DEAUVILLE 2021 Stillwater/City Of Lies/The Card Counter etc.

Côté stars, ce n’était pas l’affluence des grandes années, mais les cinéphiles sont malgré tout venus en nombre découvrir nouveautés et premières de la sélection de Bruno Barde. En cette deuxième année de pandémie, soumise au passe sanitaire et au port du masque, cinquante-trois films étaient proposés, dont treize en compétition. La sélection L’heure de la Croisette, sous l’égide de Thierry Frémaux, a repris quelques œuvres déjà présentées à Cannes, et Fenêtre sur le Cinéma Français a dévoilé, en avant-premières, les productions attendues dans les mois à venir, tel L’amour, c’est mieux que la vie, de Claude Lelouch, annoncé en salle pour le début de l’année prochaine. Le jury de cette 47ème édition était présidé par Charlotte Gainsbourg. Johnny Depp était l’invité d’honneur. Michael Shannon, Oliver Stone et Dylan Penn (fille de Sean et Robin Wright) ont été distingués, et le ciel s’est assombri une seule fois, à l’annonce, le lundi 6 septembre, de la disparition de Jean-Paul Belmondo.

(Click on the planet above to switch language.) 

 

FILM D’OUVERTURE 
PREMIÈRE

 

« You sound very American right now !
– Good ! I am ! »

 

STILLWATER ****


Tom McCarthy
2021
En salles le 22 septembre 2021

Bill Baker (Matt Damon) est foreur de pétrole à Stillwater, Oklahoma. Entre deux contrats, il décide d’aller rendre visite à sa fille, Allison (Abigail Breslin, l’inoubliable héroïne de Little Miss Sunshine), incarcérée au Baumettes à Marseille pour le meurtre de sa colocataire étudiante, avec qui elle entretenait une liaison. Au parloir, la jeune fille, qui clame son innocence, lui donne une lettre en le suppliant de la remettre à son avocate. Bill, qui ne comprend ni ne parle le français, trouve de l’aide auprès de sa voisine de chambre (Camille Cottin) à l’hôtel où il est descendu, une comédienne qui élève seule sa petite fille (Lilou Siauvaud)…

On doit à Tom McCarthy le formidable Spotlight, Oscar du Meilleur film et Meilleur scénario en 2016. L’idée de Stillwater lui traînait alors déjà dans la tête. L’arrivée au pouvoir de Trump et la rencontre de deux scénaristes français lui ont donné l’impulsion qui lui manquait. Si, au départ, Stillwater s’inspire très librement de l’affaire Amanda Knox, survenue à Pérouse en 2007 (l’étudiante américaine avait été accusée du meurtre sauvage de sa colocataire, l’Anglaise Meredith Kercher), qui avait tourné en une incroyable saga judiciaire, le film va bien au-delà du film d’enquête. Mélodrame, thriller, choc des cultures, romance… le mélange des genres fonctionne plutôt bien grâce au scénario très abouti coécrit par TomMcCarthy, Marcus Hinchey et les Français Thomas Bidegain et Noé Debré (collaborateurs de Jacques Audiard). Deux pays, deux visions. Ainsi, si on peut trouver que le personnage du roughneck (à ne pas confondre avec redneck) incarné par Matt Damon, casquette vissée sur les yeux, qui écoute de la musique country et qui donne du « Yes Ma’am » en veux-tu en voilà, sonne un peu cliché, il correspond à une réalité et résulte d’une enquête de terrain réalisée par le cinéaste. Plonger cet homme taciturne dans l’effervescence de la cité phocéenne a forcément quelque chose de savoureux. Camille Cottin, en improbable comédienne de théâtre, bohème et généreuse, est excellente, et la petite Lilou Siauvaud est craquante à souhait. Superbement photographié par Masanobu Takayanagi (Hostiles, Les brasiers de la colère…), Stillwater s’inscrit dans la tradition du grand film populaire. On rit, on s’émeut… Quant à la séquence tournée au stade Vélodrome de Marseille, durant un affrontement OM-Saint-Étienne, rarement ambiance de match de foot n’aura été si aussi spectaculaire au cinéma.
2 h 19 Et avec Moussa Maaskri, Idir Azougli, Anne Le Ny, Deanna Dunagan, Bastien d’Asnières…

*********************

PREMIÈRE 

CITY OF LIES **

Brad Furman
2018
En salles aux États-Unis en mars 2021, paru en DVD en juin 2021 en France

En 2018, le journaliste du Los Angeles Times Jack Jackson (Forest Whitaker) est mandaté pour écrire un article sur le l’assassinat de la star du rap Christopher Wallace, alias The Notorious B.I.G., perpétré en 1997, quelques mois après celui du rappeur concurrent Tupak Shakur. Pour y voir plus clair, il entreprend de rencontrer Russell Poole (Johnny Depp), le policier désormais à la retraite qui a suivi l’affaire à l’époque, et qui, bien décidé à faire éclater la vérité, continue à enquêter officieusement…

Un vrai sac de nœuds ! Adapté de l’enquête du journaliste Randall Sullivan, The LAbyrinth, nominé en 2002 pour le Prix Pulitzer, City Of Lies a vu sa date de sortie repoussée à plusieurs reprises, vraisemblablement à cause des ennuis judiciaires de Johnny Depp. Le film met surtout en évidence les liens pernicieux entre le monde du rap (via le fameux label Death Row Records et son cofondateur Suge Knight) et la police de Los Angeles, alors corrompue jusqu’à l’os. Influencé par le Zodiac de David Fincher, le thriller est ponctué de séquences fortes, comme la reconstitution du meurtre de Biggie, mais les nombreux allers et retours dans le passé, l’incursion de séquences d’archives et la multiplicité des personnages impliqués (on ne sait plus à la fin qui est corrompu ou pas…) finissent par nous laisser au bord du chemin. Le réalisateur Brad Furman a su être bien plus efficace dans La défense Lincoln ou Infiltrator. C’est d’autant plus dommage que Johnny Depp, sobre et excellent, trouve là son meilleur rôle depuis longtemps.
1 h 52 Et avec Toby Huss, Dayton Callie, Shea Whigham, Michael Paré, Xander Berkeley, Peter Greene, Neil Brown Jr, Voletta Wallace…

 

*********************

PREMIÈRE 


« You have to be the stranger poker player I never met.
– Oh you have no idea… »

 

THE CARD COUNTER ****

Paul Schrader
2021
Attendu dans les salles françaises en décembre 2021

Ex-interrogateur militaire à Abou Ghraib, William (Oscar Isaac) a purgé dix ans de prison pour actes de torture. Il y a trouvé une sorte d’apaisement et a appris à compter les cartes. Depuis sa sortie, il va de casino en casino et fait usage de son nouveau savoir-faire au poker, remportant des sommes modestes pour ne pas attirer l’attention. Un jour, un jeune homme (Tye Sheridan) l’aborde et lui demande de l’aide pour se venger du militaire qui a provoqué le suicide de son père. L’instructeur en question (Willem Dafoe) est aussi celui qui a valu à William ses années de prison…

Du Paul Schrader pur jus. Spécialiste des êtres fracassés, hantés par un passé douloureux, en quête de rédemption, le cinéaste habité par la religion, réalisateur, entre autres, d’American Gigolo, Light Sleeper et scénariste de Taxi Driver, brosse à nouveau le portrait d’un homme abîmé. William s’impose au quotidien une routine et une discipline de fer pour ne pas sombrer. Coproduit par Martin Scorsese, le film, presque clinique, épouse totalement l’attitude de son héros, jouant sur la monotonie des décors de casinos interchangeables, des chambres de motels, des routes de nuit. La figure du jeune Cirk comme celle de La Linda (excellente Tiffany Haddish), directrice d’une agence de joueurs de poker avec laquelle William tisse un vrai lien d’amitié, sortent par endroits le film de sa léthargie. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cette lancinance, est, dans la forme, magnifique. La musique hypnotique de Robert Levon Been et la photo d’Alexander Dynan y contribuent grandement. Quant à Oscar Isaac, il campe à merveille cet homme solitaire et impénétrable, qui ne dévoile son jeu qu’à la toute fin, inattendue et implacable.
1 h 51 Et avec Bobby C. King, Alexander Babara, Ekaterina Baker…

 

*********************

COMPÉTITION

THE LAST SON **

Tim Sutton
2021
Prochainement

À la fin du XIXe siècle, dans le Montana, Isaac Lemay (Sam Worthington), hors-la-loi vieillissant, réputé pour être l’un des plus grands tueurs d’Indiens et convaincu que le mal coule dans ses veines, est l’objet d’une terrible prophétie de la part d’un chef Cheyenne : il mourra de la main d’un de ses enfants. Pour déjouer le sort, il part à la recherche de ses descendants, avec l’intention de les éliminer, un par un…

Une grosse déception. Tim Sutton (Donnybrook) avait déclaré dans son petit discours de présentation ne pas être particulièrement fan de western. Son envie de filmer des grands espaces lui est venue durant le confinement et à la lecture du scénario de Greg Johnson, sorte de condensé de tous les ingrédients du genre autour du mythe de Cronos. De fait, tous les clichés sont réunis dans The Last Son, sombre, ultra-violent, mais un tantinet inepte. Le suspense autour de la prophétie funeste est désamorcé très vite. Les personnages sont mal exploités (peu de dialogues), et la manière dont le réalisateur filme les scènes clés donne l’impression qu’il n’a jamais vu un western de sa vie (Rio Bravo, au hasard…). Formellement, en revanche, cette chasse à l’homme impressionne. On frissonne devant le spectacle des montagnes enneigées et des paysages glacés. Heather Graham en prostituée au grand cœur, le rappeur Machine Gun Kelly en tueur détraqué et Thomas Jane, en shérif intègre, occupent indéniablement l’écran. Le montage très cut, le rythme dynamique et l’utilisation de la musique, anachronique, accentuent la modernité de ce néowestern cruel, intense, mais qui reste trop maladroit.
1 h 36 Et avec Alex Meraz, Bates Wilder, David Silverman, Kim DeLonghi, Emily Marie Palmer, James Landry Hébert…

 

*********************

COMPÉTITION


« I think there is something in my house. »

 

LA PROIE D’UNE OMBRE (The Night House) ***

David Bruckner
2020
Dans les salles françaises le 15 septembre 2021

Beth (Rebecca Hall) vient de perdre brutalement son mari, dont elle était très amoureuse. Elle se retrouve seule dans la maison isolée qu’il avait construite pour elle, au bord d’un lac entouré de forêts. Une nuit, elle est réveillée par un bruit épouvantable, et sent une présence diffuse dans la maison. Alors que ses amis l’exhortent à ne pas rester seule, Beth commence à fouiller dans les affaires de son défunt époux, résolue à percer le secret de toutes ces manifestations et visions étranges qui l’assaillent…

J’adore mon mari. Malgré tout, s’il prenait l’envie à son fantôme, pour m’interpeller, de mettre sur la platine un morceau de Deep Purple à plein volume à quatre heures du matin, j’apprécierais moyennement la plaisanterie. Pas l’héroïne de ce film, qui persiste à subir la nuit des assauts venus de l’au-delà, pour se rapprocher de l’homme dont elle ne parvient pas à faire le deuil, quitte à prendre des risques inconsidérés. Curiosity kills the cat. La proie d’une ombre, bien mieux servi par son titre original, est le troisième long-métrage de David Bruckner après les horrifiques The Signal et Le Rituel. Son talent pour faire grimper la tension et susciter l’effroi est manifeste. Bien qu’un peu trop tiré par les cheveux (au propre comme au figuré) et particulièrement alambiqué, ce thriller psychologique, truffé de surprises et de chausse-trappes, joue adroitement avec les névroses de l’héroïne, le surnaturel et les codes du film d’épouvante. Rebecca Hall, quasiment de tous les plans, fait une sacrée performance. Il est malgré tout déconseillé de le visionner avant de dormir.
1 h 47 Et avec Sarah Goldberg, Stacy Martin, Evan Jonigkeit, Vondie Curtis-Hall

 

PALMARÈS

Jury présidé par Charlotte Gainsbourg, de gauche à droite : SebastiAn, Marcia Romano,, Delphine de Vigan, Garance Marillier, Charlotte Gainsbourg, Bertrand Bonello, Denis Poldalydès, Fatou N’Diaye , Mikhaël Hers (Photo J.Basile)

GRAND PRIX

Down With The King de Diego Ongaro, avec Freddie Gibbs
Un célèbre rappeur qui a loué une maison isolée pour composer un nouvel album se découvre un goût inattendu pour la vie de fermier. (prochainement)

PRIX DU JURY EX-AEQUO

Pleasure de Ninja Thyberg, avec Sofia Kappel L’histoire d’une jeune Suédoise de vingt ans qui débarque à Los Angeles dans le but de devenir une star du porno. (en salles en octobre 2021)

Red Rocket de Sean Baker, avec Simon Rex Les déboires d’une ex-pornstar désormais désargentée qui revient vivre dans sa ville natale, au Texas (en salles en février 2022) Le film a également reçu le Prix de la Critique

 

Jury de la Révélation présidé par Clémence Poésy. De gauche à droite : Céleste Brunnquell Lomepal, Clémence Poésy, Kacey Mottet-Klein, India Hair (Photo J.Basile)

 

PRIX DU JURY DE LA RÉVÉLATION

John And The Hole de Pascal Sisto avec Charlie Shotwell, Michael C. Hall et Jennifer Ehle

Un gamin de treize ans qui a découvert les restes d’un bunker y tient en captivité ses parents et sa sœur. (prochainement)

 

PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE

Blue Bayou de Justin Chon avec Justin Chon et Alicia Vikander
Un homme d’origine américano-coréenne, élevé dans une famille d’adoption en Louisiane et désormais marié, apprend qu’il risque d’être expulsé. (en salles le 15 septembre 2021)

 

PRIX D’ORNANO-VALENTI

Les magnétiques de Vincent Maël Cardona, avec Thimotée Robart, Marie colomb…
Chronique rock’n’roll de la vie d’une bande de jeunes dans les années 80 (en salles le 17 novembre)

*********************

 

Photo Julien Reynaud/ABACA


Photo AFP

Dylan Penn, Prix du Nouvel Hollywood (Photo Julien Reynaud)

Michael Shannon Photo Le Pays d’Auge/M.-M.Remoleur

Merci au groupe Barrière et à Havre de Cinéma

https://www.havredecinema.fr
https://www.festival-deauville.com

INFILTRATOR À DEAUVILLE

Deauville FFA 2016

« Il serait fou d’imaginer que le chaos qui ordonne le monde d’aujourd’hui ne laisse pas une trace dans les films de cette édition 2016 et une empreinte dans nos choix ». Bruno Barde, directeur du festival

Signe des temps, il y a de la tension dans l’air en ce premier jour de Festival du Film Américain. Les stars ont cédé la place aux patrouilles de l’armée, venues en renfort pour assurer la sécurité. La circulation a été fermée aux abords du CID, où se tiennent les événements, et la fouille y est systématique. Pas de quoi pourtant dissuader les cinéphiles, pressés de découvrir la sélection de cette 42ème édition, supervisée par Bruno Barde. Le jury, présidé cette année par Frédéric Mitterrand, devra départager les quatorze films de la compétition, issus du cinéma indépendant. On y trouve notamment Captain Fantastic de Matt Ross, Complete Unknown, de Joshua Marston, encensé en 2003 pour Maria Pleine de Grâce, Le teckel, nouvelle satire de Todd Solondz (Bienvenue dans l’âge ingrat), Brooklyn Village (Little Men), petite perle sur l’adolescence signée Ira Sachs ou Sing Street, de John Carney (New York Melody), sur les tribulations d’un jeune groupe de rock dans le Dublin des années 80. 

Sing Street
« Aucune femme ne peut aimer un homme qui écoute du Phil Collins. »

 

Au total, trente-sept films seront présentés, comprenant des premières prestigieuses, telles Infiltrator, de Brad Furman, qui ouvre le festival. Et puisque les grosses pointures américaines lui ont préféré l’illustre Mostra de Venise qui se déroule à la même date, Deauville, plus que jamais, a choisi de mettre l’accent sur le jeune cinéma américain, et de rendre hommage à ses étoiles montantes dignement représentées cette année par James Franco, présent pour son film In Dubious Battle, adaptation d’un roman de John Steinbeck.

Battle

 

Mais en cette soirée d’ouverture, c’est à Chloë Grace Moretz, autre rising star américaine, que Deauville a choisi de rendre hommage. L’inoubliable Hit-Girl de Kick Ass n’a pas encore vingt ans, mais sa filmographie a de quoi filer le tournis à ses pairs (elle a joué, entre autres, chez Martin Scorsese, Tim Burton, Olivier Assayas…). Toute en rondeurs enfantines, la très sympathique actrice a reçu son Prix Nouvel Hollywood devant le public du CID, et s’est fendue d’un discours d’un professionnalisme confondant. Et comme l’a souligné Lionel Chouchan en lui remettant le prix :

« 1 : elle le mérite — 2 : elle est formidable – 3 : elle est extrêmement jolie. »

Chloe Photo Olivier Vigerie

Diane 3 Photo Olivier Vigerie

C’est une Diane Kruger divinement belle, mais crispée et étonnement peu loquace, qui est ensuite montée sur scène pour présenter Infiltrator, dans lequel elle incarne la courageuse partenaire de l’agent infiltré Robert Mazur, juste avant que la toujours épatante maîtresse de cérémonie Genie Godula annonce que l’homme qui a inspiré le film, Robert Mazur en personne, était présent, incognito, dans la salle. De fait, son visage est inconnu des médias et gagne à le rester, tant l’homme est depuis longtemps menacé de mort. D’ailleurs, à ceux qui en doutaient, le film confirme cette sentence : « La vie d’infiltré, ce n’est pas de la tarte ! »

 

Infiltrator (The Infiltrator)
Infiltrator 2
Brad Furman
2016

Bien qu’il soit marié et père de famille, l’agent fédéral Robert Mazur (Bryan Cranston) est un habitué des missions infiltrées. En 1986, les Etats-Unis entreprenant de s’attaquer à l’argent de la drogue, Robert Mazur, sous le pseudonyme de Bob Musella, est chargé d’infiltrer le cartel de Medellín dirigé par Pablo Escobar, pour le compte de l’IRS, dépendant du département du Trésor. Sa connaissance des rouages du système financier international lui permet de se faire passer aisément pour le directeur d’une société de conseil en investissement spécialisée dans le blanchiment d’argent. Mais dans cet univers de méfiance et de violence, le moindre faux pas peut-être fatal…

 C’est sur le tournage de Miami Vice, sur lequel l’agent fédéral Robert Mazur était consultant, que le cinéaste Michael Mann l’a encouragé à raconter son histoire. Le livre The Infiltrator : My Secret Life Inside The Dirty Banks Behind Pablo Escobar’s Medellín Cartel, est paru en 2009. Il a notamment sidéré le jeune réalisateur américain Brad Furman (The Take, La défense Lincoln, Players), qui a ensuite été séduit par la personnalité hors normes de son auteur. Pourtant, l’adaptation cinématographique n’était pas des plus aisée, notamment parce qu’à la différence de nombreux thrillers sur les cartels de la drogue (dont le récent Sicario de Denis Villeneuve), l’approche ici se fait davantage par l’aspect financier que policier. Brad Furman a pallié cette difficulté en mettant le paquet sur le glamour de la reconstitution des eighties, qui emmène de la Floride à Panama, dans des jets privés, des penthouses de luxe et des boîtes de nuit scintillantes. Il y a un vrai contraste entre les décors rutilants et le sérieux de l’agent infiltré incorruptible auquel Bryan « Breaking Bad » Cranston prête son visage constamment soucieux et ses sourcils froncés. Plus le récit avance, plus Bob progresse et plus la tension monte. La menace est partout. Les sbires de Pablo Escobar flairent la peur aussi bien que les flics et les taupes. Ils ont la gâchette facile, et peu de scrupules à se débarrasser des encombrants. Diane Kruger étincelle dans le rôle de la fausse fiancée dévouée à sa mission, Juliet Aubrey, dans celui de la véritable épouse, émeut. John Leguizamo et Joseph Gilgun sont épatants, Yul Vazquez et Benjamin Bratt, inquiétants à souhait. Le suspense tient en haleine jusqu’au bout, mais si ce n’était pas une histoire vraie, on pourrait mettre en doute l’authenticité des agissements du personnage principal dont la vie ne tient qu’à un fil, et qui prend des risques inconsidérés, voire parfois aberrants. Il est également dommage que certains personnages apparaissent et disparaissent un peu trop facilement, et que le récit manque parfois de clarté (il est probable que certains détails sont passés à la trappe au montage final, pour réduire la durée du film). On pardonne cependant à Brad Furman, car sa mise en scène décoiffe, et la bande-son (Curtis Mayfield, Nu Shooz, The Who, Leonard Cohen, Violent Femmes…) est remarquable.
2h 07 Et avec Olympia Dukakis, Amy Ryan, Jason Isaacs, Richard Katz, Art Malik, Saïd Taghmaoui, Elena Anaya, Michael Paré…

BANDE-ANNONCE

Infiltrator 5
Infiltrator 6
Infiltrator 8
Infiltrator 11
THE INFILTRATOR
THE INFILTRATOR
THE INFILTRATOR, Joseph Gilgun, 2016. © Broad Green Pictures / courtesy Everett Collection
Infiltrator 1

 

99 Homes

 

A noter que le lauréat de l’édition précédente, l’excellent 99 Homes, de Ramin Bahrani, est disponible en Blu-ray et DVD depuis mai chez Wild Side Video. Drame social autour de la crise des subprimes aux Etats-Unis, le film, puissant et poignant, profite de performances exceptionnelles de Michael Shannon et Andrew Garfield. A voir absolument !

 

 

 

Site officiel du 42ème Festival du Cinéma Américain de Deauville