LA VILLE ABANDONNÉE (Yellow Sky)

Quand Bertrand Tavernier parle de western, c’est un peu comme lorsque Raymond Depardon évoque la France profonde : c’est un régal. Non seulement le réalisateur connaît le genre comme sa poche, mais il a rencontré ses légendes (réalisateurs, acteurs, directeurs photo…). Une mémoire précieuse pour un genre fabuleux, dont on ne se lasse pas de revoir les chefs-d’œuvre, et qui est l’une des spécialités de l’éditeur vidéo Sidonis Calysta. Plusieurs fois par an, sa collection Western de légende, dirigée par Alain Carradore, propose, en Blu-ray ou DVD, une rivière de joyaux en versions restaurées. Parmi ces éditions remarquables, enrichies d’interventions de Bertrand Tavernier et/ou Patrick Brion, autre grand amoureux du western, on retient particulièrement celle de La ville abandonnée. En premier lieu parce que le film est un bijou, ici superbement restauré, mais aussi parce que le documentaire sur son génial réalisateur, William A. Wellman, est passionnant et donne envie de jeter immédiatement sur toute sa filmographie.

Yellow 

 La ville abandonnée (Yellow Sky)

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William A. Wellman
1948
En Blu-ray et DVD restaurés chez Sidonis depuis le 28 février

En 1867, au Nevada… Après avoir cambriolé la banque de Rameyville, des renégats menés par James « Stretch » Dawson (Gregory Peck) sont pris en chasse par la cavalerie à laquelle ils échappent en traversant la Vallée de la mort. Au bout de quelques jours, sous un soleil de plomb et assoiffés, les six bandits parviennent à Yellow Sky, une petite ville fantôme, où ne vivent plus qu’un vieux chercheur d’or et sa petite-fille (Ann Baxter), au caractère bien trempé. Si cette dernière sème le trouble parmi les hommes, c’est l’or qui tente davantage Dude (Richard Widmark), qui ne va pas tarder à s’opposer à Stretch…

Classique du western, La ville abandonnée, qui a parfois pris le titre Nevada, est paru la même année que Le trésor de la Sierra Madre, de John Huston, dans lequel les personnages sont aveuglés par la cupidité, comme l’est ici celui qu’interprète, avec le brio qu’on lui connaît, Richard Widmark. Le film est dirigé par William A. Wellman, cinéaste éclectique de l’âge d’or d’Hollywood, qui avait servi dans la fameuse Escadrille Lafayette durant la Première Guerre mondiale, et qui a signé, au cours de sa prolifique carrière, quelques œuvres parmi les plus belles du cinéma américain : des Ailes (Wings) en 1927 à Convoi de femmes, écrit en 1951 avec son ami Frank Capra, en passant par L’ennemi public, Une étoile est née (version originale de 1937), La joyeuse suicidée, Beau geste, L’étrange incident ou Les forçats de la gloire. Western atypique parce qu’étonnamment âpre et dépouillé, La ville abandonnée se distingue aussi par ses paysages naturels magnifiques, sa lumière presque aveuglante, et son noir et blanc savamment contrasté. Wellman dirige de main de maître ce récit imaginé par W. R. Burnett auquel on doit aussi ceux de Quand la ville dort ou La grande évasion. Les dialogues sont réduits à l’essentiel, et les acteurs eux-mêmes affectent une certaine brutalité. L’élégant Gregory Peck trouve là un de ses rares rôles de bad guy, deux ans après celui du fils cynique et vaurien de Duel au soleil de King Vidor. Au début du film, Stretch apparaît cruel, un tantinet sadique, ce qui rend son changement radical d’attitude par la suite un peu artificiel. Même si on ne peut s’empêcher d’y voir l’influence du studio, il faut aussi y reconnaître la patte de Wellman et son humanisme à tous crins, qui le pousse à « sauver » ses personnages. Très attaché aux personnages féminins de tempérament, le cinéaste a particulièrement soigné celui d’Ann Baxter, actrice douée et future Eve de Mankiewicz. Les joutes entre la jeune Constance Mae, dite Mike, et Stretch ne manquent pas de piquant, et débordent d’une sensualité anachronique. En défiant son autorité, et en le remettant vertement à sa place, la jeune femme gagne non seulement le cœur du renégat, mais lui rend aussi son humanité et sa sagesse. Stretch cédera peu à peu sa place de salaud à Dude, Richard Widmark, le méchant qu’on adorait détester depuis le mémorable Carrefour de la mort d’Hathaway. La ville abandonnée avait valu à William A. Wellman le Prix du Meilleur réalisateur au festival de Locarno en 1949, et son scénario (de Lamar Trotti) avait remporté en 1950 celui du Meilleur western, décerné par la vénérable Writers Guild Of America.
1 h 38 Et avec Robert Arthur, John Russell, James Barton, Charles Kemper…

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Test Blu-ray :  

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Interactivité ****
Le Blu-ray reprend le programme de l’édition DVD parue il y a cinq ans chez les mêmes éditeurs. Bertrand Tavernier évoque le film et son réalisateur avec passion durant une vingtaine de minutes. On se réjouit ensuite de découvrir l’hommage à William Wellman intitulé Wild Bill : Hollywood Maverick, produit en 1995 par le fils du cinéaste. Truffé de témoignages de proches, de réalisateurs (Scorsese, Clint Eastwood…) et d’acteurs (Gregory Peck, Richard Widmark, Sidney Poitier, Jane Wyman, Robert Redford…), le documentaire d’une heure est tout bonnement fabuleux. L’incroyable et prolifique carrière de Wellman retrace aussi une page fondamentale de l’histoire du cinéma américain et de l’Amérique elle-même.

Image ***
Format : 1.33
La restauration n’est pas 4K, mais la définition est superbe dans son ensemble. Les contrastes sont magnifiquement gérés. Une splendeur !

Son ***
DD Master Audio 2.0 en anglais sous-titré et français
Une piste 2.0 claire et profonde. Beau travail de restauration ici aussi.

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Parmi les autres pépites du western parues cette année en Blu-ray chez Sidonis, il ne faut pas manquer :

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La dernière caravane (The Last Wagon) 1956, de Delmer Daves, qui donne, pour une fois, le beau rôle à Richard Widmark.

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Comanche Station, l’un des chefs-d’œuvre de Budd Boetticher, avec son acteur fétiche Randolph Scott (1960)

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L’homme de la plaine (The Man From Laramie), chef-d’œuvre du genre par l’un de ses maîtres, Anthony Mann, avec le génial James Stewart (1955)

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Site officiel de l’éditeur Sidonis Calysta

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