LICORICE PIZZA

Avec cette irrésistible histoire d’amour dans la Californie de 1973, Paul Thomas Anderson revient à un cinéma plus conventionnel et moins névrosé. La virtuosité du réalisateur fait merveille dans ce film initiatique joyeux, joliment surréaliste et immensément poétique, qui fait l’unanimité depuis sa sortie.

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« I’m not going on a date with you, kid. »

 

LICORICE PIZZA

Paul Thomas Anderson
2021
Dans les salles françaises le 5 janvier 2022

Dans la banlieue de Los Angeles en 1973, Gary Valentine (Cooper Hoffman) a quinze ans et partage son temps entre le lycée, ses copains et ses petits jobs d’acteur. Lorsqu’il rencontre Alana Kane (Alana Haim), venue assister le photographe de l’école le jour de la photo de classe, c’est le coup de foudre. Le hic, c’est qu’elle est plus âgée que lui. Qu’à cela ne tienne, l’adolescent s’empresse de l’inviter à dîner, et lui demande de l’accompagner à New York où il doit participer à show télévisé…

Lorsqu’il a découvert Once Upon A time… In Hollywood, de Quentin Tarantino, Paul Thomas Anderson a pensé, une fraction de seconde, abandonner le projet Licorice Pizza. Les deux longs métrages, presque fétichistes dans la forme, ne sont certes pas sans similitudes, mais on retrouve surtout ici le charme et la magie des premiers du cinéaste. Filmée dans la banlieue de Los Angeles, dans la vallée de San Fernando, celle où le réalisateur, né en 1970, a grandi – et qui sert également de décor à Boogie Nights et Magnolia –, cette chronique de jeunesse est un petit bijou de délicatesse et drôlerie. Grâce à une mise en scène virtuose et d’une fluidité sidérante – l’ouverture est un plan séquence étourdissant –, PTA rend unique cette histoire à la fois banale et compliquée : un garçon tombe amoureux d’une fille plus âgée que lui ; elle lui résiste mais aime traîner avec lui sans vraiment comprendre pourquoi. Alana, qui vit coincée chez ses parents, ne sait pas ce qu’elle veut, reste à la porte du monde des adultes sur lequel elle se casse le nez, souvent, malgré son caractère bien trempé. L’originalité du film tient aussi au talent des deux protagonistes. Cooper Hoffman est le fils du regretté Philip Seymour Hoffman, un des acteurs fétiches du réalisateur, et Alana Haim est chanteuse au sein du célèbre groupe pop-folk Haim, qu’elle forme avec ses deux sœurs, présentes dans le film. Ces deux comédiens débutants n’ont rien de particulièrement glamour (ils n’ont pas été maquillés pour renforcer l’aspect réaliste). Qu’importe, ils crèvent l’écran ! Les tribulations de Gary Valentine (c’était le nom de scène de Gary Lachman, ex-bassiste et compositeur de Blondie — hasard ? Je ne crois pas…), jeune homme plus mûr que son âge doté d’un esprit d’entreprise et d’une assurance sidérante, sont inspirées par des anecdotes du vécu de Paul Thomas Anderson. Licorice Pizza (pizza à la réglisse, surnom des galettes de vinyle) était le nom d’une chaîne de magasins de disques des années 70-80. Et de bonne musique d’ailleurs, le film en regorge. La bande-son est un florilège : David Bowie, Paul McCartney & Wings, Nina Simone, Donovan, The Doors… Cette balade dans les seventies (la photo a une patine vintage) ressemble à un joyeux bazar, foutraque et gorgé d’insouciance. Les jeunes courent dans le vent, ont de l’humour et une fraîcheur communicative. Ils dament le pion aux adultes, souvent ridicules, lâches ou barbants. Sean Penn en vieux beau est hilarant, tout comme Tom Waits ou Bradley Cooper en Jon Peters, célèbre coiffeur devenu producteur qui fut l’amant de Barbra Streisand (il est l’une des sources d’inspiration pour le personnage incarné par Warren Beatty dans Shampoo). Chaque plan est une leçon de cinéma. On en sort estomaqué, émerveillé. On n’est même pas à la mi-janvier, qu’on tient certainement là le meilleur film de 2022.
2 h 13 Et avec Benny Sadfie, Este Haim, Danielle Haim, Harriet Sansom Harris, Christine Ebersole, Skyler Gisondo, Dexter Demme, Sasha Spielberg, John Michael Higgins, Maya Rudolph, George DiCaprio, John C. Reilly…