REPTILE, grand Benicio Del Toro

Sur Netflix depuis quelques jours, ce film noir à la croisée de True Detective et du cinéma de David Fincher est une excellente surprise. Il réunit, entre autres, Justin Timberlake, Alicia Silverstone, Michael Pitt, Frances Fisher, et surtout, il offre à Benicio Del Toro (coscénariste et producteur exécutif ici) l’un de ses meilleurs rôles à ce jour. (pas de spoiler dans cette chronique)

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« On mise sur qui pour l’ADN ?
– Je suis sur le petit ami.
– Moi je dirais sa copine.
– Je mise sur le taré.
– Moi je vais parier sur l’ex-mari… »

 

REPTILE

Grant Singer
2023
Disponible depuis le 29 septembre sur Netflix

À Scarborough, dans le Maine, le corps d’une jeune et jolie agent immobilier (Mathilda Lutz) est découvert par son petit ami et employeur (Justin Timberlake) dans une maison vide dont elle s’occupait de la vente. Elle a été atrocement massacrée. L’inspecteur chargé de l’affaire, Tom Nichols (Benicio Del Toro), un flic chevronné et retors, soupçonne tout l’entourage de la jeune femme. Cette affaire, complexe et dangereuse, va avoir des répercussions sur sa propre vie…

Le film noir inspire les jeunes cinéastes. Tout comme Shane Atkinson (LaRoy) et Rod Blackurst (Blood For Dust) applaudis au festival de Deauville dernier, Grant Singer (sans lien de parenté avec Bryan Singer) a une fascination pour le genre. Découvert à Toronto en septembre, le premier long-métrage de ce jeune réalisateur qui a fait ses classes dans le clip vidéo (pour Shawn Mendes, Sam Smith, The Weeknd…) vaut indéniablement le détour. D’abord pour sa distribution, étonnante : elle est constituée d’une brochette de seconds couteaux talentueux (Eric Bogosian, Frances Fisher, Domenick Lombardozzi, Ato Essandoh…) et de quasi-revenants (Michael Pitt et Alicia Silverstone, excellents tous les deux). Tous gravitent autour d’un Benicio Del Toro impressionnant. L’acteur portoricain fascine dans la peau de ce flic usé, malin, mais hanté par un passé compromettant. Tom Nichols a quelque chose d’un animal blessé. Homme de peu de mots, il a le sarcasme facile et le comportement parfois fantasque. Il est donc imprévisible. Car Reptile est bien plus qu’un thriller. Grant Singer voue un culte à In The Bedroom (2001), un polar chargé d’atmosphère, dont les personnages forts crèvent l’écran. Le réalisateur a cherché à imprégner son film de ce même sentiment qu’il a éprouvé jeune devant celui de Todd Field. Et comme il aime également les thrillers manipulateurs (ceux d’Hitchcock, de David Fincher…) qui jouent avec les nerfs des spectateurs, la musique on ne peut plus suggestive (elle est signée Yair Elazar Glotman) fait monter la tension et suscite une sensation de danger permanent. Si on peut reprocher quelques flottements dans l’intrigue parfois un peu trop prévisible et les références trop appuyées, l’originalité de la mise en scène, ses petites trouvailles efficaces et la qualité de l’interprétation font de ce Reptile une série B hautement recommandable.
2 h 14 Et avec Karl Glusman, Sky Ferreira, Amy Parrish, Mike Pniewski, Thad Luckinbill…

DRIVE, la magie en Collector

Le bijou signé Nicolas Winding Refn en 2011 revient en Blu-ray 4K Ultra HD Collector, avec un nouveau commentaire audio de son réalisateur. Une occasion idéale de redécouvrir ce film intense et hypnotique qui a marqué sa décennie.

 

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« Qu’est-ce que Drive sinon une histoire d’amour ? » (Nicolas Winding Refn) 

 

DRIVE

Nicolas Winding Refn
2011
Édition Collector Steelbook limitée (Combo Blu-ray 4K Ultra HD et Blu-ray) chez Wild Side Video depuis le 6 septembre 2023

Cascadeur et mécanicien le jour, un jeune as du volant (Ryan Gosling) accepte des missions de chauffeur pour la pègre, la nuit. La rencontre de sa voisine de palier (Carey Mulligan), jeune mère discrète qui élève seule son petit garçon depuis que son époux (Oscar Isaac) est en prison, va remettre en perspective l’existence de ce jeune homme solitaire, silencieux et singulièrement mélancolique. Mais les ennuis ne vont pas tarder à arriver… 

Prix de la mise en scène à Cannes en 2011, Drive, librement adapté d’un roman de James Sallis, a fait l’unanimité à sa sortie. Le réalisateur danois Nicolas Winding Refn, qui s’était fait remarquer avec la trilogie Pusher puis Bronson et Le guerrier silencieux (Valhalla Rising), revisitait ici la mythologie du film noir, et mariait avec brio le film d’auteur et le pur divertissement. La réussite de Drive tient aussi à la fusion d’un cinéaste et d’un acteur tous deux surdoués. Le fétichisme de l’un (très cinéphile) et le magnétisme de l’autre font merveille. Ryan Gosling est impeccable dans la peau de ce héros (guerrier ?) silencieux et énigmatique qui, par amour, va abattre des montagnes. La Britannique Carey Mulligan fait une exquise demoiselle en détresse, et on se réjouit de la présence des talentueux Bryan Cranston, Albert Brooks, Oscar Isaac, Ron Perlman ou Christina Hendricks. Ce conte de fées dans une Los Angeles poétique, sublimée par la photo léchée de Newton Thomas Sigel, est digne des plus beaux films noirs de Michael Mann, Brian De Palma ou feu William Friedkin. Les ambiances de rêve éveillé et l’extrême romantisme contrastent avec la sauvagerie de séquences à la violence exacerbée : une juxtaposition qui constitue un cocktail fascinant. Ce mélange de pureté et de perversion est aussi la marque du réalisateur de The Neon Demon ou Only God Forgives pour qui le cinéma est avant tout affaire d’émotions et de chocs visuels. « Je ne voulais surtout pas en faire un film de bagnoles. C’est surtout l’histoire de la transformation d’un homme en super-héros. » dira-t-il. Bercé par une bande-son electro hypnotique signée Cliff Martinez, et par « Nightcall » du Français Kavinsky (en mode Giorgio Moroder), Drive reste à ce jour le plus beau film de Nicolas Winding Refn.
1 h 40 Et avec Russ Tamblyn, Kaden Leos, James Biberi, Jeff Wolfe…

 

STEELBOOK COMBO BLU-RAY 4K ULTRA HD ET BLU-RAY ****

L’image en 4K est tout bonnement renversante et la piste sonore (proposée en Dolby Atmos pour la VO) n’est rien moins qu’explosive.

Côté bonus, l’édition reprend le making of et l’interview du réalisateur (Drive Without A Driver, 26 minutes) réalisés pour le Blu-ray de 2012. La pièce de choix ici est le nouveau commentaire audio de Nicolas Winding Refn accompagné de l’Anglais Peter Bradshaw, journaliste au Guardian. Les deux hommes, qui correspondent depuis longtemps, évoquent non seulement le film, mais l’art en général (« L’art est une expérience qui t’accompagne tout au long de ta vie. ») Cette discussion riche en aphorismes est passionnante. Le cinéaste évoque également son amitié avec Ryan Gosling (leur rencontre est à l’origine de Drive) à propos duquel il ne tarit pas d’éloges ; il parle de sa fascination pour Los Angeles, de son admiration pour Gaspar Noé, et de ses rapports avec l’industrie du cinéma (le feuilleton de finalisation du film et de sa sélection au festival de Cannes ne manque pas de sel). On y apprend également que NWR a tout simplement piqué l’idée du scorpion du blouson du Pilote au mythique Scorpio Rising de Kenneth Anger.

 

LES PAPILLONS NOIRS

Par amour pour le giallo, genre voire sous-genre italien qui a connu son heure de gloire dans les 70’s avec Mario Bava et Dario Argento, Olivier Abbou et Bruno Merle ont imaginé cette mini-série sombre et audacieuse qui détonne dans le paysage télévisuel français. Cocktail de passion, de violence, de gore et d’érotisme, la saga meurtrière incroyablement ficelée et truffée de rebondissements est portée par des acteurs habités dont un Niels Arestrup impérial. (pas de spoilers dans cet article)

 

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« Avant Solange, il n’y avait rien. »

 

LES PAPILLONS NOIRS

Mini-série en 6 épisodes créée par Olivier Abbou et Bruno Merle et réalisée par Olivier Abbou
2022
Diffusée sur Arte en septembre, disponible depuis le 14 octobre sur Netflix.

Alors qu’il peine à entamer son deuxième roman, Mody, alias Adrien Winckler (Nicolas Duvauchelle), se voit proposer par un vieil homme, Albert Desiderio (Niels Arestrup), la tâche de retranscrire son histoire d’amour passionnelle avec Solange, disparue. Il prétend avoir tant aimé « cette fille de boche » dont la mère se prostituait que, pour la protéger, il a basculé dans le crime. Au fil des confessions du septuagénaire, Adrien va découvrir l’épouvantable passé de « tueur en série» de ce dernier…

On doit à Olivier Abbou la série Maroni, ainsi que le scénario et la mise en scène de séries b (tels que les thrillers Territoires et Madame Hollywood…). Olivier Merle est, entre autres, le réalisateur de la comédie Felicità avec Pio Marmaï. Leur alliance a engendré une série qui, le moins qu’on puisse écrire, ne fait pas dans la dentelle. On ne la recommandera pas aux âmes sensibles. Mais si on détourne parfois le regard devant la violence de certaines scènes, l’habileté avec laquelle les auteurs ont troussé le récit, façon puzzle, force l’admiration. Comme dans la récente mini-série Le serpent, autre histoire d’un tueur en série (inspirée de faits-réels celle-là), le va-et-vient dans le temps confère à l’intrigue un vrai dynamisme, d’autant que la reconstitution des années 70 se révèle bluffante. La mise en scène stylisée rend hommage au cinéma de genre italien, et certaines astuces pour accentuer le suspense sont dignes d’Hitchcock. On s’identifie au personnage d’Adrien (convaincant Nicolas Duvauchelle), qui accepte le job sans se douter des répercussions qu’il aura sur sa propre existence. Comme lui, on découvre peu à peu l’étendue de l’horreur, qui va crescendo à mesure des révélations édifiantes (et glauques…) et on se fait balader dans un jeu de piste. Les jeunes Albert et Solange, Bonnie and Clyde tordus, sont campés par deux acteurs exceptionnels, Alyzée Costes et Axel Granberger. La performance de ce dernier lui a valu le Prix du Meilleur acteur au festival Séries Mania, au printemps dernier. Les excellents Sami Bouajila, Alice Belaïdi, Brigitte Catillon, Lola Créton et Marie Denarnaud ajoutent également leur pierre à cet édifice. Même si on peut parfois reprocher aux auteurs d’avoir un peu chargé la mule et de ne pas avoir approfondi l’aspect psychologique, le caractère fascinant de ce thriller à faire dresser les cheveux sur la tête est indéniable. Et pour un rebondissement de plus, sachez que l’écrivain Gabriel Katz a été chargé par les créateurs d’imaginer Les papillons noirs tel que Mody aurait pu l’écrire dans la série. L’ouvrage, homonyme, est paru le 7 septembre dernier aux éditions du Masque.
6 épisodes de 60 minutes. Et avec Nicolas Wanczyckin, Henny Reents…