Le bijou signé Nicolas Winding Refn en 2011 revient en Blu-ray 4K Ultra HD Collector, avec un nouveau commentaire audio de son réalisateur. Une occasion idéale de redécouvrir ce film intense et hypnotique qui a marqué sa décennie.
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« Qu’est-ce que Drive sinon une histoire d’amour ? » (Nicolas Winding Refn)
DRIVE
Nicolas Winding Refn 2011 Édition Collector Steelbook limitée (Combo Blu-ray 4K Ultra HD et Blu-ray) chez Wild Side Video depuis le 6 septembre 2023
Cascadeur et mécanicien le jour, un jeune as du volant (Ryan Gosling) accepte des missions de chauffeur pour la pègre, la nuit. La rencontre de sa voisine de palier (Carey Mulligan), jeune mère discrète qui élève seule son petit garçon depuis que son époux (Oscar Isaac) est en prison, va remettre en perspective l’existence de ce jeune homme solitaire, silencieux et singulièrement mélancolique. Mais les ennuis ne vont pas tarder à arriver…
Prix de la mise en scène à Cannes en 2011, Drive, librement adapté d’un roman de James Sallis, a fait l’unanimité à sa sortie. Le réalisateur danois Nicolas Winding Refn, qui s’était fait remarquer avec la trilogie Pusher puis Bronson et Le guerrier silencieux (Valhalla Rising), revisitait ici la mythologie du film noir, et mariait avec brio le film d’auteur et le pur divertissement. La réussite de Drive tient aussi à la fusion d’un cinéaste et d’un acteur tous deux surdoués. Le fétichisme de l’un (très cinéphile) et le magnétisme de l’autre font merveille. Ryan Gosling est impeccable dans la peau de ce héros (guerrier ?) silencieux et énigmatique qui, par amour, va abattre des montagnes. La Britannique Carey Mulligan fait une exquise demoiselle en détresse, et on se réjouit de la présence des talentueux Bryan Cranston, Albert Brooks, Oscar Isaac, Ron Perlman ou Christina Hendricks. Ce conte de fées dans une Los Angeles poétique, sublimée par la photo léchée de Newton Thomas Sigel, est digne des plus beaux films noirs de Michael Mann, Brian De Palma ou feu William Friedkin. Les ambiances de rêve éveillé et l’extrême romantisme contrastent avec la sauvagerie de séquences à la violence exacerbée : une juxtaposition qui constitue un cocktail fascinant. Ce mélange de pureté et de perversion est aussi la marque du réalisateur de The Neon Demon ou Only God Forgives pour qui le cinéma est avant tout affaire d’émotions et de chocs visuels. « Je ne voulais surtout pas en faire un film de bagnoles. C’est surtout l’histoire de la transformation d’un homme en super-héros. » dira-t-il. Bercé par une bande-son electro hypnotique signée Cliff Martinez, et par « Nightcall » du Français Kavinsky (en mode Giorgio Moroder), Drive reste à ce jour le plus beau film de Nicolas Winding Refn. 1 h 40 Et avec Russ Tamblyn, Kaden Leos, James Biberi, Jeff Wolfe…
STEELBOOK COMBO BLU-RAY 4K ULTRA HD ET BLU-RAY ****
L’image en 4K est tout bonnement renversante et la piste sonore (proposée en Dolby Atmos pour la VO) n’est rien moins qu’explosive.
Côté bonus, l’édition reprend le making of et l’interview du réalisateur (Drive Without A Driver, 26 minutes) réalisés pour le Blu-ray de 2012. La pièce de choix ici est le nouveau commentaire audio de Nicolas Winding Refn accompagné de l’Anglais Peter Bradshaw, journaliste au Guardian. Les deux hommes, qui correspondent depuis longtemps, évoquent non seulement le film, mais l’art en général (« L’art est une expérience qui t’accompagne tout au long de ta vie. ») Cette discussion riche en aphorismes est passionnante. Le cinéaste évoque également son amitié avec Ryan Gosling (leur rencontre est à l’origine de Drive) à propos duquel il ne tarit pas d’éloges ; il parle de sa fascination pour Los Angeles, de son admiration pour Gaspar Noé, et de ses rapports avec l’industrie du cinéma (le feuilleton de finalisation du film et de sa sélection au festival de Cannes ne manque pas de sel). On y apprend également que NWR a tout simplement piqué l’idée du scorpion du blouson du Pilote au mythique Scorpio Rising de Kenneth Anger.
Avec cette irrésistible histoire d’amour dans la Californie de 1973, Paul Thomas Anderson revient à un cinéma plus conventionnel et moins névrosé. La virtuosité du réalisateur fait merveille dans ce film initiatique joyeux, joliment surréaliste et immensément poétique, qui fait l’unanimité depuis sa sortie.
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« I’m not going on a date with you, kid. »
LICORICE PIZZA
Paul Thomas Anderson 2021
Dans les salles françaises le 5 janvier 2022
Dans la banlieue de Los Angeles en 1973, Gary Valentine (Cooper Hoffman) a quinze ans et partage son temps entre le lycée, ses copains et ses petits jobs d’acteur. Lorsqu’il rencontre Alana Kane (Alana Haim), venue assister le photographe de l’école le jour de la photo de classe, c’est le coup de foudre. Le hic, c’est qu’elle est plus âgée que lui. Qu’à cela ne tienne, l’adolescent s’empresse de l’inviter à dîner, et lui demande de l’accompagner à New York où il doit participer à show télévisé…
Lorsqu’il a découvert Once Upon A time… In Hollywood, de Quentin Tarantino, Paul Thomas Anderson a pensé, une fraction de seconde, abandonner le projet Licorice Pizza. Les deux longs métrages, presque fétichistes dans la forme, ne sont certes pas sans similitudes, mais on retrouve surtout ici le charme et la magie des premiers du cinéaste. Filmée dans la banlieue de Los Angeles, dans la vallée de San Fernando, celle où le réalisateur, né en 1970, a grandi – et qui sert également de décor à Boogie Nights et Magnolia –, cette chronique de jeunesse est un petit bijou de délicatesse et drôlerie. Grâce à une mise en scène virtuose et d’une fluidité sidérante – l’ouverture est un plan séquence étourdissant –, PTA rend unique cette histoire à la fois banale et compliquée : un garçon tombe amoureux d’une fille plus âgée que lui ; elle lui résiste mais aime traîner avec lui sans vraiment comprendre pourquoi. Alana, qui vit coincée chez ses parents, ne sait pas ce qu’elle veut, reste à la porte du monde des adultes sur lequel elle se casse le nez, souvent, malgré son caractère bien trempé. L’originalité du film tient aussi au talent des deux protagonistes. Cooper Hoffman est le fils du regretté Philip Seymour Hoffman, un des acteurs fétiches du réalisateur, et Alana Haim est chanteuse au sein du célèbre groupe pop-folk Haim, qu’elle forme avec ses deux sœurs, présentes dans le film. Ces deux comédiens débutants n’ont rien de particulièrement glamour (ils n’ont pas été maquillés pour renforcer l’aspect réaliste). Qu’importe, ils crèvent l’écran ! Les tribulations de Gary Valentine (c’était le nom de scène de Gary Lachman, ex-bassiste et compositeur de Blondie — hasard ? Je ne crois pas…), jeune homme plus mûr que son âge doté d’un esprit d’entreprise et d’une assurance sidérante, sont inspirées par des anecdotes du vécu de Paul Thomas Anderson. Licorice Pizza (pizza à la réglisse, surnom des galettes de vinyle) était le nom d’une chaîne de magasins de disques des années 70-80. Et de bonne musique d’ailleurs, le film en regorge. La bande-son est un florilège : David Bowie, Paul McCartney & Wings, Nina Simone, Donovan, The Doors… Cette balade dans les seventies (la photo a une patine vintage) ressemble à un joyeux bazar, foutraque et gorgé d’insouciance. Les jeunes courent dans le vent, ont de l’humour et une fraîcheur communicative. Ils dament le pion aux adultes, souvent ridicules, lâches ou barbants. Sean Penn en vieux beau est hilarant, tout comme Tom Waits ou Bradley Cooper en Jon Peters, célèbre coiffeur devenu producteur qui fut l’amant de Barbra Streisand (il est l’une des sources d’inspiration pour le personnage incarné par Warren Beatty dans Shampoo). Chaque plan est une leçon de cinéma. On en sort estomaqué, émerveillé. On n’est même pas à la mi-janvier, qu’on tient certainement là le meilleur film de 2022. 2 h 13 Et avec Benny Sadfie, Este Haim, Danielle Haim, Harriet Sansom Harris, Christine Ebersole, Skyler Gisondo, Dexter Demme, Sasha Spielberg, John Michael Higgins, Maya Rudolph, George DiCaprio, John C. Reilly…
Les années 80 reviennent en force avec deux films oubliés, à (re)découvrir en Blu-ray ou DVD, master restaurés et suppléments à l’appui.
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« Tu sais quand tu es arrivée sur moi avec ton couteau ? La seule trouille que j’ai eue sur le moment, c’est que tu te blesses. »
CONTRE TOUTE ATTENTE (Against All Odds)
Taylor Hackford 1984 En DVD et Combo DVD/Blu-ray chez Sidonis Calista depuis le 20 mai 2021
À cause de son épaule abîmée et de son âge, Terry Brogan (Jeff Bridges), l’ex-vedette de l’équipe de football américain The Outlaws, est licencié. Fauché, il accepte à contrecœur l’offre juteuse de son copain Jake Wise (James Woods), propriétaire d’un club prisé à Los Angeles et truand sur les bords. La mission : retrouver la petite amie de ce dernier, qui s’est enfuie après l’avoir agressé. Il se trouve que la jeune femme en question (Rachel Ward) est aussi la fille de la riche propriétaire des Outlaws (Jane Greer)…
J’ai vu Contre attente au cinéma, à sa sortie, en 1984. Je me souviens m’être dit que, par endroits, le film ressemblait à une publicité pour gel douche, en particulier dans sa partie mexicaine. Les personnages incarnés par Jeff Bridges et Rachel Ward (au top de leur « sexitude ») font de la plongée, s’embrassent sur le sable, font l’amour dans des temples mayas, courent sur la plage dans le soleil couchant et jouent les touristes dans des paysages de rêve. Impression accentuée par la chanson sirupeuse de Phil Collins (« Take A Look At Me Now ») qui clôt joliment le film. Elle fera un tube interplanétaire et restera dans les mémoires, a contrario du film. Pourtant, même si Contre toute attente souffre d’un manque de rythme et d’une mise en scène souvent paresseuse, le revoir aujourd’hui est un régal. Film noir « tourné en plein soleil » dixit son réalisateur, ce troisième long-métrage de Taylor Hackford (après The Idol Maker et Officier et gentleman) est très librement inspiré de La griffe du passé (Out Of The Past), chef-d’œuvre de Jacques Tourneur, avec Robert Mitchum, Jane Greer (elle campe ici la mère du personnage qu’elle incarnait dans l’original), Kirk Douglas et Rhonda Fleming. L’ex-détective reconverti pompiste interprété par Mitchum est devenu joueur de football et, à l’intrigue initiale, se mêlent corruption dans le monde du sport, projets immobiliers, politique et écologie. Le remake bénéficie lui aussi d’une formidable distribution. James Woods excelle dans ce rôle de bad boy intense et transi d’amour, finalement plus attachant que celui, plus convenu, campé par Jeff Bridges. On ne boude pas non plus le plaisir de voir Richard Widmark dans un rôle de crapule dont il avait le secret, ou King Creole and The Coconuts interpréter « My Male Curiosity » dans le club de Jake Wise (chanson écrite tout spécialement pour le film). Le Los Angeles clinquant de l’époque est magnifiquement rendu par la photo de Donald E. Thorin (qui signait la même année celle de cultissime Purple Rain). La course sur Sunset Boulevard entre la Ferrari noire de Jake Wise et la Porsche rouge de Terry Brogan en met toujours plein les mirettes, tout comme les scènes sur la plage de Manhattan Beach. Le plan final, sur le visage de Rachel Ward (qui fut l’héroïne de la célèbre série Les oiseaux se cachent pour mourir), tandis que résonne « Take A Look At Me Now », rend sacrément nostalgique. 2 h 08. Et avec Alex Karras, Dorian Harewood, Saul Rubinek, Swoosie Kurtz…
TEST ÉDITION BLU-RAY
Interactivité **** Un programme de suppléments inespéré qui propose deux commentaires audio. Dans le premier, le réalisateur est en compagnie de Jeff Bridges et James Woods ; dans le second, la parole est donnée au scénariste Eric Hugues. On y découvre bon nombre d’anecdotes. Taylor Hackford révèle que de nombreux spectateurs sont retournés voir le film à plusieurs reprises pour la seule scène de la course de voitures. On y découvre aussi que Rachel Ward s’était mariée (avec le comédien Bryan Brown) la veille d’entamer ce tournage aux scènes d’amour torrides. Au programme également, un entretien d’époque avec James Woods. Il confie que son acteur préféré est Gary Cooper (selon lui « l’essence même de l’Amérique »), encense Bette Davis et a la dent dure lorsqu’il évoque Faye Dunaway (8 minutes). Le critique Gérard Delorme, dans sa présentation, met en exergue les similitudes du film avec Chinatown, et revient sur La griffe du passé. Le programme comprend également deux scènes coupées dont l’une, excellente, aurait pu survivre au montage final. Les clips des chansons de Phil Collins et Kid Creole and The Coconuts figurent aussi au menu.
Image *** Format : 1.85 La restauration est magnifique (beau piqué, belle définition, grain argentique respecté…). Les couleurs sont vibrantes et les contrastes saisissants.
Son *** DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en VOST DTS-HD Master Audio 2.0 en français Très convenable. On notera quelques beaux effets de spatialisation dans la version originale, où les passages musicaux sont particulièrement mis en valeur.
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« Well, if you know your place in the cosmos, the world is beautiful. Just think to yourself : the world is beautiful.
– Fuck the world ! »
THE BOYS NEXT DOOR
Penelope Spheeris 1985 En DVD et Blu-ray chez Carlotta depuis le 19 mai 2021
C’est l’heure de la remise des diplômes pour Roy Alston (Maxwell Caulfield) et Bo Richards (Charlie Sheen). Ces deux adolescents marginaux issus de la classe ouvrière d’une petite ville californienne n’ont cependant pas beaucoup de perspective d’avenir, hormis l’usine locale et l’armée. Considérés comme des losers par leurs camarades, ils en veulent au monde entier et notamment aux filles, qui ne les regardent pas, et à ceux qu’elles regardent. Après avoir parasité la fête de fin d’année, où ils n’étaient pas invités, les deux garçons décident de partir en virée à Los Angeles, pour s’éclater et évacuer leurs frustrations…
« Des méfaits du reaganisme adaptés à la bonne vieille série B » avait écrit Jean-Philippe Guerand dans sa courte critique parue dans le numéro d’octobre 1987 de Première. Le film avait fait une brève apparition le mois précédent sur les écrans d’ici sous le titre De sang froid — à ne pas confondre avec celui de la version française de In cold Blood, de Truman Capote. Pour sa publication en vidéo, Carlotta a eu la bonne idée de lui redonner son titre original, bien plus adapté. Introduit par un petit topo sur les tueurs en série, The Boys Next Door décrit de manière implacable la balade funeste de deux jeunes hommes à l’allure innocente, pris de folie meurtrière. Se sentant mis au ban de la société, ils vont tuer à multiples reprises avec une violence inouïe. Le plus forcené des deux, campé par Maxwell Caulfield, est particulièrement terrifiant. Pétri de haine, probablement en proie à une homosexualité refoulée, il entraîne son copain dans une spirale infernale sans l’ombre d’un remords : le meurtre de l’infortunée Angie — incarnée par Patti D’Arbanville, la Lady D’Arbanville de la célèbre chanson de Cat Stevens — est d’une rare brutalité (Le film a échappé de justesse à un classement X). Penelope Spheeris, future réalisatrice de Wayne’s World, qui sera cantonnée ensuite aux comédies, était alors une documentariste spécialisée dans le rock underground (elle a été surnommée « l’anthropologue du rock »). Cette observatrice de la nature humaine s’était fait remarquer en 1981 en signant le documentaire The Decline Of Western Civilization, une immersion dans la scène punk de Los Angeles. C’était aussi le sujet de son premier long-métrage de fiction, Suburbia, produit par Roger Corman, paru deux ans plus tard. Interdit aux moins de seize ans à sa sortie, The Boys Next Door profite indéniablement de sa connaissance de la vie nocturne et des mœurs de la Cité des Anges. Les plans dans les quartiers chauds sont d’une authenticité remarquable. Ils donnent à cette série B âpre et violente un réalisme saisissant et en font une œuvre à fois emblématique d’une époque, et universelle. 1 h 31 Et avec Christopher McDonald, Lesa Lee, Grant Heslov, Don Draper, Hank Garrett, Paul C. Dancer, Moon Unit Zappa, Blackie Dammett…
TEST ÉDITION BLU-RAY
Interactivité *** L’édition de la Midnight Collection de Carlotta reprend des suppléments du Blu-ray américain de 2019. Penelope Spheeris et Maxwell Caulfield se remémorent le tournage le temps d’un entretien très sympathique (21 minutes) réalisé en 2015. La réalisatrice confie avoir concédé au producteur Sandy Howard l’introduction sur les tueurs en série, qui tenait à cœur à ce dernier (le générique alternatif figure également au menu). Elle se souvient aussi en riant de la réaction de Martin Sheen à la première du film, qui a quitté la salle dès le début, effaré par tant de violence. Maxwell Caulfield évoque sans langue de bois sa participation à Grease 2 (paru trois ans avant The Boys Next Door), le film qui devait lancer sa carrière et qui, dans le même temps, l’a anéantie. Un reportage amusant permet de visiter les lieux du tournage à Los Angeles (14 minutes). Des scènes alternatives et la bande-annonce complètent le programme.
Image ** Format : 1.85 Restauré en 4K à partir du négatif original, le film propose une image propre et soignée, mais un peu douce. La précision n’est pas toujours de mise, mais on peut estimer qu’il s’agit de la meilleure version de l’œuvre à ce jour.
Son ** DTS-HD Master Audio 1.0 en VO et français Sous-titres français optionnels On aurait apprécié une piste plus dynamique, mais l’ensemble reste clair et équilibré.