LA PETITE DORRIT

Chef-d’œuvre de la télévision britannique inédit en France, l’adaptation par la BBC de Little Dorrit, de Charles Dickens, vient de paraître en DVD chez Koba Films, et est attendue sur Arte fin novembre. Elle est signée Andrew Davies, le maître du period drama, auquel on doit déjà les remarquables séries Orgueil et préjugés, Bleak House, House of Cards ou Mr Selfridge, et force est de constater que sous sa plume, cette critique acerbe du capitalisme n’a rien perdu de sa pertinence. Il y est question d’une jeune fille vertueuse et pauvre, née et élevée en prison, de l’homme chevaleresque qui tente d’arracher sa famille à la misère, de gens malintentionnés, de secrets de famille inavouables et de revers de fortune. Romanesque par excellence !

 

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« Chut ! Ce serait vraiment étrange de vous voir oublier quelque chose, vous qui n’oubliez jamais personne et qui n’oubliez jamais rien. »
Arthur Clennam à Amy Dorrit

 

La petite Dorrit (Little Dorrit)

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Mini-série produite par la BBC, créée en 2008 par Andrew Davies d’après l’œuvre de Charles Dickens
En DVD chez Koba Films depuis le 22 octobre 2014, diffusée sur Arte du 27 novembre au 18 décembre 2014

En voyage en Orient depuis de nombreuses années avec son père homme d’affaires, Arthur Clennam (Matthew Macfadyen) est contraint de rentrer en Angleterre à la mort soudaine de ce dernier. Dans un dernier souffle, le vieil homme lui a fait promettre d’obliger sa mère à lui révéler un secret de famille et à réparer les torts commis. A Londres, Arthur est accueilli plutôt sèchement par cette dernière, une femme acariâtre, qui refuse de lui donner une quelconque explication. Il est cependant intrigué par la présence d’une jeune fille, Amy Dorrit (Claire Foy), venue effectuer de menus travaux de couture, et par la sollicitude inattendue que sa mère lui témoigne. En suivant discrètement Amy, il découvre qu’elle vit depuis toujours avec son père dans la prison de la Maréchaussée, où sont incarcérés les endettés…

Moins célèbre qu’Oliver Twist, David Copperfield ou Les grandes espérances, La petite Dorrit, de Charles Dickens (1812-1870), est une formidable immersion dans le Londres capitaliste et corrompu de l’époque victorienne. Paru à l’origine sous forme de feuilleton mensuel entre 1855 et 1857, le onzième roman de l’un des plus populaires auteurs anglais était considéré par le dramaturge George Bernard Shaw comme « le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre » et « plus séditieux que Le Capital de Karl Marx. » Jamais en effet, Dickens ne s’est attaqué aussi directement aux institutions politiques, à l’inertie de la bureaucratie et aux aristocrates incompétents dont est constellé le gouvernement (voir le très kafkaïen ministère des Circonlocutions). Et si le sinistre banquier Merdle semble préfigurer Bernard Madoff, Dickens publie le livre en 1857, alors que les directeurs de la Royal British Bank sont arrêtés pour avoir berné leurs clients (il l’évoque dans sa préface). Parce qu’il a souffert dans son enfance du manque d’argent (son propre père a été incarcéré pour dettes à la prison de la Maréchaussée), le romancier sait qu’il est le nerf de la guerre, et il s’amuse ici à le faire changer de mains de façon spectaculaire. Le roman est ainsi séparé en deux parties, illustrant le destin de la famille Dorrit. Elles sont sobrement intitulées Pauvreté et Les riches. Critiqué à sa publication pour la complexité de son intrigue et son manque de nuances, Little Dorrit a été réhabilité au cours du XXe siècle. Nul doute que cette adaptation d’Andrew Davies, présentée ici en huit épisodes de 52 minutes, va susciter l’envie de le (re)découvrir. L’univers de Dickens n’a jamais été aussi éclatant, caustique et romanesque. Autour des nobles figures d’Amy et d’Arthur, évoluent des personnages secondaires truculents, telle Flora, l’amour de jeunesse d’Arthur, qui amènent une légèreté bienvenue à un contexte plutôt sombre. La distribution est prestigieuse. Tom Courtenay fait un Mr Dorrit bouleversant, Andy Serkis (Rigaud) en psychopathe, est terrifiant, Matthew Mcfadyen (il campait le Mr Darcy d’Orgueil et préjugés, de Joe Wright) fait un Arthur Clennam extrêmement touchant, et Claire Foy une héroïne moderne et sage. Cette mini-série, qui a remporté sept Emmy Awards en 2009, est en tout point remarquable.
Et avec James Fleet, Eddie Marsan, Emma Pierson, Alex Wyndham, Russell Tovey, Ron Cook…

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Test DVD :

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Interactivité *

On doit se contenter d’une biographie de Dickens et d’un lot de bandes-annonces des productions de la BBC, tout aussi excellentes, déjà parues chez l’éditeur.

Image ****
Format : 1.77
On se félicite de cette image riche aux couleurs somptueuses, superbement définie. Les noirs sont profonds et les clairs-obscurs, de toute beauté.

Son ****
DD 2.0 en anglais et français
Sous-titres français non imposés
Une piste stéréo dynamique et efficace, qui met en valeur les bruits d’ambiance comme les dialogues. La version originale est à privilégier.

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Article connexe : Jane Eyre

INTERSTELLAR : The power of love

Evénement cinématographique de la saison, le neuvième long-métrage de Christopher Nolan charrie des torrents d’émotion en plus d’être une claque visuelle. Plus proche de Spielberg que de Kubrick, ce blockbuster ambitieux et excitant jongle avec l’infiniment grand et l’intime, le spectaculaire et le mélodrame, pas toujours avec subtilité, mais avec une ferveur quasi-homérique.

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Do not go gentle into that good night,
Old age should burn and rave at close of day ;
Rage, rage against the dying of the light.

[N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit,
Le vieil âge devrait brûler et s’emporter à la chute du jour ;
Rager et s’enrager contre la mort de la lumière.]
Dylan Thomas – 1951

 

Interstellar : The power of love

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Christopher Nolan
2014

La Terre est exsangue. La famine et la pollution condamnent l’humanité à une fin imminente. Seul espoir des scientifiques : coloniser une autre planète habitable. A la faveur d’un trou de ver récemment découvert dans l’espace-temps donnant accès à une galaxie bienveillante, un groupe d’explorateurs entreprend d’y dénicher la planète idéale. Pour les conduire, la Nasa, devenue semi-clandestine, sollicite les services de Cooper (Matthew McConaughey), ancien pilote de la maison reconverti cultivateur. Le dilemme de Cooper, c’est qu’il est aussi veuf et père de deux enfants et qu’il a promis à sa cadette, Murphy (Mackenzie Foy), dévastée par son départ, de revenir…

Après Alfonso Cuaron et son sensationnel Gravity, c’est au tour de Christopher Nolan d’en mettre en plein la vue avec ce blockbuster de science-fiction grandiose et humaniste, écrit avec son frère scénariste Jonathan Nolan, et supervisé par le physicien Kip Thorne, spécialiste de la relativité et des trous noirs. D’emblée, on est étonné par la facture classique du film, tourné en 70 mm IMAX et 35 mm (hélas, il ne sera projeté dans son format d’origine que dans une seule salle en France, le Grand Mercure à Elbeuf, la seule à être équipée d’un projecteur argentique 70 mm). Comme son aîné Steven Spielberg, Christopher Nolan est un conteur efficace. En deux coups de cuillères à pot, il éveille la curiosité et rend plausibles les choses les plus extravagantes. On ne met pas longtemps à se ranger aux côtés de Cooper, véritable space cowboy (rôle qui va comme un gant au Texan Matthew McConaughey), qui se voit assigner la mission ultime : assurer la survie de l’humanité. Parti la fleur au fusil, il ne comprend que trop tard qu’il ne pourra peut-être pas tenir la promesse à sa fille adorée. Car le temps est un redoutable ennemi. Une heure passée sur une planète soumise à d’autres lois physiques équivaut à sept ans sur terre, où les conditions de vie sont de plus en plus effroyables. Entre discours scientifiques plutôt pédagogiques et scènes intimistes touchantes, Interstellar éblouit avec des séquences d’action ébouriffantes (telles ces vagues vertigineuses de la première planète visitée) mises en valeur par des effets sonores saisissants et une musique de Hans Zimmer qui se fait majestueuse dans les hauteurs. Mais plus l’intrigue avance, plus Nolan se détache de la rigueur scientifique. « L’amour est la seule chose qui transcende le temps et l’espace. » Soit ! La poésie prend le dessus et le space opera un tour résolument lyrique, métaphysique et sentimental, au point de dérouter, laissant de nombreuses questions sans réponse (a fortiori lorsqu’on n’est pas astrophysicien soi-même) et des incohérences inconfortables. Qu’importe ! Interstellar n’est certainement pas le nouveau 2001, l’odyssée de l’espace, mais le voyage en vaut la peine. Il tient en haleine, et a le mérite de faire cogiter…
(2 h 49) Et avec Anne Hathaway, Jessica Chastain, Michael Caine, Matt Damon, Casey Affleck, John Lithgow, Wes Bentley, Topher Grace, Ellen Burstyn…

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NEWS ET TOP SORTIES Semaine du 10 au 16 novembre 2014

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En attendant le nouveau Star Wars, prévu pour décembre 2015 et qui sera donc intitulé The Force Awakens (on ne connaît pas encore le titre français), le nouveau Jason Bourne avec Matt Damon (dirigé à nouveau par Paul Greengrass) attendu en 2016, et le 3 décembre prochain la sortie Blu-ray des Sept Samouraïs, chez Wild Side Video, voici les parutions remarquables de la semaine :

 

Cinéma
Sorties du mercredi 12 novembre

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Respire
Mélanie Laurent  2014
Drame (1 h 31)
Avec Joséphine Japy, Lou de Laâge, Isabelle Carré
Histoire de vérifier si le deuxième long-métrage de l’actrice Mélanie Laurent, autour d’une amitié vénéneuse entre deux adolescentes, est vraiment la réussite annoncée, son premier (Les adoptés), ayant moyennement convaincu.
Bande-annonce

 

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Quand vient la nuit (The Drop)
Michaël R. Roskam 2014
Thriller (1h46)
Avec Tom Hardy, Noomi Rapace, James Gandolfini, Matthias Schoenaerts
Pour plusieurs raisons — les acteurs (il s’agit notamment du dernier rôle de James Gandolfini), le scénario de Dennis Lehane (Mystic River, Gone Baby Gone, Shutter Island) adapté de son propre roman — le deuxième film du réalisateur belge de Bullhead vaut le détour.
Bande-annonce

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La prochaine fois, je viserai le cœur
Cedric Anger 2014
Policier (1h51)
Avec Guillaume Canet, Ana Girardot
Réalisateur en 2007 de l’intense Le tueur (avec Gilbert Melki et Grégoire Colin), Cedric Anger revisite l’affaire Alain Lamare, dit « Le tueur de l’Oise », qui a fait la une à la fin des années 70. Pas négligeable.
Bande-annonce

 

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Marie Heurtin
Jean-Pierre Améris 2014
Biopic (1h31)
Avec Isabelle Carré, Ariana Rivoire
En 1962, Arthur Penn avait retracé l’histoire vraie d’Helen Keller, aveugle, sourde et muette, dans Miracle en Alabama, qui avait valu l’Oscar à Anne Bancroft. Cinquante-deux ans plus tard, Jean-Pierre Améris, réalisateur de l’épatant Les émotifs anonymes, se penche sur le destin similaire de Marie Heurtin, née en 1885 dans l’Ouest de la France. A noter que pour la première fois en France, le film est diffusé dans une version sous-titrée pour les personnes sourdes.
Bande-annonce

 

Toujours à l’affiche :
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Interstellar de Christopher Nolan (Chronique AFAP)

 

Sorties DVD/Blu-ray

 

Les croix de bois
Raymond Bernard
avec Pierre Blanchar, Gabriel Gabrio, Charles Vanel, Antonin Artaud
1932 — Le 12 novembre en DVD/Blu-ray (Pathé)

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Traumatisant à souhait, le film de référence sur la Première guerre mondiale restauré à partir d’un master 4K bénéficie d’une édition Blu-ray comprenant un DVD entier de bonus.

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Blue Ruin
Jeremy Saulnier
avec Macon Blair, Devin Ratray, Amy Heargrives

2013 — Le 12 novembre en DVD (Wild Side Video)

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Ce film indépendant américain, entre thriller sanglant et étude de société, a unanimement emballé la critique à sa sortie.

 

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Du goudron et des plumes
Pascal Rabaté
avec Sami Bouajila, Isabelle Carré, Daniel Prévost

2014 — Le 12 novembre en DVD (Francetvdistribution)

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Comédie pleine de fantaisie dirigée par le dessinateur de BD Pascal Rabaté, auteur et réalisateur des Petits ruisseaux.

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