentence : « La vie d’infiltré, ce n’est pas de la tarte ! »

 

Infiltrator (The Infiltrator)
Infiltrator 2
Brad Furman
2016

Bien qu’il soit marié et père de famille, l’agent fédéral Robert Mazur (Bryan Cranston) est un habitué des missions infiltrées. En 1986, les Etats-Unis entreprenant de s’attaquer à l’argent de la drogue, Robert Mazur, sous le pseudonyme de Bob Musella, est chargé d’infiltrer le cartel de Medellín dirigé par Pablo Escobar, pour le compte de l’IRS, dépendant du département du Trésor. Sa connaissance des rouages du système financier international lui permet de se faire passer aisément pour le directeur d’une société de conseil en investissement spécialisée dans le blanchiment d’argent. Mais dans cet univers de méfiance et de violence, le moindre faux pas peut-être fatal…

 C’est sur le tournage de Miami Vice, sur lequel l’agent fédéral Robert Mazur était consultant, que le cinéaste Michael Mann l’a encouragé à raconter son histoire. Le livre The Infiltrator : My Secret Life Inside The Dirty Banks Behind Pablo Escobar’s Medellín Cartel, est paru en 2009. Il a notamment sidéré le jeune réalisateur américain Brad Furman (The Take, La défense Lincoln, Players), qui a ensuite été séduit par la personnalité hors normes de son auteur. Pourtant, l’adaptation cinématographique n’était pas des plus aisée, notamment parce qu’à la différence de nombreux thrillers sur les cartels de la drogue (dont le récent Sicario de Denis Villeneuve), l’approche ici se fait davantage par l’aspect financier que policier. Brad Furman a pallié cette difficulté en mettant le paquet sur le glamour de la reconstitution des eighties, qui emmène de la Floride à Panama, dans des jets privés, des penthouses de luxe et des boîtes de nuit scintillantes. Il y a un vrai contraste entre les décors rutilants et le sérieux de l’agent infiltré incorruptible auquel Bryan « Breaking Bad » Cranston prête son visage constamment soucieux et ses sourcils froncés. Plus le récit avance, plus Bob progresse et plus la tension monte. La menace est partout. Les sbires de Pablo Escobar flairent la peur aussi bien que les flics et les taupes. Ils ont la gâchette facile, et peu de scrupules à se débarrasser des encombrants. Diane Kruger étincelle dans le rôle de la fausse fiancée dévouée à sa mission, Juliet Aubrey, dans celui de la véritable épouse, émeut. John Leguizamo et Joseph Gilgun sont épatants, Yul Vazquez et Benjamin Bratt, inquiétants à souhait. Le suspense tient en haleine jusqu’au bout, mais si ce n’était pas une histoire vraie, on pourrait mettre en doute l’authenticité des agissements du personnage principal dont la vie ne tient qu’à un fil, et qui prend des risques inconsidérés, voire parfois aberrants. Il est également dommage que certains personnages apparaissent et disparaissent un peu trop facilement, et que le récit manque parfois de clarté (il est probable que certains détails sont passés à la trappe au montage final, pour réduire la durée du film). On pardonne cependant à Brad Furman, car sa mise en scène décoiffe, et la bande-son (Curtis Mayfield, Nu Shooz, The Who, Leonard Cohen, Violent Femmes…) est remarquable.
2h 07 Et avec Olympia Dukakis, Amy Ryan, Jason Isaacs, Richard Katz, Art Malik, Saïd Taghmaoui, Elena Anaya, Michael Paré…

BANDE-ANNONCE

Infiltrator 5
Infiltrator 6
Infiltrator 8
Infiltrator 11
THE INFILTRATOR
THE INFILTRATOR
THE INFILTRATOR, Joseph Gilgun, 2016. © Broad Green Pictures / courtesy Everett Collection
Infiltrator 1

 

99 Homes

 

A noter que le lauréat de l’édition précédente, l’excellent 99 Homes, de Ramin Bahrani, est disponible en Blu-ray et DVD depuis mai chez Wild Side Video. Drame social autour de la crise des subprimes aux Etats-Unis, le film, puissant et poignant, profite de performances exceptionnelles de Michael Shannon et Andrew Garfield. A voir absolument !

 

 

 

Site officiel du 42ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

2 réflexions sur « INFILTRATOR À DEAUVILLE »

  1. Il faut avouer que le programme du festival est plutôt excitant, qu’il s’agisse des films en compétition ou des premières. C’est un paradis pour les cinéphiles 😉

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